Commentaire de Luc-Laurent Salvador
sur Soral sur BFM TV : petite leçon de montage télévisé


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 18 décembre 2013 19:38

@ Taïké Eilée

J’avais compris que vous n’aviez pas Soral comme objet de réflexion premier.
Je pointais juste le problème que pose le traitement neutre et/ou contradictoire dès lors qu’il vise un bouc-émissaire.
Pour ma part, je pense que le souci d’éviter à celui que je reconnais comme chercheur et porteur sincère de vérité de voir sa voix étouffée doit nous pousser à le soutenir autant que possible.
Il sera toujours temps de devenir critique dès qu’il aura la moindre parcelle de pouvoir, ce qui n’est pas le cas actuellement je pense, ni pour lui, ni pour Dieudonné.
Cette attitude n’est clairement pas journalistique, elle n’est pas neutre, elle est militante et peut être perçue comme tout à fait déplacée dans un contexte idéal de paix civile et de libertés démocratiques.
Mais je ne crois pas que cet idéal ait même jamais été approché.
Ma conviction est que nous n’y sommes pas et nous n’y serons pas avant longtemps...
Votre réponse très claire m’indique que vous ne partagez pas la vision passablement apocalyptique qui guide mes choix stratégiques et intellectuels.
Même si je peux être tenté de m’étonner de la chose (tant les choses me semblent manifestes), je sais suffisamment que je peux me tromper dans mes impressions et que nous sommes dans le domaine de l’opinion fragile que chacun peut se faire et à partir de laquelle il décide (idéalement seul) de sa trajectoire dans le monde.
Donc total respect, la seule chose qui compte à mes yeux est que nous soyons d’accord sur l’importance de ne pas persévérer dans la circonspection quand le temps de l’action est venu.
Une fois ceci posé, mes réponses aux différents points que vous soulevez devraient être assez simples...

"parfois aussi il déraille (comme lorsqu’il présuppose des attentats sous faux drapeaux de manière systématique sans aucun indice valable : Breivik, Merah, Londres, Boston...). Il applique alors un schéma général (qui fait sens) à des situations qu’il n’a pas analysées sérieusement."

Je suis d’accord sur le caractère conjecturel de beaucoup de ses propos (dans ses vidéos surtout), mais rien n’est plus exigeant que d’analyser l’actualité avec profondeur et, pour ma part, je trouve ses hypothèses extrêmement porteuses d’autant plus qu’il donne toujours suffisamment d’éléments troublants pour avoir au moins la puce à l’oreille à défaut d’être absolument convaincus. En la matière il n’existe, je crois, aucune certitude qui puisse raisonnablement être recherchée.

Ensuite, vous dites que je laisse « planer le doute sur la pensée soralienne simplement parce qu’à certains moments de sa communication, il pourrait, serait-ce via les citations d’autres auteurs, mettre le supposé « peuple juif » à l’index sans distinguo particulier entre une certaine élite comploteuse et son bon peuple ». Je précise que, lorsqu’il parle d’un problème avec le « peuple » juif, ce n’est pas une citation d’un autre, c’est sa propre parole.

Je n’avais pas exclu ce cas (serait-ce via aurait peut-être dû inclure un parfois que j’ai laissé sous-entendu ?)

Si vous voulez un autre exemple de ce qui me gêne, voyez cet extrait, lorsqu’il évoque des propos peu amènes de Richard Nixon à l’égard des Juifs. Il va émettre l’hypothèse selon laquelle, si Woodward et Bernstein (les journalistes du Washington Post) l’ont fait tomber dans l’affaire du Watergate, c’était peut-être bien par « solidarité tribale ». Sans aucun début d’indice évidemment. Supposition gratuite. Woodward d’ailleurs est-il juif ? A mes yeux, ces journalistes auraient dû être rangés dans les « Juifs du quotidien », ils n’appartiennent pas, que je sache, à une organisation communautaire, ni aux élites financières. Et pourtant, Soral les soupçonne d’avoir agi par « solidarité tribale ». Cela me pose problème.

Je suis d’accord avec vous mais complètement fidèle à mes convictions en considérant qu’il n’y a pas lieu de s’attarder sur des points de cette nature. Qu’il y ait de l’excès à la marge dans ses interprétations, je le vois, cela ne me dérange pas et, à mon sens, ne doit surtout pas servir à disqualifier ses interprétations.

Cela dit, contrairement à ce que vous dites, je n’ai jamais « murmuré avec les loups » contre Soral. Seulement, je ne suis pas son disciple, ce que vous semblez exiger. Je suis libre. Et même, si j’étais son ami, je lui ferais encore plus de critiques constructives, et bien plus rudes (certes en privé), car un ami sert à cela (pas à lécher les bottes et à dire amen à tout).

Je ne suis pas en position d’exiger. Disons que je le regrette mais nous tenons à présent l’explication.
Pour ce qui est de l’ami qui fait dans la critique constructive, je suis complètement d’accord que c’est un quasi devoir (si on ne peut pas compter sur ses amis pour ça alors sur qui ? ses ennemis ?)
Mais l’ami fait sa critique dans la confidentialité : il n’affaiblit pas l’autre publiquement !

Vous dites que Soral et Dieudonné servent de bouc-émissaires (pour certains). C’est vrai. Mais eux-mêmes n’ont-ils pas leurs propres boucs-émissaires ? La « réconciliation » prônée par eux ne se fait-elle pas contre d’autres (qui s’avèrent, on l’a vu, difficile à bien identifier) ? Vous me direz que c’est peut-être inévitable... il faut toujours un bouc-émissaire quelque part pour s’unir.

Pas pour « certains ». On en est au niveau du « système ». Un ministre de l’intérieur qui les mets à l’index, c’est un indice quand même !
Les boucs émissaires sont ceux qui dérangent le système car ils le voient le mieux en général.
Il est donc généralement pertinent d’écouter les accusations qu’ils portent.

"je ne saurais vous « révéler la vérité », alors que certains, qui rapportent pourtant bien des erreurs, ne s’en privent guère. Et ils le font d’autant plus facilement qu’ils ignorent des pans entiers de l’affaire. On se forge son intime conviction (dont on devient prisonnier), et on effectue ensuite un tri sélectif entre les informations qui nous arrangent et celles qui nous dérangent. Je n’ai encore jamais lu qui que ce soit qui ait tout pris en considération (la masse des éléments à disposition, dans leur diversité), et qui ait proposé un scénario crédible. Mais sans de l’investigation de haut vol (hors du web), c’est peine perdue."

Vous semblez poursuivre un idéal de « vérité » indépendante.
Vous ne semblez pas prendre en compte à quel point « la réalité » est une construction sociale.

je n’ai fait que lancer une piste en citant Debray à la fin... cela m’aurait entraîné trop loin.

Je reconnais que je ne l’ai pas encore suivie. Donc je peux manquer d’éléments ici. Dès lors je m’en tiens là.

Mais si tout le monde se comporte comme si c’était déjà la guerre, il n’est plus besoin de débattre, d’échanger, il faut former des bataillons et partir s’entretuer. Ce n’est pas mon projet dans l’immédiat. J’espère encore une solution plus apaisée et intelligente. C’est mon pari.

Je pense que nous sommes en guerre. Mais la guerre se fait par les idées. Donc, au contraire, il faut débattre, échanger, aider au  changement des représentations. Ce que nous faisons chacun à sa place.

 J’essaie, pour ma part, de m’adresser à tout le monde, pas seulement à d’éventuels « initiés ». C’est prendre encore la « voie du milieu » pour faire monter un peu le niveau général d’esprit critique, tout en n’excluant personne en clivant trop le propos. Où l’on rejoint l’intérêt de l’information « contradictoire », équilibrée et non partisane.

Oui, je comprends. Mais comme vous le faites d’une manière qui s’abstient de conclure, vous invitez les gens en somme à tourner en rond dans les marais de l’information au lieu de leur livrer votre conviction.
Un éclaireur n’est pas celui qui a cartographié le territoire.
C’est celui qui l’a exploré et peut donner des repères qui aident à décider d’une trajectoire.
L’éclaireur n’est pas hors de l’action, dans une « neutralité » hors sol.
Vous avez la capacité d’éclairer toutes ces personnes à qui vous vous adressez.
Mais cela suppose que vous puissiez dire ce que vous vous voyez,
cad, ce que vous vous croyez.


Voir ce commentaire dans son contexte