Commentaire de lloyd henreid
sur Nabilla, héroïne orwellienne


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lloyd henreid lloyd henreid 19 juillet 2013 20:11

Ce que vous dites est particulièrement vrai depuis que les parents et ce, depuis plusieurs générations, passent dans le même moule systémique que leurs enfants. Mon point était de dire que ce phénomène de formatage était peut-être moins prégnant à l’époque où des individus, parents et non employés, s’occupaient eux-mêmes de l’éducation de leurs propres enfants et ne les remettaient à l’école qu’ensuite pour qu’ils y suivent un enseignement. Aujourd’hui l’école enseigne et éduque à la fois, la télé faisant le reste quand les parents rentrent épuisés. Ou même lorsqu’ils sont simplement un peu paumés. L’émancipation de la femme semble être une noble idée toute gentille mais a eu aussi cet effet pervers sur les masses : celui d’une soumission totale des esprits à ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler le NOM = « one world, one ideology », et j’ajouterais « one family » pour faire bonne mesure.

Je vous rejoins aussi sur l’idée qu’un recul est nécessaire pour s’ouvrir et percevoir le monde avec un regard neuf. Cependant la plupart des adultes de ma connaissance — je ne parle pas des farfelus d’AgoraVox ^^ — sont au contraire souvent figés dans une vision du monde passéiste : celle de leur génération. Ils restent dans l’idée d’une opposition politique gauche-droite qui dans leur tête est pertinente ; mais qui malheureusement et dans les faits, ne l’est plus. Ils ont appris que les histoires de complot, c’est de la SF et que l’Europe c’est bien parce que ça évite la guerre. Ils ont aussi cru à l’ascenseur social et — pour ceux de la classe moyenne en particulier — ont passé leur vie à trimer dur pour 1) offrir un avenir meilleur à leurs enfants et 2) glaner une belle collection de « stuff » parce qu’à l’époque, l’abondance de choses matérielles était un idéal. Il faut dire que les générations précédentes avaient connu la guerre, la faim, le manque en général. Aujourd’hui l’on sait que tout cela a des conséquences sociales et écologiques — entre autres — désastreuses, mais on ne remet pas en question cinquante ou soixante ans de ce rapport-type au monde si facilement.

Je pense que la plupart des « jeunes vieux » ne se rendent compte de ce qui cloche qu’une fois arrivés à l’âge de la retraite. Ce moment où on fait le bilan et où on se dit « tout ça pour ça », et qu’est-ce que je deviens privé de travail et d’argent ? Certains partent alors en quête de vérité, s’intéressent et vivent des expériences nouvelles, inédites ; mais la plupart encore de ceux qui connaissent ce spleen le noient simplement dans toujours plus d’occupationnel entre enfants, petits-enfants, sport, système D, vie associative etc. — surtout ne pas avoir le moindre instant de repos. Ceux enfin qui n’en sont pas encore à cet âge-passerelle, pour la plupart, se contentent de vivre leur vie au jour le jour en tenant mordicus la roue de leur rêve américain... sauf que la roue tourne et que comme disait encore Carlin : ça s’appelle « rêve » parce qu’il faut être endormi pour y croire.

Il y a des exceptions que vous faites bien de rappeler, toutefois je persiste à penser que cette lecture du cas général est valide. C’est en tout cas ce que j’observe autour de moi et « en moi » : je m’inclus dans cette observation critique en sachant pertinemment que les questions que je me pose depuis quelques années — seulement... c’est pas bien long — ne me sont venues qu’après les premiers « vrais » soucis d’un parcours jusqu’alors sans accroc. C’est pas qu’avant, j’étais quelqu’un d’indifférent — mais ces questions ne sont « imposées » à moi qu’à partir du moment où ça a merdé et qu’il a fallu que j’essaie de comprendre « pourquoi ça cloche ». S’il n’y avait eu d’accroc, je serais sans doute toujours un mouton bien docile qui jamais ne doute de rien si ce n’est de lui-même.


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