Commentaire de velosolex
sur LA VIE DE CHATEAU - Volet n° 1


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

velosolex velosolex 28 janvier 2021 15:48

@Aita Pea Pea
As tu le dimanche de Bouvines, de Duby ? La sociologie du moyen âge au coeur de la bataille. Formidable fresque. Je me souviens du vieux prince du Luxembourg, 80 ans, hissé sur son cheval ,pratiquement aveugle, les membres enchainés à deux chevaliers pour guider ses gestes, et son fléau d’armes....Sa dernière bataille...

extrait de ce livre somptueux. Duby, un historien et un grand styliste’. L’année 1214, le 27 juillet tombait un dimanche. Le dimanche est le jour du Seigneur. On le lui doit tout entier. J’ai connu des paysans qui tremblaient encore un peu lorsque le mauvais temps les forçait à moissonner un dimanche : ils sentaient sur eux la cooère du ciel. Les paroissiens du XIII° siècle la sentaient beaucoup plus menaçante. Et le prêtre de leur église ne prohibait pas seulement, ce jour-là, le travail manuel. Il essayait de les convaincre de purifier tout à fait le temps dominical, de le garder des trois souillures, celles de l’argent, du sexe et du sang répandu. C’est pourquoi, en ce temps, nul ne maniait volontiers les deniers le dimanche. C’est pourquoi les maris, le dimanche, évitaient, s’ils étaient pieux, d’approcher de trop près leur femme, et les hommes d’armes, s’ils étaient pieux, de tirer l’épée. Or, le dimanche 27 juillet 1214, des milliers de guerriers transgressèrent l’interdit.
Un conglomérat de noyaux durs que soude les uns aux autres l’amitié de leurs chefs , des hommes du même âge et souvent du même sang : telle est l’ost du roi de France . Les guerriers qui la forment viennent , pour leur plus grande part , des contrées voisines du lieu de bataille , l’Artois , la Picardie , le Soissonnais , le Laonnais , la Thiérache .
De l’Ile-de-France et du Vexin , aucune commune, car il ne fallait pas laisser Paris sans défense , et peu de chevaliers : beaucoup d’entre eux guerroient à ce moment dans le Midi , derrière Simon de Montfort en zone albigeoise , derrière le prince Louis aux lisières de l’Anjou . La chevalerie de Bourgogne est ici , suivant son duc . Celle de Champagne est également présente ; mais son comte ne la conduit pas lui-même : c’est alors un enfant de douze ans .
Les Normands sont peu nombreux , parce que le duché , annexé depuis peu au domaine royal , est encore mal sûr et que ses hommes de guerre pourraient bien tourner bride . Pas un chevalier , pas un sergent , pas un piéton qui soit du Sud de la Loire : ce pays est un autre monde . L’armée royale , à Bouvines , est d’abord celle de la vieille Francia : de fait , c’est l’armée franque . ...


Voir ce commentaire dans son contexte