Commentaire de BA
sur La canicule


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BA 7 août 2018 18:19

Réchauffement climatique : la Terre proche du « point de rupture. »


Une étude internationale met en évidence un « point de rupture » climatique dans un avenir proche. Au-delà d’un réchauffement de 2°C, l’emballement des températures serait incompatible avec le fonctionnement actuel de nos sociétés.

 

En matière climatique et environnementale, les mauvaises nouvelles obéissent à une telle routine qu’il devient difficile d’alerter les populations sur les dangers à venir. L’étude internationale publiée le 6 août dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) pourrait pourtant fournir la matière à un wagon de films catastrophes.


Alors que les risques d’emballement du réchauffement climatique étaient jusque-là évoqués au rang d’hypothèse dans un futur lointain, les travaux des chercheurs (danois, allemands et australiens) mettent en évidence un point de rupture qui correspond à un réchauffement de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Celle-ci remonte au début du XIXe siècle, quand les émissions de gaz à effet de serre causées par l’activité humaine étaient encore faibles. 


À ce fameux point de rupture, appuyer sur le frein n’aurait plus guère d’effet. Réduire les émissions de CO2 (le principal des gaz à effet de serre), découvrir les charmes de la sobriété, en finir avec la catastrophe du tourisme international et cesser de piller les magasins lors des soldes n’empêcherait plus le thermomètre de grimper.


La planète s’acheminerait inexorablement vers "une température de 4 à 5°C plus élevée qu’à la période pré-industrielle et un niveau de la mer 10 à 60 mètres plus élevé qu’aujourd’hui" selon les auteurs de l’étude.


Des effets dévastateurs


Planter ce décor à partir de 2°C supplémentaires donne à l’humanité un rendez-vous quasi-immédiat. La concentration de gaz à effet de serre ne cessant d’augmenter dans l’atmosphère, les températures s’envolent – l’épisode caniculaire que nous venons de vivre n’est qu’une virgule dans ce mouvement global, tout aussi menaçant quand il fait 20°C en février.


Le réchauffement terrestre est en train de franchir la barre du degré supplémentaire et se poursuit au rythme de 0,17°C de plus par décennie. L’inertie de la machine climatique est telle que, sauf réduction drastique, ultra-rapide et hautement improbable de nos émissions de gaz à effet de serre, la barre des 2°C devrait être atteinte dans quelques décennies tout au plus.


Les effets de l’emballement sur nos sociétés fragiles seraient dévastateurs. L’élévation du niveau des océans engloutirait des littoraux surpeuplés – Miami, New York, Mumbai, Shangai par exemple. Les phénomènes extrêmes comme les vagues de chaleur, les crues et les ouragans occasionneraient des dégâts considérables et répétés. Les barrières coralliennes, déjà mal en point, disparaîtraient pour de bon. Sur la côte nord-est de l’Australie, la Grande Barrière est non seulement un trésor de biodiversité marine mais également un rempart qui brise la houle du Pacifique et protège toute la côte du Queensland.


Ce scénario désastreux reprend quelques points connus. Il y a un an, une étude publiée dans la revue Science Advances avait souligné le risque de rendre l’Asie du sud proprement inhabitable dès lors que les vagues de chaleur durables voisineraient avec les 35°C. La chaleur y est tellement humide qu’elle serait mortelle pour l’homme. L’étude citait des pays très peuplés comme l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh. La semaine dernière, des travaux complémentaires menés par une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont défini la grande plaine du nord de la Chine comme le territoire le plus menacé sur ce plan. Dans cette hypothèse, distante de quelques décennies tout au plus, des centaines de millions voire des milliards de personnes seraient amenées à migrer.


Pourquoi l’emballement  ?


Une hausse des températures de 4 à 5°C renverrait à une époque inconnue de l’homme, il y a au moins 1,2 million d’années. L’élévation du niveau de la mer causée par la fonte des calottes glaciaires (Antarctique dans l’hémisphère sud, Groenland dans l’hémisphère nord) serait également sans précédent pour nos civilisations qui ont germé durant l’holocène, soit les dix mille ans qui nous séparent de la fin de la dernière glaciation. Le niveau de l’océan a peu varié depuis six mille ans.


Selon les auteurs de l’étude, ce cataclysmique à nos portes serait déterminé par des phénomènes physico-chimiques déjà à l’œuvre, étudiés par de nombreuses équipes de chercheurs de par le monde.


Ainsi de la fonte du pergélisol, le sol gelé en permanence dans l’hémisphère nord, des immensités de la Sibérie au Canada. Ces sols contiennent de formidables quantités de matières organiques qui, une fois décongelées, sont susceptibles de dégager de non moins formidables quantités de dioxyde de carbone et de méthane, un gaz à effet de serre encore plus puissant. 


Le réchauffement graduel des océans, qui piègent l’essentiel de la chaleur produite par l’effet de serre, pose aussi la question de la stabilité des hydrates de méthane. Ce sont des composés présents dans les sédiments à grande profondeur (plusieurs centaines de mètres) quand la forte pression de l’eau se conjugue à sa température très froide. Avec la hausse de la température de l’eau, le méthane serait libéré et s’échapperait vers la surface.


Dans le même ordre d’idées, la disparition de la banquise (l’eau de mer gelée) aurait – aura, le conditionnel est superflu – un effet accélérateur du réchauffement. L’océan, de couleur sombre, absorbe le rayonnement solaire quand la banquise, blanche, le renvoie vers la haute atmosphère. 


Parmi ces processus, on peut également citer la mise en branle de gigantesques masses de glace sur le continent Antarctique. La fonte des glaciers du pôle sud est lente mais leur mouvement est autrement inquiétant. L’océan réchauffé fragilise les barrières de glace en mer qui bloquent jusqu’ici les glaciers sur la terre ferme. Quand elles se brisent, il n’y a plus d’obstacles à l’écoulement de ces glaciers, promis à une fonte rapide dès lors qu’ils sont à la dérive. La désintégration des barrières de glace Larsen B en 2002 puis Larsen C l’an dernier est un signe avant-coureur du monde décrit dans l’article de PNAS.


Qui croit sérieusement à des décisions fortes, courageuses, dérangeantes et rapides de la part des dirigeants de ce monde pour contrer cette mécanique infernale  ?


https://www.sudouest.fr/2018/08/07/rechauffement-climatique-la-terre-proche-du-point-de-rupture-5291571-706.php


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