Commentaire de https://www.youtube.com/watch?v=6Rf2nCW8SUE
sur Erdogan l'ami qui nous veut du bien


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Voici l’état de la situation selon l’excellent analyste Pepe Escobar :
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L’affrontement Otan-Russie en Syrie.

Sans surprise, l’Otan réplique avec un tir nourri de rhétorique : la Russie cause un danger extrême et devrait cesser immédiatement tout bombardement contre ces rebelles modérés tout mignons que la coalition des opportunistes tordus refuse de bombarder.

Mais attendez ! L’Otan est bien trop occupée pour partir en guerre. La priorité, du moins jusqu’en novembre, est donnée au méga-exercice Trident Juncture 2015 qui regroupe 36 000 soldats de 30 pays, plus de 60 navires de guerre et environ 200 avions, qui se préparent sérieusement à se défendre dans l’éventualité du proverbial Les Russes arrivent !

N’empêche que le premier ministre turc Ahmet Davutoglu, cet ancien tenant de la doctrine zéro problème avec nos voisins, a averti Moscou que la prochaine fois, Ankara répondra militairement.

Jusqu’à ce qu’il recule bien sûr : Ce que nous a affirmé Moscou (…) c’est qu’il s’agissait d’une erreur, qu’ils respectent la frontière de la Turquie et que cela ne se reproduira pas.

L’incident aurait pu être désamorcé facilement sans rodomontades, par une simple communication entre militaires.

Mais Ankara, le flanc oriental de l’Otan, subit l’énorme pression de l’Exceptionnalistan. Ce n’est pas un hasard que le grand manitou du Pentagone et néocon Ash Carter se soit entretenu avec Ankara au sujet de l’incident. Carter est évidemment le plus ardent défenseur du diktat officiel en vigueur dans les officines de Washington : En intervenant militairement contre les groupes modérés en Syrie, la Russie intensifie la guerre civile.

Le sultan Erdogan, juste au bon moment et directement de Strasbourg en plus (non, il ne faisait pas campagne pour le Parlement européen), a doublé la mise : Assad fait du terrorisme d’État et voilà maintenant que la Russie et l’Iran se portent à (sa) défense, ce qui est bien malheureux.

Il serait toutefois étonnant que le sultan Erdogan passe à l’histoire à titre de catalyseur de la Guerre chaude 2.0 tant attendue opposant l’Otan à la Russie. Du moins pas encore.

Pas de bombardement sans ma permission, compris ?

Le Dr Zbigniew grand échiquier Brzezinski en a profité pour grommeler dans une lettre d’opinion publiée dans le Financial Times que Washington devrait riposter si Moscou ne cesse pas de s’en prendre aux atouts des USA en Syrie. Ces atouts des USA, ce sont les rebelles modérés – formés par la CIA. Après tout, c’est la crédibilité des USA qui est en jeu.

Le Dr Zbig, qui est le mentor d’Obama en matière de politique étrangère, soutient que le bombardement des rebelles formés par la CIA démontre l’incompétence militaire russe. Selon lui, la contre-offensive étasunienne devrait mettre fin à la présence navale et aérienne russe en la désarmant. C’est ainsi qu’on s’y prend pour déclencher une Guerre chaude 2.0 opposant l’Otan à la Russie.

Le Dr Zbig a reconnu toutefois que le chaos régional peut facilement s’étendre au nord-est, et que la Russie, puis la Chine, peuvent en subir les conséquences. Mais qui s’en soucie ? Ce qui compte, c’est que les intérêts étasuniens et les amis des USA (…) pourraient aussi en souffrir.

Voilà ce qui passe pour une fine analyse géopolitique dans l’Empire du Chaos.

Pour sa part, le sultan Erdogan est toujours aussi fébrile. Moscou a déjà brisé son rêve d’une zone d’exclusion aérienne au nord de la Syrie, qu’il caressait depuis trois ans. En fait, une zone d’exclusion aérienne couvre maintenant tout le territoire syrien, sauf que c’est la Russie qui la gère.

D’où l’hystérie tous azimuts déjà observée exigeant l’imposition d’autres sanctions du Congrès des USA contre la Russie. Comment peut-on imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie quand les Russes l’ont déjà fait ?

Tout se passait tellement bien pour le sultan jusque-là. Ankara, sous la pression de Washington, avait fini par ouvrir ses bases aériennes à la lutte contre EIIS/EIIL/Da’ech, mais seulement dans le cadre d’une opération visant un changement de régime à Damas. En échange, Ankara obtiendrait sa zone d’exclusion aérienne.

Sauf que le sultan a un cauchemar récurrent : le Parti de l’union démocratique kurde (PYD) et son organisation sœur, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Le sultan ne peut tout simplement pas accepter que le PYD progresse sur la rive occidentale de l’Euphrate dans sa lutte contre EIIS/EIIL/Da’ech. Le sultan veut confiner le PYD à Kobané.

Le problème, c’est que le PYD, avec le soutien du PKK, est le seul allié fiable de l’Empire du Chaos en Syrie. Sauf que le sultan n’a pu se retenir et s’est engagé dans une guerre (une autre) contre le PKK. Washington ne l’a pas trouvée particulièrement drôle.

Il y a aussi ce corridor clé entre le poste-frontière de Bab al-Salam et Alep, que contrôlent des bandes de brutes soutenues par Ankara. Ce corridor fait le pont entre Ankara et Alep. Sans lui, un changement de régime n’a pas la moindre chance de se produire. Comme le faux califat menaçait de s’en emparer, il fallait absolument faire quelque chose.

L’entrée spectaculaire de la Russie dans le théâtre de guerre a déjoué tous ces plans soigneusement préparés. Imaginez une libération complète de tout le nord-est de la Syrie dès que le PYD, avec l’aide des combattants du PKK, disposera d’assez d’armes pour écraser les brutes de EIIS/EIIL/Da’ech. Imaginez aussi l’armée de l’air russe assurant une couverture aérienne à une telle opération, le tout coordonné par la Russie, la Syrie, l’Irak et l’Iran à partir de Bagdad.

Le sultan, en désespoir de cause, pourrait lancer ses F-16 pour contrer une telle offensive. Nous serions alors vraiment à cinq secondes avant l’heure d’une confrontation entre l’Otan et la Russie, aux conséquences terrifiantes. Le sultan reculerait le premier. Puis l’Otan se couvrirait d’une couche de plus d’ignominie et retournerait à ses exercices compliqués Les Russes arrivent.

T’as vu mon outil géopolitique djihadiste ?


La campagne russe devrait bientôt porter toute son attention à la route menant à Al-Raqqah, la capitale de EIIS/EIIL/Da’ech, dont les djihadistes cherchent à s’emparer pour contrôler les champs pétrolifères et gaziers de Sha’ir et Jazal. Il y a aussi des poches d’activités djihadistes à l’est de Homs et Hama, et à al-Qaryatayn. Moscou s’en approche lentement, sûrement et méthodiquement.

Ce que la campagne aérienne russe a déjà mis en lumière de façon éloquente, c’est tout ce mythe pourri jusqu’à la moelle du nouveau Djihad international.

EIIS/EIIL/Da’ech, le front Al-Nosra et toute la ribambelle de crétins salafistes-djihadistes sont maintenus debout au moyen d’un effort sur le plan financier, logistique et d’approvisionnement en armes, dont font partie toutes sortes de liens essentiels comme les fabriques d’armes en Bulgarie et en Croatie et les trajets de transport terrestre qui passent par la Turquie et la Jordanie.

Pepe Escobar


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