Commentaire de Analis
sur La Syrie n'a pas gagné la guerre. La gagnera-t-elle ?


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Analis 8 mai 2019 20:12

Beaucoup de bon dans ces deux articles, qui constate simplement que les syriens ont perdu la guerre en Syrie, et qui insiste sur la sympathie profonde de Poutine envers Israël. Mais qui se trompe aussi largement sur les orientations stratégiques de Poutine, qui a bel et bien perdu lui aussi perdu la guerre de Syrie. Je me retrouve avec Korybko sur le rejet de bon nombre d’explications à certains actes de Poutine par un comportement de joueur d’échecs, mais ce n’est pas parce qu’il serait lâche et cynique, mais vraiment parce qu’il s’est révélé tant un très mauvais stratège que diplomate, et a été incapable de prendre les décisions devant mener au succès de ses orientations stratégiques.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, ici et ailleurs, Poutine compte beaucoup sur la forte communauté russe en Israël, il pense qu’elle peut lui permettre d’avoir un allié indéfectible au proche-Orient à l’avenir. Oui, on peut le qualifier de sioniste, même si un sioniste critique. Oui, c’est une des raisons qui l’ont amené à faire preuve de ce qu’on peut appeler une indéniable complaisance envers Israël. Cela alors que cette complaisance, contrairement à ce que disent une certaine propagande occidentale et une autre qu’on pourrait qualifier de « justificatrice », a indéniablement mené à compliquer l’objectif de « lutte anti-terroriste » qu’il a mené en Syrie, Israël travaillant clairement à entraver cette bataille et à favoriser les terroristes. Il y a bien sûr d’autres explications, une d’entre elles étant déjà qu’il ne voulait pas se disperser sur trop de fronts et entrer dans une confrontation directe avec l’État Sioniste – même si les performances réalisées par les armes russes ont montré qu’elles pourraient raser les bases israéliennes sans que ces derniers puissent lever le petit doigt et les réduire durablement à l’impuissance. Cette faiblesse a fini par avoir des conséquences au sommet de l’État russe, en menaçant même sa position, comme on l’a vu après la destruction de l’Il20 en septembre dernier, un « accident » qui n’en était nullement un, n’en déplaise à Korybko, mais le résultat d’une manipulation israélienne destinée à rien d’autre qu’à provoquer cet abattage, et dont la responsabilité repose uniquement sur Israël. Poutine a bel et bien été contredit publiquement par son ministre de la Défense, et ce après qu’il se soit exprimé, laissant donc le dernier mot à ce dernier - ce qui est lourd d’enseignement sur la fragilisation de son autorité face à des militaires excédés par ses compromissions, confrontés au résultat auquel elles avaient mené. La punition d’Israël qui s’en est ensuivie n’a eu qu’un temps, mais elle a montré combien la sympathie poutinienne envers Israël a pu excéder en Russie lorsqu’elle a mené à de graves conséquences pour les russes.

Sa complaisance envers la personne de Netanyahou est plus surprenante, quand on sait combien ce dernier est méchant et de mauvaise foi, et qu’il ne représente en aucun cas un interlocuteur digne de respect. Mais elle s’explique sans doute par un facteur simple, outre le fait que Poutine n’a aucune hésitation à se salir les mains lorsqu’il s’agit de traiter avec un dirigeant étranger, même immoral et retors, si c’est dans l’intérêt de la Russie. Si Poutine aime bien Netanyahou, en dépit du caractère exécrable et ultra-menteur du personnage, c’est entre autres pour les mêmes raisons qu’il aime bien Orbán et Trump (quelles que soient les divergences géopolitiques qui peuvent désormais se présenter avec ce dernier, dues autant aux différences d’intérêt entre leurs pays qu’aux pressions considérables qui se sont exercées sur Trump pour le faire changer de position) : c’est un dirigeant populiste, et encore plus illibéral ou anti-libéral. En dépit de son racisme primaire et nettement plus fort que celui de ses collègues « illibéraux », succeptible de révulser Poutine, le succès de Netanyahou l’aide à faire un pied de nez aux commentateurs bien-pensants occidentaux (les mêmes qui d’ailleurs ne voient pas la dérive vers l’illibéralisme de leurs propres régimes, ainsi le vote de la récente loi anti-manifestants par le parlement français, censurée seulement partiellement par le Conseil Constitutionnel). La même chose s’applique pour son attitude envers Erdoğan, par exemple. Là, pour une fois il est clair qu’il est obligé de jouer un jeu très subtil, comme le clament nombre de ses supporters inconditionnels, afin d’empêcher le mégalomane turc de retomber dans les bras des USA, ce qui impose de ne pas s’opposer trop brutalement à lui pour son occupation de la Syrie (le retors manipulateur en profitant pleinement).



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