Commentaire de easy
sur Séisme : l'admirable résilience des japonais


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easy easy 13 mars 2011 00:18

@ Annie,

Pardonnée sans problème.

Le cas des gens affamés par les nazis ou obligés de vendre leurs parents pour échapper à la mort est spécial. S’ils survivent, ils portent une culpabilité qui les mine. Ca semble bizarre à beaucoup.
Similaire, mais plus curieusement encore, pour ceux qui échappent à un attentat à la bombe alors qu’il y a eu vingt morts autour d’eux.

Mais on voudra bien relever qu’un rescapé d’explosiion accidentelle ne ressentira pas cette étrange culpabilité (s’il ne doit pas sa survie à la mort d’un autre ou s’il n’a pas perdu un amour dans ce drame)

En effet, quand on survit à une méchanceté (camp nazi ou attentat) on ressent une très pénible culpabilité mais si elle semble curieuse ou paradoxale c’est parce que son véritable ressort est là où je l’ai dit, à savoir dans le sentiment peut-être inédit, peut-être récurrent mais en tous cas très fort que des gens ne veulent pas de nous sur Terre et que nous devons en partir. Coupable de ne pas partir quand on nous l’ordonne.

C’est parce que les psy se trompent et y vont du « je vous assure que vous êtes victime et non coupable » qu’ils mettent tant de temps à guérir ces rescapés. Et c’est au fond par leur bon accueil tout bête qu’ils soignent. On peut guérir n’importe qui en lui démontrant qu’il est le bienvenu sur Terre, en lui parlant aimablement. Et mieux encore, en le convainquant qu’on ne changera jamais d’avis.



A part ces cas spéciaux, les cas plus courants sont donc les cas de dépressions comme celle de Jacky Cheung et des millions d’autres qui se suicident sans jamais avoir été des survivants de camps ou d’attentats. Mais cette énorme masse de déprimés partage avec les rescapés de méchancetés le fait qu’ils ne se sentent pas non plus les bienvenus sur Terre et qu’on les préfère morts ou au fond d’un trou.

Stefan Sweig, Juif, découvre non seulement l’inanité ou folie de la guerre, mais aussi la montée de l’antisémitisme et les ghettos. L’Allemagne était un pays où un Juif pouvait se sentir chez lui mais pas majoritaire. Tout Juif, même très sûr de lui, devait forcément considérer qu’il n’y était pas le bienvenu et qu’il ferait mieux d’en partir si possible. Mais Stefan, comme d’autres Juifs, découvre avec horreur que l’antisémitisme n’est pas confiné à l’Allemagne. Il existe même en Angleterre, même aux EU, même en France, etc. Il y a de quoi déprimer et il déprime. Si vous tenez au lieux commun de la culpabilisation alors va pour « il se sentait coupable de vivre »

Que fait-il ? Il quitte l’Autriche et part au Brésil, avec sa femme. Il est donc à l’abri. Et il ne mange le pain d’aucun prisonnier de camp. Mais il apprend par la presse la progression, les victoires du camp nazi. Pacifiste, constatant la guerre partout, convaincu qu’au fond quasiment tous les gens sont antisémites, ne se sentant plus du tout le bienvenu sur Terre, il se suicide. Et sa femme aussi.



Quand les gens se suicident ce n’est pas parce qu’ils se sentent coupables. La culpabilité n’a aucun rapport avec la mort, elle ne renvoie pas à la mort. C’est la sanction de la culpabilité qui envoie éventuellement à la mort. La sanction. 

La culpabilité est liée au fait ; j’écrase un chien, je suis coupable de l’avoir tué, rien ne dit encore que je dois donc mourir. Rien. 
La sanction est énoncée par des tiers et elle est subjective, culturelle, liée au temps, au contexte etc.
C’est la sanction qui envoie à la mort. Avec torture et mille humiliations avant pour bien faire le compte.


Les Nazis pouvait très bien se contenter de dire aux Juifs qu’ils étaient nuls, point. Mais ce n’est pas cela qu’ils ont fait. Ils ont dit « Vous êtes nuls et même nuisibles, vous devez donc être traités comme des cafards » Ils ont énoncé une sanction.

Et dans un attentat c’est pareil ? Quelque part il y a un groupe de gens qui ont dit « Ils doivent mourir » et c’est ce message que les rescapés ont entendu à s’en faire éclater les tympans.

Dans un attentat d’ambassade américaine, il y a 30 morts Américains et les rescapés US se sentent coupables. Mais le Chinois qui passait par là et qui s’en est tiré, quand il a compris les objectifs des tueurs, quand il a compris qu’il n’était pas du tout visé, n’a pas du tout culpabilisé.
 


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