Commentaire de Constant danslayreur
sur Le sens du mot « arabe »


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Constant danslayreur 26 octobre 2013 13:53

« Mahométans » ? Oui, comme Popov/Dominique vous aimez bien ce mot mais quel sens a-t-il au juste ?

Début de réponse...

L’utilisation des dénominations de « religion mahométane » et de « mahométans » n’a-t-elle pas été entretenue et ce jusqu’à nos jours pour maintenir dans les esprits la conviction erronée qu’il s’agissait de croyances répandues par l’œuvre d’un homme et dans lesquelles Dieu (au sens où les chrétiens l’entendent) ne peut avoir aucune place.

Bien de nos contemporains cultivés sont intéressés par les aspects philosophiques, sociaux, politiques de l’Islam sans jamais s’interroger comme ils le devraient sur la Révélation islamique proprement dite. On pose comme axiome que Mohamed s’est appuyé sur ce qui était antérieur à lui pour écarter de cette manière tout abord du problème même de la Révélation.

En quel mépris d’ailleurs les musulmans ne sont-ils pas tenus dans certains milieux chrétiens. J’ai pu en faire l’expérience en cherchant à nouer un dialogue pour un examen comparatif de récits bibliques et de récits coraniques consacrés au même sujet et constater le refus systématique d’une prise en considération, dans un simple but de réflexion, de ce que pouvait contenir le Coran sur le sujet envisagé. C’est un peu comme si alléguer le Coran eût été faire référence au diable !

Un changement radical paraît cependant se produire de nos jours à l’échelon le plus élevé dans le monde chrétien. Edité à la suite du concile de Vatican II, un document du Secrétariat du Vatican pour les non-chrétiens, Orientations pour un dialogue entre chrétiens et musulmans dont la troisième édition date de 1970 2, atteste la profondeur de la modification des attitudes officielles.

Après avoir invité à écarter « l’image surannée héritée du passé ou défigurée par des préjugés et des calomnies » que les chrétiens se faisaient de l’Islam, le document du Vatican s’attache à « reconnaître les injustices du passé dont l’Occident d’éducation chrétienne s’est rendu coupable à l’égard des musulmans ».

Il critique les conceptions erronées qui ont été celles des chrétiens sur le fatalisme musulman, le juridisme de l’Islam, son fanatisme, etc. Il met l’accent sur l’unicité de croyance en Dieu et il rappelle à quel point le cardinal Koenig, au cours d’une conférence officielle en mars 1969 à l’Université musulmane Al Azhar du Caire, surprit ses auditeurs de la Grande Mosquée en le proclamant. Il rappelle aussi que le Secrétariat du Vatican invitait en 1967 les chrétiens à présenter leurs vœux aux musulmans à l’occasion de la fin du jeûne du Ramadan, »valeur religieuse authentique »

De tels prémices en faveur d’un rapprochement entre la Curie romaine et l’Islam ont été suivies de manifestations diverses et de rencontres qui l’ont concrétisé. Mais combien peu ont été avertis de ces événements si importants qui se sont déroulés dans le monde occidental où, cependant, les moyens de diffusion de l’information : presse, radiodiffusion et télévision ne manquent pas. Les journaux ont, en effet, accordé peu de place à la visite officielle que fit le 24 avril 1974 le cardinal Pignedoli, président du Secrétariat du Vatican pour les non-chrétiens, au roi Fayçal d’Arabie Saoudite.

Le journal Le Monde du 25 avril 1974 en rendit compte en quelques lignes. Et pourtant quelle nouvelle d’importance quand on y lit que le cardinal avait remis au souverain un message du pape Paul VI dans lequel ce dernier exprimait « la considération de Sa Sainteté, animée d’une foi profonde dans l’unification des mondes islamique et chrétien qui adorent un seul Dieu, à Sa Majesté Fayçal en sa qualité d’autorité suprême du monde islamique ». Six mois plus tard, en octobre 1974, le pape recevait officiellement au Vatican les Grands Ulémas d’Arabie Saoudite.

Ce fut l’occasion d’un colloque entre chrétiens et musulmans sur les « Droits culturels de l’homme en Islam ». Le journal du Vatican, l’Osservatore Romano du 26 octobre 1974, relata cet événement historique en lui accordant à la première page une surface plus grande qu’au compte rendu de la journée de clôture du Synode des Evêques réunis à Rome.

Les Grands Ulémas d’Arabie furent ensuite reçus par le Conseil œcuménique des Eglises de Genève et par monseigneur Elchinger, évêque de Strasbourg. L’évêque invita les Ulémas à faire la prière de midi devant lui en sa cathédrale. Si l’événement fut rapporté, c’est apparemment plus en raison de son côté spectaculaire que pour la signification religieuse considérable qu’il comportait. Très peu nombreux sont en tout cas ceux que j’ai interrogés sur ces manifestations et qui m’ont répondu en avoir eu connaissance. L’esprit d’ouverture vis-à-vis de l’Islam du pape Paul VI qui se déclarait lui-même comme « animé d’une foi profonde dans l’unification des mondes islamique et chrétien qui adorent un seul Dieu » fera certainement date dans les rapports entre les deux religions.

Ce rappel des sentiments du chef de l’église catholique à l’égard des musulmans m’a paru nécessaire, car trop de chrétiens éduqués dans un esprit d’hostilité déclarée comme le regrettait le document du Vatican cité plus haut, sont par principe hostiles à toute réflexion sur l’Islam : partant de là, ils restent dans l’ignorance de ce qu’il est en réalité et ont, sur la Révélation islamique, des conceptions absolument erronées.


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