Commentaire de Éric Guéguen
sur Comprendre Nicolas Machiavel (2/2)


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Éric Guéguen Éric Guéguen 25 septembre 2014 10:19

Trois choses à ajouter en commentaire de cet excellent article :
 
La première, trois fois rien, c’est que la « vertu » chez les Anciens a beau s’enseigner, elle s’appuie sur un fond naturel, une disposition à elle, c’est une hexis venant s’aboucher à une dunamis.
 
Deuxième chose, plus importante, c’est ce que l’on peut conclure de votre définition du législateur :
"Des hommes d’exception capables de ramener périodiquement les lois et les institutions à leur bonté originaire ou d’instaurer un ordre nouveau dans les cités corrompues.« 
=> Et cela signifierait donc, par définition, que ces hommes, non seulement sont rares, mais n’ont à intervenir qu’au moment de la stasis qui, du coup, n’est pas la règle, mais l’exception. Autrement dit, par votre définition même, vous semblez quelque peu relativiser l’état de guerre permanent auquel vous assigniez la condition politique.
De manière générale - et vous connaissez déjà mon point de vue sur la question - je pense que l’Histoire est nécessairement la succession des entrechoquements entre les individualités, que la politique consiste à les gérer et que, périodiquement, le rapport de force intervient pour ramener l’équilibre, quitte à ce que ce soit par la guerre. Je pense que Rousseau ne serait pas d’accord avec Machiavel sur ce point, et Hegel non plus.
 
Pour finir, vous avez bien fait de rappeler le distinguo entre jus et lex, et je dirais même que c’est cela qui gène aux entournures ceux qui restent fidèles à la philosophie politique classique : la négation d’un »ordre« naturel (je préfère le mot »logique« pour ma part) duquel tenter de s’approcher. Car, que ce rapprochement soit difficile, il ne s’agit pas de le nier, mais par dépit, par impatience, Machiavel nous dit en quelque sorte »fi des vieilles lunes, foutaises que tout ça !", et finit par dire qu’il faut abandonner cet effort moral entretenu par des hypocrites. Là, on perd quelque chose qui n’était, selon moi, pas si futile que ça, et pas si vain non plus.


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