Commentaire de Joseph GUYON
sur Raison et déraison du mariage homo


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Joseph GUYON Joseph GUYON 23 février 2013 10:05


Mmarvinbear,

Comme tous les faits de culture, la religion reflète nécessairement l’état de la société où elle s’épanouit : il n’y aucun doute là-dessus. La question est de savoir si elle n’est que cela, se réduit à une superstructure au sens étroitement marxiste, ou si elle contient aussi un élément d’universel. 

Par exemple, le judaïsme fut la religion de bergers palestiniens, certes. Mais de cela faut-il conclure que les textes bibliques n’ont rien à dire aux citadins mondialisés, bien que ces derniers partagent avec les sujets du roi Salomon, que je sache, la même humanité. 

 

En tout cas, si le christianisme, comme vous le regrettez, s’est imposé aux sociétés occidentales, c’est précisément parce qu’il n’en était pas le pur produit. Il portait une parole autre qui a dérangé le monde tel qu’il était. Pour le mieux ou le pire : à chacun d’en juger.

 

Quant à l’ « éviction des femmes, leur mise sous tutelle totale », il y aurait quelques nuances historiques à y apporter. Hildegarde de Bigen prêchant aux papes, Jeanne d’Arc, la marchande parisienne qui (au XIIIème siècle) jouit du plus gros chiffre d’affaire de la cité, l’amour courtois, etc, ne prouvent pas, c’est vrai, que les sexes fussent considérés comme égaux, mais invitent tout de même à hésiter avant de parler d’ « exclusion » et de « mise sous tutelle totale »

 

Sur la Bible elle-même : elle contient, vous avez parfaitement raison, des passages clairement misogynes, et d’autres qui se font l’écho de la hiérarchie en vigueur au Moyen-Orient ancien. Ces textes ont été utilisés ensuite dans le sens qui arrangeait les sociétés patriarcales.

 

Mais la Bible recèle aussi des textes fondateurs de l’égale dignité des hommes et des femmes. Le fameux « il n’y a plus ni homme, ni femme » (dans le Christ) de Paul et le récit de la création (Genèse) de l’humain « homme et femme » sans hiérarchie – Ève tirée du côté d’Adam (et non de la cuisse, ni du pied) en étant un symbole très parlant.

L’on pourrait aussi évoquer les figures héroïques d’Esther, de Judith et d’autres qui ne sont pas décrites comme des bécassines ni des bobonnes derrière leurs fourneaux. Sans parler, bien sûr, de la fameuse Marie, couronnée d’étoiles et habillée de soleil (Apocalypse de Jean), élevée au-dessus des anges, dont le « oui » souverainement libre permit de sauver le monde. Ce qui n’est pas tout à fait négligeable, vous me l’accorderez.

 

Me paraît intéressant le fait que les accents misogynes ou inégalitaires de certains textes ne le sont pas davantage que ce que l’on peut trouver dans d’autres écrits contemporains ou antérieurs, alors que les professions de foi égalitaires, elles, sont – à ma connaissance – inédites. Et sont aussi - dans un monde où, comme le montre fort bien Françoise Héritier, l’infériorisation des femmes s’impose universellement - je trouve, révolutionnaire. 

 


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