Commentaire de frugeky
sur Trahir les Justes : lettre ouverte à Richard Prasquier


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frugeky 1er mai 2012 11:57

"Israël s’était donné un Dieu d’orgueil, à seule fin de le bafouer. Israël avait accepté une loi rigide, à seule fin de la transgresser. Et toute l’histoire d’Israël est l’histoire de cet outrage et de cette transgression. On voit le peuple élu trahir et vendre son dieu, puis marchander la loi. Et l’on entend les menaces et les malédictions tomber du ciel. Les coups pleuvent. Les calamités s’abattent. Israël souffre, pleure, gémit, se plaint en exil et se lamente en captivité. Oh, quel amour ! la main du seigneur s’appesantit sur lui et l’écrase. Israël se contorsionne, Israël verse des larmes de sang. Mais Israël jouit de sa bassesse et se délecte de son avilissement. Quelle volupté et quel orgueil ! Etre le peuple maudit, être le peuple frappé jusque dans sa dernière génération, être le peuple dispersé par les verges mêmes du Seigneur-Dieu, et avoir le droit de se plaindre, de se plaindre à haute voix, de chercher chicane et de crier son infamie, et avoir la mission de souffrir, d’adorer son mal, de le cultiver et de contaminer secrètement les peuples étrangers...


Blaise Cendrars, Moravagine, 1926.

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