Commentaire de Bracam
sur Le jour où Pierre Rabhi aurait mieux fait de rester dans son jardin


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Bracam Bracam 29 octobre 2015 22:59

@alinea
Salut, nous sommes si loin de la pensée dominante, quand il y a pensée. Incapables de partager ce que nous croyons de tout notre coeur être humanité, que nous ne prétendons pas imposer par la force des armes, de l’ultra-libéralisme et du progrès. Nous aimerions aimer, vivre libres, partager notre foi en la Terre, la nature, sans nous faire insulter et presque renvoyer aux charniers de l’Histoire dans lesquels certains intégristes du progrès voudraient réellement nous faire périr. Parce que nous ne contestons pas le progrès ! Mais la seule réticence, la seule interrogation face à l’unique perspective de la croissance, de la perpétuelle révolution technologique, suffit à rendre fous certains ayatollahs. On peut sur tous les tons s’accorder avec eux sur les bienfaits de l’adduction d’eau, de l’électricité, de la télécommunication au fin fond des campagnes, de la science médicale qui permet de recouvrer la vue, l’ouïe, l’autonomie, de survivre à de graves maladies, sur la puissance de l’intelligence humaine en ce qu’elle apporte à la collectivité, ils nous en veulent à mort pour notre distance face aux dérives les pires dont l’homme est criminellement responsable au nom de la croissance et du progrès, qui masque si souvent les seuls intérêts de la caste dominante au détriment de la collectivité.

 
Je ne sais pas jusqu’où nous sommes prêts à renoncer à un bienfait de la science qui rendrait notre vie encore plus « facile » ou nous sauverait momentanément d’une mort certaine, étant entendu que cette échéance pourrait être reportée et mieux vécue grâce à la technologie médicale ou la dérive ultra-sécuritaire, mais je sens des gens prêts à « tuer le réac » pour n’avoir pas à revenir sur leurs convictions progressistes absolutistes. Il est fascinant de comparer nos préoccupations scientistes avec l’inouï dénuement des populations mondiales en grande majorité, que les guerres, les famines, l’esclavage condamnent à l’horreur. Ceci ne dit rien de la grande difficulté qui frappe nombre des habitants des pays qui se prétendent civilisés, les nôtres donc.

Quant à la navrante suffisance de certains « philosophes » (ici jeunes et féminines), elle traduit une telle incompréhension entre les générations et les milieux sociaux, présageant une singulière ignorance de la fragilité de la présence de l’homme sur la terre, que j’en désespère. Il semble décidément impossible de partager une même humanité, faite de visions certes différentes de par nos expériences et aspirations de vie multiples, tellement liées les unes aux autres par notre environnement unique et commun que nous ne pouvons pas faire l’économie de penser l’unique écosystème compatible avec la vie humaine comme un bien en partage. Nous devons impérativement le préserver par un effort capital de réflexion commune (je sais que j’ai encore et toujours un immense effort pratique à faire en ce sens).

Qu’un(e) philosophe soit incapable de sortir de son mode de pensée, du haut de sa science des grandes écoles et faisant preuve d’un mépris de fond hallucinant, qu’il ou elle accuse Pierre Rabhi de naïveté, d’inconséquence, d’incompétence, posant des questions sans rapport avec les défis dont il explique très simplement et sans le moindre prosélytisme en quoi ils LUI semblent essentiels, voilà qui met le « théoricien citadin » en très mauvaise posture, face à tous ceux qui attendent de vraies réponses au défi de la préservation de la présence humaine ici-bas. Il y a de quoi vraiment désespérer, ceci étant considéré sur tous les plans, car il ne s’agit pas que de gaver la chose humaine de bouffe industrielle et de délires technologiques sans nécessité, et de le réduire à un produit de spéculation, à une chose, à une machine esclave. Au néant. 

La nécessité ? Se nourrir sans aucun doute, mais corps et esprit, s’aimer et son prochain aussi bien, oser prétendre à un sens pour sa propre existence, partager, respecter. Onfray suggère qu’autrui puisse être l’une des préoccupations premières qui nous occupe. Autrui, c’est toi, moi, c’est l’environnement. Rabhi l’a compris.

Voir ce commentaire dans son contexte