Commentaire de emile wolf
sur Harcèlement sexuel, cela n'existe plus. Honteux !


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emile wolf 5 mai 2012 10:52

Bonjour Chapoutier,

Hormis le fait que votre exposé rappelle un texte plus court paru hier, jeter l’opprobre sur le Conseil constitutionnel à ce sujet semble inadapté.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1365 du 29 février 2012), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Gérard Ducray, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 222-33 du code pénal. Il a fait connaître sa décision le 4 mai 2012 sous le n° 2012-240 QPC.

S’il est exact, compte tenu de la présomption d’innocence, que la charge de la preuve incombe au plaignant, depuis la loi du 15 juin 2000 modifiant le code de procédure pénale et non depuis la loi du 18 janvier 2002 dont l’article 11 modifiant l’article 222 -33 du code pénal a été abrogé par le Conseil constitutionnel.

Contrairement au titre et à la conclusion de votre papier, le harcèlement sexuel existe toujours en France. Vous ne prenez pas, semble-t-il, en compte la réalité juridique de la décision que vous mettez en cause et confondez l’article 222-33 du code pénal avec ceux relatifs à la présomption d’innocence modifiant le code de procédure pénale.

Rappelons, sans passion ni outrance, les faits :

En juin 2010 Gérard Ducray jugé pour harcèlement sexuel a été relaxé pour deux cas mais reconnu coupable dans une troisième affaire. Le tribunal a estimé qu’il avait utilisé son statut de maire adjoint pour faire pressions sur une personne vulnérable. Il a été condamné à 2 mois de prison avec sursis, 4 000 euros d’amende et 2 ans d’interdiction d’exercer une fonction publique. Il fait appel de cette décision et comme vous l’exposez il est condamné à trois mois de prison avec sursis et 5.000 € d’amende sur le fondement de l’article 222-33 du code pénal : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. »

Cet article 222-33 a été créé le 1er mars 1994. Il disposait alors :
«  Le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende ».

Depuis cet article a connu une modification selon l’article 11 de la Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs. Cette modification élargissait la définition du harcèlement sexuel : « Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende  » 

Avec le passage à l’Euro le 1er janvier 2002 ledit article devient : « Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.  »

 Enfin le 17 janvier 2002 il est simplifié par le législateur pour devenir l’article abrogé par le Conseil constitutionnel dont vous contestez la décision. Pour mémoire dans sa considération n° 4 le Conseil rappelle : « l’article 179 de la loi du 17 janvier 2002 susvisée a de nouveau modifié la définition du délit de harcèlement sexuel en conférant à l’article 222−33 du code pénal la rédaction contestée  ».

Il est exact, en vertu de l’alinéa 2 de l’article 62de la constitution « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. » que, conformément à la décision du 4 mai 2012, l’abrogation de l’article 222−33 du code pénal prend effet à compter de la publication de ladite décision, elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. Ceci ne signifie pas que le harcèlement sexuel ait disparu du droit et du code pénal.

C’est la modification du 17 janvier 2002 dudit article qui est abrogée, ceci implique que cette version est nulle et sans effet sur l’article 222-33 en vigueur jusqu’au 17 janvier 2002. Lequel article : « Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. » reprend force et vigueur puisqu’il ne peut être modifier en raison même de l’abrogation du Conseil constitutionnel pour illégalité qui ne peut concerner que l’article 222-33 du 18 janvier 2002 (J.O.R.F). La juridiction ne pouvant être saisie par la défense de M. Ducray pour les versions antérieures de l’article, celle-ci n’a pas à se prononcer sur les versions antérieures de celui-ci.

Vous le constatez le grief évoqué par la juridiction que vous condamnez tombe de lui-même. La mission du Conseil constitutionnel n’est pas de statuer sur le fond d’une affaire pénale ou civile, il n’en a pas la compétence. Sa tâche se borne à exclure de notre droit une disposition législative qui porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

C’est faire un procès bien inutile à cette juridiction que de l’accuser d’un fait qu’elle n’a pas commis.  


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