Commentaire de Luc-Laurent Salvador
sur Soral sur BFM TV : petite leçon de montage télévisé


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 16 décembre 2013 18:58

@ l’auteur

Merci pour votre réponse détaillée.
Par avance je vous demande de pardonner les répétitions, la longueur et le ton finalement assez polémique de mon propos.
Probablement cela est à prendre au sens du « qui aime bien châtie bien »... smiley

Sur le premier point, il me semble que vous confirmez être orienté sur le travail journalistique que vous discutez, critiquez etc. sans avoir nécessairement de conviction sur le fond. C’est pourquoi, sans forcément en reprendre les termes (un peu rudes) vous auriez pu assumer sereinement la critique de vesjem.

Tel que je le comprends, vous avez d’emblée une posture « orienté média » qui vous met à distance du fond (mal)traité par lesdits médias. Votre objet c’est le traitement journalistique. OK, total respect, c’est légitime et ça ne prête donc pas à discussion une fois que la chose est clairement énoncée.

Mais vous comprendrez que ce n’est pas forcément facile à entendre pour tous ceux qui voudraient que votre perspicacité soit conclusive sur le fond.

Car lorsque vient sur la table la possibilité de gigamanipulation mondiale comme ce qui s’est joué autour de 9/11, lorsque l’envers des cartes acquiert une importance vitale, il est clair que le spécialiste qui dit « moi je ne m’intéresse qu’au tour de cartes, à la technique de l’illusion mais pas aux cartes elles-mêmes » prend le risque de décevoir beaucoup de monde.

Comme dans toute communication, on attend de l’expert qu’il agisse de manière pertinente, cad qu’il satisfasse le besoin du public qui lui porte attention et, donc, en l’occurence, qu’il le guide vers une représentation crédible de la situation analysée.

Ne pas aller dans ce sens, c’est comme répondre sèchement « oui » (ou pire, parler de sa montre, de son mouvement suisse), à celui qui vous demande si vous avez l’heure.

Bon, je m’arrête là, je suis sûr que vous comprenez ce que je veux dire.


Le second point concerne Soral.
Là encore j’observe que votre posture est d’emblée celle de la distance qui, « en passant », vous amène à laisser planer le doute sur la pensée soralienne simplement parce qu’à certains moments de sa communication, il pourrait, serait-ce via les citations d’autres auteurs, mettre le supposé « peuple juif » à l’index sans distinguo particulier entre une certaine élite comploteuse et son bon peuple qui paie cash le prix des ambitions mégalo de la première.

Votre posture est impeccable de logique sauf qu’à nouveau il lui manque la pragmatique, je veux dire, la prise en compte du contexte humain qui veut que lorsqu’un homme est en train de se faire lyncher, on se garde de ne serait-ce que de froncer les sourcils ou de murmurer avec les loups.

Il est clair, Soral en est conscient, qu’il tient dorénavant (avec Dieudonné) ce rôle de bouc émissaire qui permet au groupe de se réconcilier sur son dos mais le souci de la neutralité et de l’objectivité voudrait qu’on se garde de cette facilité.

Bref, même sur un objet d’analyse nettement circonscrit, vous n’avez pas trouvé l’équilibre, cad que vous n’appliquez pas à votre traitement de Soral ce que, à partir du propos de Maschino, vous recommandez de faire pour juger des peuples et de leurs cultures ancestrales. Un peu de sens commun, de modération et de douceur dans l’écoute de Soral suffit pour comprendre que ce qu’il recherche c’est la paix, la réconciliation nationale et que dans les cas où il n’est pas dit explicitement que sa critique vise certaines élites et non pas le « peuple juif » dans son ensemble, c’est que c’est sous-entendu, comme la langue l’autorise toujours.

Bref, là encore, votre posture n’est pas tout à fait franche.
Vous vous gardez de prendre position.
Vous faites comme si l’« éléphant dans le salon » dont il parle (j’ai depuis écouté la vidéo in extenso smiley n’existait pas.
Vous ne respectez donc pas la règle de pertinence (Sperber) pourtant cardinale en matière de communication.

Ce qui nous amène au troisième point.
Là votre réponse est claire : vous dites ne pas craindre la pression du politiquement correct et avoir seulement le souci du parler juste, cad, conformément à sa (votre) pensée.

Vous reconnaissez ne pas avoir investigué l’hypothèse d’un "lobby sioniste" ; on doit comprendre que vous n’avez pas d’opinion à son sujet.

La logique est imparable. Rien à dire.
Mais là encore la pragmatique est discutable.
Comme pour 9/11, vous vous abstenez d’afficher des convictions par respect pour la complexité d’un sujet dont vous n’avez pas fait le tour.
Cela peut s’afficher comme de l’éthique quand la parole est libre mais quand elle ne l’est pas cela ressemble terriblement à un ... prétexte pour garder un silence... prudent.

Pour finir, car il est bien temps, revenons à la voie du milieu.
Ce que vous exprimez, qui semble raisonnable au possible, consiste à mes yeux, j’y insiste, à pratiquer la voie du milieu (chinoise ou de Montaigne, peu importe) contre vents et marées, cad, de manière tout à fait inadaptée.
Car, là encore, la voie du milieu n’est pas « context free ».
Dans les affaires humaines vient toujours le moment où la libre discussion doit cesser pour mener à l’action.
Libre, la discussion peut l’être autant qu’on voudra... avant que vienne le moment de la décision.
Bien qu’elle soit susceptible de facilement verser dans une versatilité très représentative de la modernité, on peut, je crois, s’accommoder de la voie du milieu telle que vous la prônez quand on se trouve en temps de paix, dans une « vraie » démocratie où la parole est libre.
Mais lorsque le danger totalitaire guette, lorsque la guerre est à nos portes, lorsque la bascule dans un ordre mondial du mensonge dont 9/11 constituerait le prélude peut intervenir à tout moment, la voie du  milieu est aussi inadaptée que l’idée d’une assemblée générale sur le pont du Titanic pour discuter des modalités d’évacuation.

Bref, je conclue : il y a incontestablement beaucoup d’intelligence dans vos analyses mais on y trouve aussi une prudence qui, je crois, n’est plus de mise.
Je crois que tous ceux qui peuvent éclairer la situation présente et contribuer à élever la conscience des peuples doive le faire maintenant car après il sera trop tard.
Nous vivons des temps apocalyptiques et il n’est plus temps de chipoter sur les manières, les amis ou le manque de nuance des propos de tel ou tel qui se bat pour que "des choses cachées depuis la fondation du monde" viennent au grand jour.
Pour moi, il n’y a pas l’ombre d’un doute, Soral se bat pour la vérité et la réconciliation. Qu’il soit mû par intérêt personnel, par une forme de narcissisme exacerbé, ce n’est pas seulement possible, c’est évident, mais ce serait jouer « petit bras » de lui en faire reproche car nous sommes tous concernés par cela à des degrés divers.

Je crois qu’il est temps d’entendre Soral dans son intention de communication plutôt que de lui faire des procès à la marge et/ou ad hominen afin de continuer à tourner autour du pot.

Je crois qu’il est temps d’allumer la lumière dans le salon et de regarder l’éléphant.


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