mardi 12 février 2019 - par C’est Nabum

Toujours à contre-courant

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Un problème d’étiquette.

Notre société est tellement formaliste qu’il est bien difficile d’évoluer hors des clous et des modes tout en étant considéré, simplement à l’aulne de ce qu’on propose réellement. Dans le monde du spectacle vivant, les programmateurs et les commanditaires publics sont d’une frilosité qui s’explique naturellement par le manque de curiosité des spectateurs et l’indifférence des médias pour les productions anonymes. Pour être promu, il faut sans doute avoir un talent plus grand encore pour échapper à l’indifférence des décideurs.

Avec mes amis de « Breizh akord » nous avons créé un trio qui sort du cadre et des étiquettes. Comment expliquer à un professionnel de la programmation que le conte associé à une chanson française traditionnelle, patrimoniale et de qualité peuvent encore, quand ils sont ainsi réunis, intéresser des gens. Le spécialiste hausse alors les yeux au ciel, fait une grimace avant que de laisser tomber : « Le Conte ça ne touche que les enfants et les anciens ! » puis de continuer en précisant avec une moue dégoûtée que chanter en français est du dernier ringard surtout quand les décibels ne sont pas au rendez-vous et les paroles intelligentes.

Le curieux prescripteur culturel ne prend jamais la peine de répondre « Il me faudrait venir vous écouter ! » La chose lui semble impossible tant ses certitudes sont grandes et son expertise infaillible. « Circulez, il n’y a rien à espérer ici, nous ne programmons que des pointures dans l’air du temps ! » La sentence est définitive pour celui qui se présente nu-pieds devant un parterre qui sera nécessairement vide. Quant à mes deux amis musiciens, l’accordéon et la guitare n’ont, semble-t-il, leur place que dans les bals trads désormais. Qu’importe leur talent et la qualité de leur répertoire.

Je n’essaie jamais de rétorquer à ces grands personnages que j’évolue en marge de l’univers du conte, que mes récits sont destinés aux adultes et que l’humour, la dérision et la parodie ne sont jamais éloignés du contenu. Ce qui ne rentre pas dans une rubrique ne peut avoir de valeur. Il faudrait dans pareil cas se référer à des valeurs connues comme des spectateurs hilares viennent me le dire « Vous nous faites penser aux Bodin's ! » La comparaison n’est jamais raison d’autant qu’il y a vraiment un monde entre leur manière et la mienne. Je suis Bonimenteur et avec un peu de culture, ce mot leur évoquerait quelque chose...

Si notre spectacle échappe aux schémas habituels c’est parce que nous ne savons pas en commençant le voyage ce qu’il sera. À chaque endroit un nouvel itinéraire, des nouveaux récits, une autre alternance entre chansons et contes. Les musiciens répondent au conteur à moins que ce ne soit une chanson qui évoque un récit. L’inspiration vient également du lieu, de son histoire, du public. C’est le principe du spectacle vivant de se transformer, de changer ainsi en refusant d’être figé par un programme immuable.

C’est pour mieux distraire, émouvoir, enchanter, grâce aux merveilleuses mélodies de mes camarades, des spectateurs qui ne sont jamais dans une salle de spectacle, puisque l’endroit semble réservé aux produits estampillés, catalogués, identifiables. C’est donc dans les banquets, les manifestations caritatives, les actions militantes que je trouve oreilles attentives. User de la parodie, de la provocation, du persiflage ne peut convenir dans les ambiances ouatées des fauteuils d’orchestre.

Dois-je une fois encore expliquer le contenu d’un spectacle qui n’en est pas un puisque en commençant, je ne sais pas ce que je vais raconter ? Chaque sortie est différente, ne ressemble à aucune autre. Ne pas avoir un programme établi doit sans doute égarer ces petits marchands de la culture. Il convient de les laisser à leurs casseroles et autres fac-similés avec une prestation copie conforme de la plaquette publicitaire.

Ceux qui aiment l’aventure, la perfidie, l’ironie, la polémique, le rêve, l’imaginaire, le merveilleux, la farce, la pantomime et l’improvisation dans des doses imprévisibles n’ont qu’à oser l’aventure des Aquadiaux. Quant aux autres, ils ne méritent pas même que je leur envoie une plaquette ou un dépliant, qu’ils s’évertuent tous à nommer « Flyers », ne sachant plus user de notre belle langue. Je comprends d’ailleurs mieux qu’ils ne puissent me comprendre…

Nous sommes donc un groupe pour petites communes, pour salles des fêtes, pour animations au village. Nous en sommes fiers et heureux. Il est dommage que dans les grandes villes, les quelques curieux ne puissent pas en profiter. Ils n’ont qu’à se déplacer chez leurs voisins ruraux.

Précisement leur.

Photographies prises

par Georges Asselineau

lors du spectacle

du 3 février 2019

à Montliard

 

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