Commentaire de Emin Bernar
sur La langue française en question


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Emin Bernar Emin Bernar 16 novembre 2017 15:52

ce qu’a dit Barthes :

Dans notre langue française (ce sont là des exemples grossiers), je suis astreint à me poser d’abord en sujet, avant d’énoncer l’action qui ne sera plus dès lors que mon attribut : ce que je fais n’est que la conséquence et la consécution de ce que je suis ; de la même manière, je suis obligé de toujours choisir entre le masculin et le féminin, le neutre ou le complexe me sont interdits ; de même encore, je suis obligé de marquer mon rapport à l’autre en recourant soit au tu, soit au vous : le suspens affectif ou social m’est refusé. Ainsi, par sa structure même, la langue implique une relation fatale d’aliénation. Parler, et à plus forte raison discourir, ce n’est pas communiquer, comme on le répète trop souvent, c’est assujettir : toute la langue est une rection généralisée..
Je vais citer un mot de Renan : « Le français, Mesdames et Messieurs, disait-il dans une conférence, ne sera jamais la langue de l’absurde ; ce ne sera jamais non plus une langue réactionnaire. Je ne peux pas imaginer une sérieuse réaction ayant pour organe le français. » Eh bien, à sa manière, Renan était perspicace ; il devinait que la langue n’est pas épuisée par le message qu’elle engendre ; qu’elle peut survivre à ce message et faire entendre en lui, dans une résonance souvent terrible, autre chose que ce qu’il dit, surimprimant à la voix consciente, raisonnable du sujet, la voix dominatrice, têtue, implacable de la structure, c’est-à-dire de l’espèce en tant qu’elle parle ; l’erreur de Renan était historique, non structurale ; il croyait que la langue française, formée, pensait-il, par la raison, obligeait à l’expression d’une raison politique qui, dans son esprit, ne pouvait être que démocratique. Mais la langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire...

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