Adam et Ève. Une autre façon de comprendre
Dieu descendit de la montagne et, se penchant, il prit un peu de glaise dans la plaine. Comme le fait un potier, il fit tourner cette glaise entre ses mains jusqu’à lui donner une forme de cône à l’image d’une colline. Ayant fait cela, il s’arrêta un jour. Il dit : « Voici la cité d’Adâm ! » Le lendemain, il se remit au travail et il fit sortir de la colline le premier conseil de prêtres qui ait existé sur terre, et ce premier conseil, il l’appela “Homme”...
Ce passage et ceux qui suivent sont extraits de mon « Histoire de Bibracte, Dieu caché », publiée en 1995. Il s’agit d’une interprétation libre du texte de la Genèse. Aujourd’hui où nos sociétés en crise s’interrogent et se posent la question de la fin, ne serait-il temps de revenir au début de notre histoire pour comprendre un peu mieux l’origine de notre pensée, notamment religieuse ?
Le troisième jour, Dieu vit que “l’Homme” était seul et que ce n’était pas bon. Alors, il le fit tomber dans un profond engourdissement et il profita de cet engourdissement pour extraire de ce qu’il avait appelé “Homme” une treizième côte qu’il avait mise en réserve dans sa haute prévoyance...
Dieu prit la côte qu’il avait sortie du premier conseil qu’il avait créé, il la façonna, il en fit une population et il lui donna le nom d’Ève. En créant cette population à partir d’un membre qu’il avait sorti du conseil, Dieu savait ce qu’il faisait. Car s’il avait donné au conseil une population qui n’était pas de son sang, ç’aurait été un prétexte pour la refuser, la tromper ou la répudier. Voilà pourquoi Dieu a fait, en quelque sorte, une reproduction homozygote du conseil pour créer Ève...
Le quatrième jour, voyant Ève s’approcher de lui dans sa magnifique beauté, innocente et nue, Adam/le conseil de prêtres s’écria : « Voici la chair de ma chair, le sang de mon sang, les os de mes os. Qu’elle soit pour moi comme une femme. Je m’attacherai à elle, je veillerai sur elle, je la féconderai et nous ne ferons qu’une seule chair. »... Dieu dit au conseil et à sa population :« Fructifiez et multipliez-vous ! » Le cinquième, le sixième et le septième jour, Dieu les laissa à l’Homme pour qu’il continue son œuvre de création...
Roman que tout cela ? Mais alors, qu’on nous dise pourquoi les sculpteurs accadiens, sumériens et autres, ont représenté nombre de leurs “guides” sous la forme de personnages à la carrure démesurée ? La seule explication que nous puissions donner est que ces artistes ont voulu représenter dans un seul corps un conseil de douze membres soigneusement alignés, superposables car identiques, mais toutefois un peu décalés l’un par rapport à l’autre. Au centre de toute cette pensée se trouve une idée-force qui est la suivante. La force de la cité antique résidait, premièrement, dans un conseil de prêtres parfaitement soudé, pensant et agissant comme un individu, deuxièmement, dans une population courageuse et pure de paysans/soldats, troisièmement, dans l’amour qui devait lier entre eux le conseil et sa population... (Cela se passait vers l’an 4 000 avant J.C.. Les premières sociétés dignes de ce nom apparaissent... et la première pensée sociale).
Le premier enfant qu’enfanta Ève/la population d’Adâm fut un conseil de prêtres paysans qui reçut la tâche de mettre en valeur le territoire. Il est écrit que Caïn cultivait le sol. Son deuxième enfant fut un conseil de chefs militaires qui reçut la mission de quadriller le territoire à la tête de ses troupeaux de soldats et de mourir, s’il le fallait, pour défendre la cité. Il est écrit qu’Abel était un berger.
Il arriva qu’Abel et Caïn offrent tous deux un sacrifice à Dieu, l’un un agneau de son troupeau, l’autre une gerbe de blé. Dieu donna la préférence à Abel. Comme Caïn, qui était l’aîné, en était irrité, Dieu lui dit : « Pourquoi te plains-tu, Caïn ? Si tu cultives bien le sol, tu y trouves ta récompense ; si tu le cultives mal, tu y trouves ta punition. Pourquoi veux-tu que j’intervienne en ta faveur ? Mais, en ce qui concerne ton frère, il n’en est pas de même car, lorsqu’il remplit sa mission jusqu’à faire le sacrifice de sa vie, quelle sera sa récompense si ce n’est pas moi qui la lui donne ? »
Voyant la préférence que la cité portait à Abel et la priorité qu’elle accordait aux crédits militaires, Caïn en fut jaloux et il déclencha une révolution. Débordés par la fureur révolutionnaire, les prêtres/soldats furent massacrés par les paysans en révolte.
Lorsque l’ordre fut rétabli, on rassembla tous les fauteurs de troubles et notamment les prêtres/paysans (Caïn) qui avaient massacré les prêtres/soldats (Abel). On les condamna comme si Dieu en avait décidé ainsi : « Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ? Maudit sois-tu ! Le sang d’Abel crie vers toi. Eloigne-toi de ma face et va-t-en en exil, à l’est du jardin d’Eden. » Caïn dit à Dieu : « Le châtiment que tu m’infliges est trop lourd, car si tu me chasses, si tu me retires ta protection, je devrai fuir de partout et n’importe qui pourra me tuer sans craindre d’être jugé. » Dieu répondit à Caïn : « Eh bien soit ! Je m’engage à te protéger. Qu’on aille dire dans toutes les cités que quiconque tuera Caïn sera tué sept fois (c’est ce qui s’appelle une politique de dissuasion ). »
Caïn partit dans le pays de Sumer (mon interprétation). Il se maria à la population qui se trouvait là. Il engendra une ville. Lamech fut un de ses descendants. Celui-ci épousa deux femmes : Ada et Silla (Ourouk ? Lagash ?). Lamech leur dit : « Populations sumériennes, prenez garde, car je suis protégé par le dieu d’Adâm. Pour une blessure qu’on me fera, un homme sera tué, pour une meurtrissure, un enfant. Car si Caïn a été vengé sept fois, Lamech, quant à lui, sera vengé septante-sept fois. » Cette explication de la pénétration sémite « coloniale » dans le pays de Sumer, nous la donnons pour ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pour une parole de Bible. C’est un point de vue, un point de vue sémite (bien sûr, suivant mon interprétation).
Pour en revenir à l’origine de ce conflit au cours duquel une partie des dirigeants (Abel) trouva la mort et une autre partie (Caïn) l’exil, disons qu’il n’y a là rien d’extraordinaire dans la vie d’une cité. Puis, la cité d’Adâm se réorganisa. Adam féconda à nouveau Ève ; celle-ci engendra le conseil de prêtres Seth et Seth engendra le conseil de prêtres Enoch. A partir de ce moment-là, on veilla à invoquer régulièrement le nom de Dieu, pour éviter le retour du lamentable drame que la cité avait connu...
Où se trouve la montagne d’où Dieu est descendu ? La carte de Peutinger nous donne la réponse. Entre la Césarée de Philippe et Damas, une station porte le nom étonnant d’Adammontem. Cette station correspond au mont Hermon, majestueuse montagne aux cimes couvertes de neige.
Si le mont Hermon est la montagne d’Adam, la cité d’Adâm ne pouvait se trouver qu’à son pied. Les sources sacrées pourraient être à Banyas/Paneas, là où les Anciens voyaient, non pas la source d’un simple affluent du Jourdain, mais la source du fleuve lui-même... ou bien à Dan (Adan). A ces deux sites s’ajoutent ceux d’Haçor, de Safed et de Sephoris. Tous ces sites, dont certains font toujours l’objet de fouilles, ont livré d’antiques vestiges. Leur sous-sol conserverait-il encore quelque secret caché ? Manifestement, nous sommes ici au centre de l’antique cité de Cana. Et nous nous posons des questions. Les eaux du déluge que Dieu fit sortir des sources de l’abîme ne seraient-elles pas sorties en réalité du “gouffre” d’où jaillissait la source du Jourdain à Banyas et que Flavius Josèphe qualifie d’insondable ? La transfiguration de Jésus, selon Marc (Mc 9, 2-3) et Mathieu (Mt 17, 1-11), que nous situons sur le mont Hermon, évoque sans aucun doute la naissance de l’homme nouveau. Si Jésus a choisi le mont Hermon pour se montrer aux premiers apôtres dans tout l’éclat de sa gloire, ne serait-ce pas parce que Dieu s’y était jadis montré au premier homme : Adam ?
Et ainsi de suite ... évidemment, je ne puis être d’accord avec tout ce qui se dit sur les médias, en particulier sur une écriture de la Bible qui n’aurait été faite qu’au VII ème siècle avant J.C. (Arte : la Bible dévoilée). A partir du moment où l’on commence à mettre en doute d’une façon aussi grave les témoignages écrits et la sincérité de leurs auteurs, où allons-nous ?
Rendons plutôt hommage à ces hommes qui, quatre mille ans avant notre ère, ont écrit cette magnifique et très poétique histoire qu’est le texte de la Genèse, véritable acte de naissance de notre civilisation. Entre eux et nous, un fossé de six mille ans nous sépare. Sommes-nous devenus plus intelligents ? Si j’en juge par les explications qu’on donne de ce texte fondateur et par les croyances qu’il inspire toujours, j’en doute.
Merci aux lecteurs d’Agoravox de bien vouloir commenter cet article. Merci aux internautes qui ont bien voulu me signaler les erreurs de détail ou d’inattention que j’ai commises dans mes articles précédents.
E. Mourey
Site internet : http://www.bibracte.com