vendredi 6 septembre 2019 - par Sylvain Rakotoarison

À hauteur de Sim

« Moi, j’ai toujours été un peu touche-à-tout dans ce métier, j’ai bricolé un peu dans la radio, la télévision, le cinéma, le théâtre, les livres, et puis je pense que je suis heureux dans ce petit train départemental. J’ai pris un omnibus, moi, pour faire ma carrière. Je suis parti de la gare de départ il y a cinquante ans et j’arrive à peine. Alors que maintenant, les mômes, ils prennent un TGV, ils sont rendus tout de suite et ils tapent dans le butoir. » (Sim, le 9 mai 2009 sur France 2).



Il y a dix ans, le 6 septembre 2009, à Fréjus, l’humoriste Sim s’en est allé des suites d’une pneumonie, laissant le monde du spectacle dans la tristesse alors qui pendant une cinquantaine d’années, il avait passé son temps à faire rire tout le monde. Il avait 83 ans (né le 21 juillet 1926). Sim n’était pas un arriviste, pas un ambitieux, il ne rêvait pas d’être une star. Il a rarement cherché à séduire mais bourré d’autodérision, il s’est jeté dans l’humour comme d’autres se jettent dans un bain chaud.

Ce n’était pas une star. Certes, il s’est marié trois fois, mais les deux premières fois, c’était pour apprendre (et faire un enfant). La dernière fut la bonne, et cela pendant quarante-deux de mariage : « Je n’ai pas eu la chance-là [de trouver une femme fortunée pour ma retraite], mais par contre, elle a un cœur qui vaut tous les coffres-forts ! » (9 mai 2009). Tout est dit dans cette formule. Son amour émouvant. Et aussi, son sens étincelant de la formule.

Il a tout fait et rien fait. Son principe était du touche-à-tout. Bien sûr, il fallait bien manger et donc, il a accepté de tout faire, et d’ailleurs, il a défini la retraite ainsi : la possibilité de choisir. La possibilité de dire non, de ne faire que ce qu’il aimerait.

Son père était un électricien du cinéma, et pour travailler dans le film d’Abel Gance sur Napoléon, au lieu d’aller en Corse, ils sont allés tourner dans les Pyrénées, cela coûtait moins cher. À Sim, cette économie lui a sauvé la vie ! Là, l’électricien a rencontré une jolie bergère et les deux ont engendré Simon Jacques Eugène Berryer : « Je me suis dit : allons au plus simple. J’ai pris les trois premières lettres de mon prénom, Sim. Et j’ai eu de la chance de ne pas m’appeler Constant. » (9 mai 2009).

Laurent Ruquier a invité Sim dans son émission du samedi soir quelques mois avant sa mort, si bien qu’il a pu retracer toute la carrière de ce drôle de comique qu’était Sim, dont la tête, vieille et supposée laide, a été son principal atout pour faire rire.

Sim a raconté dans cette émission que son premier baiser avec une femme, il l’a eu à 15 ans. C’était pendant la guerre, à Nantes. Il avait entraîné la fille dans une tranchée et au moment du baiser, des bombardements ont eu lieu. Depuis ce temps-là, il s’est toujours méfié des baisers.

Dans les années 1950, il a commencé sa carrière par un concours de grimaces, et il n’a pas eu tort car sa gueule, elle était chouette ! Bien plus tard, il a fait un livre sur cela, "Elle est chouette, ma gueule" (éd. Flammarion), c’était son premier livre en 1983, et ce fut un énorme succès puisqu’il en a vendu plus d’un million d’exemplaires (ce qui est énorme pour un livre ; pour comparaison, "Soumission" de Michel Houellebecq s’est vendu à 600 000 exemplaires).

Sur l’écriture, qu’il a vaguement pratiquée, on peut dire que ses bouquins se lisent comme on boit du petit lait, avec rythme et humour. Il a publié neuf livres, le dernier peu avant sa mort, "Et la retraite, bordel ?" (éd. Le Cherche Midi). Certains auraient voulu qu’il s’investît plus densément dans l’écriture.

Mais il n’a jamais voulu être un écrivain, encore moins un romancier : « Quand j’écris, j’essaie de me doubler d’un lecteur. Je veux savoir si je ne vais pas m’ennuyer. C’est peut-être le sens du spectacle qui fait que je ne veux pas ce qu’on appelle tirer à la ligne, remplir des pages pour en faire un nombre suffisant pour faire un livre. Cela ne m’intéresse pas du tout. Je mets très longtemps. Si je bute contre une idée ou une phrase, j’arrête, je peux reprendre quinze jour après, mais pendant quinze jours, j’y pense. » (9 mai 2009).

Comme beaucoup d’artistes, Sim a connu une vie difficile au début de sa carrière, pour être connu. Il fallait accepter des petits boulots, faire des sketchs de cabarets en cabarets, faire rire dans les soirées… Il a ainsi connu beaucoup de futurs "grands" qui n’étaient encore pas connus. Ainsi, il a partagé une chambre avec Jacques Brel et les deux étaient plutôt désespérés, chacun remontant le moral de l’autre. Jacques Brel a d’ailleurs failli casser sa guitare car il n’était pas écouté, bruit ambiat était plus fort que ses chansons.

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Sim fut aussi "dresseur de tétons" avec Charles Aznavour ! Cela ne s’invente pas. Pour maintenir les seins comme il le fallait pendant son spectacle, Pamela avait besoin qu’on les excitât un peu, en tout bien tout honneur, bien sûr ! Il fut aussi un grand copain de Pierre Brasseur qui était rejeté par ses collègues pendant les tournages, à cause de son comportement de grand buveur nocturne.

Sim a connu aussi Coluche à ses débuts dans les cabarets. Lui en vieille dame, Coluche en habit de camionneur, Coluche l’a poussé dehors et ils sont rentrés dans le premier hôtel venu. Et Coluche a demandé au gardien une chambre pour un quart d’heure ! À partir d’un moment, la réputation de Sim comme amuseur public était faite, si bien que beaucoup d’artistes refusaient de se produire après lui car c’était difficile de faire rire encore après sa prestation.

Comédien, Sim a fait un peu (très peu) de théâtre et aussi, il a fait du cinéma. Mais jamais il n’a voulu faire une carrière au cinéma. Son premier film était "Les Gaîtés de l’escadrille" en 1958. Sim n’a tourné que dans une vingtaine de films, dont beaucoup de navets qu’il n’osait plus évoquer (il fallait bien manger). Il pouvait toutefois se prévaloir d’avoir fait des films avec Michel Audiard (dont "Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais …elle cause ! " en 1970, où il faisait une libellule !). Sa fierté était d’avoir tourné dans le premier film de Guy Lux ("Drôles de zèbres" en 1977) et dans le dernier film de Federico Fellini ("La Voce della luna" en 1990). Il faut également citer "Les Mariés de l’an II" de Jean-Paul Rappeneau en 1971 avec Marlène Jobert et "son père", Pierre Brasseur, "Le Roi des bricoleurs" de Jean-Pierre Mocky en 1977, et deux participations dans Astérix (en 1999 et 2008) où il jouait avec merveilles le rôle du vieil Agecanonix aux côtés d'Arielle Dombasle.

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Sim a aussi joué quelques rôles pour la télévision dont le plus connu est le comte Théo de Montalenvert, pour épicer certains épisodes de la série de celui qu’il considérait comme un véritable frère (qu’il n’a jamais eu), Victor Lanoux : "Louis la Brocante". Il faut noter d’ailleurs qu’au théâtre, Sim a peu joué, mais surtout dans des pièces de Victor Lanoux.

Artiste de variétés, Sim s’est beaucoup fait connaître du grand public à la télévision, par ses prestations dans les années 1970-1980. D’abord chez Guy Lux, où il interprétait quelques sketchs et de nombreuses chansons, parfois très pourries ! Cependant, en 1978, avec Patrick Topaloff, ils ont réussi à faire une parodie de "Grease" ("You’re the One That I Want") : "Mais où est ma ch’mise grise ?" et leur disque, enregistré à la va-vite, a fait un carton, deux fois disque d’or !

Ensuite, il est intervenu très régulièrement dans les fameuses "Grosses Têtes" animées (sur RTL et parfois sur TF1) par Patrick Bouvard qui fut un grand ami de Sim. Dans les années 1970 à 1990, il fut en effet, tant à la radio (une voix) qu’à la télévision (une gueule), l’un des participants les plus imaginatifs et drôles de la bande.

C’était donc chez Guy Lux puis chez Philippe Bouvard qu’il a fait beaucoup de sketchs qui, parfois, ont mal vieilli. Son personnage le plus connu est la baronne de La Tronche-en-Biais (qui dit bien ce que ça veut dire !). C’était une idée de Fernand Reynaud qui lui a proposé de faire ce personnage dans des sketchs chez Guy Lux.

Pour lui rendre hommage, je propose ici quelques-uns de ses nombreux sketchs et chansons pour retourner un peu dans un passé pas si lointain de la télévision de grand-papa.


1. Le permis de conduire (version avec Pierre Louis).






2. Le permis de conduire (version avec Jacques Balutin).






3. La princesse (interrogée par Léon Zitrone).






4. Une chanson avec Carlos.






5. Le sumotori.






6. Le ramoneur.






7. La femme de ménage à Bobino.






8. Le kiné.






9. Scapin.






10. Le dentiste.






11. Torture médiévale.






12. Tintin et Milou.






13. Coqs gaulois.






14. Le costaud des Batignolles.






15. Les clowns avec Pierre Bellemare et Jacques Pradel.






16. Surprise avec Daniel Prévost.






17. Les chaussures vernies.






18. Le manoir familial.






19. Rétrospective de l’INA.






20. Sim chez Laurent Ruquier ("On n'est pas couché") le 9 mai 2009 sur France 2.






21. Mais où est ma chemise grease ? (avec Patrick Topaloff).






Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 septembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sim.
Élie Kakou.
Pierre Desproges.
Thierry Le Luron.
Pierre Dac.
Coluche.

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3 réactions


  • Frederick Potter Frederick Potter 7 septembre 2019 10:47

    Sim agrée ^^-D

    Moi c’était surtout La petite, petite, libellule !

    Une époque d’enfer sur le plan des sketchs.


  • Le421... Refuznik !! Le421 7 septembre 2019 17:32

    Une autre époque...

    Où on savait attendre.

    Où on n’avait pas besoin de tout et tout de suite.

    Surtout les couillardises à la Gifi d’ailleurs !!


  • the clone the clone 8 septembre 2019 08:58

    Il aurait fait un bon président pour notre pays au lieu de la carpette de chez Rothschild .....


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