vendredi 27 septembre - par rosemar

Allez, venez Milord...

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Une chanson qui s'ouvre "in medias res" sur une invitation avec deux impératifs insistants : "Allez, venez", et une apostrophe "Milord"... c'est une invitation chaleureuse à venir s'installer à table... On perçoit le souci de la personne qui s'exprime à l'égard de cet homme riche qui porte ce titre "Milord", avec une majuscule.

Et les mots qui suivent viennent souligner ce souci de l'autre :

"Il fait si froid, dehors
Ici c'est confortable"

On perçoit là une empathie, une connivence, une générosité.

Et l'invitation se fait pressante avec des impératifs encore à valeur d'insistance :

"Laissez-vous faire, Milord
Et prenez bien vos aises"

Et ce sera aussi l'occasion d'une forme de consolation, comme le montre la belle expression "Vos peines sur mon coeur" qui évoque un partage avec l'alternance des adjectifs possessifs : "vos peines, mon coeur."

Et pourtant, les vers suivants soulignent la distance qui sépare les deux personnages... socialement très inférieure, la narratrice insiste elle-même sur cet écart :

"Je vous connais, Milord
Vous ne m'avez jamais vue
Je ne suis qu'une fille du port
Qu'une ombre de la rue..."

Lui est connu, reconnu de tous, alors qu'elle-même se définit comme une "ombre de la rue" et "une fille du port", des termes péjoratifs et dévalorisants. Notoriété de l'un, anonymat de l'autre, titre de noblesse de l'un, dénomination vulgaire de l'autre.... des contrastes très marqués...

Dès lors, l'invitation ne peut que surprendre avec une sorte d'inversion des rôles sociaux... La narratrice, bien que socialement inférieure, prend le rôle de consolatrice.

Dans le couplet qui suit, la narratrice rappelle un épisode récent : Milord qu'elle a aperçu le jour précédent au bras d'une demoiselle... elle évoque son bonheur triomphant, avec un vocabulaire hyperbolique :

"Vous aviez le beau rôle
On aurait dit le roi...
Vous marchiez en vainqueur"

La narratrice met aussi en évidence la beauté extraordinaire de la demoiselle sur le mode exclamatif, traduisant une intense admiration : 

"Mon Dieu !... Qu'elle était belle...


J'en ai froid dans le coeur..."

C'est un tableau idyllique qui contraste avec le couplet suivant où il est question du départ d'un navire qui emporte au loin la bien aimée. Le vocabulaire suggère alors la douleur de la séparation avec les verbes "déchirer, briser, pleurer".

Et la narratrice de donner cette leçon de vie :

"Comme quoi l'existence
Ça vous donne toutes les chances
Pour les reprendre après..."

Le refrain intervient alors avec la reprise des impératifs "Allez, venez, Milord ! Laissez-vous faire, Milord".

Milord est comparé à "un môme" et la narratrice par une belle inversion des rôles l'invite dans son "royaume", un royaume fait de chansons, de réconfort : 

"Je soigne les remords
Je chante la romance
Je chante les milords
Qui n'ont pas eu de chance !"

C'est alors que la narratrice lance un nouvel impératif :

"Regardez-moi, Milord
Vous ne m'avez jamais vue..."

Et ces deux vers soulignent encore l'écart social entre les deux personnages : la narratrice, fille des rues anonyme, sans importance qui n'a jamais été vue par Milord, implore un regard.

Et soudain, l'émotion jaillit des yeux de Milord, provoquant la surprise :
..."Mais vous pleurez, Milord ?
Ça je l'aurais jamais cru !"

La fin de la chanson est une invite à retrouver le sourire, la joie de vivre, avec une cascade d'impératifs insistants : la chanson met alors en scène les réactions de Milord commentées par la narratrice. On le voit danser, on l'entend chanter...

"Eh bien, voyons, Milord !
Souriez-moi, Milord !
...Mieux que ça ! Un petit effort...
Voilà, c'est ça !


Allez, riez, Milord !
Allez, chantez, Milord !
La-la-la...

Mais oui, dansez, Milord !
La-la-la...
Bravo Milord !"

Voilà une magnifique chanson faite d'empathie, de générosité... et c'est une personne humble qui manifeste cette empathie, une façon de montrer que ce sont souvent les plus humbles qui font preuve de solidarité et de générosité.

La mélodie est enjouée, vive, dans le refrain et se ralentit dans les couplets pour raconter l'histoire de Milord... elle alterne des passages vifs et des moments plus lents et introspectifs... elle oscille entre mélancolie et espoir...

Que dire de l'interprétation d'Edith Piaf ? Avec sa gouaille, elle nous fait vivre intensément la scène, comme si on l'avait sous les yeux...

 

Pour mémoire : 

 Sortie en 1959 cette chanson a été écrite par Georges Moustaki et composée par Marguerite Monnot.

 

Les paroles :

https://www.paroles.net/edith-piaf/paroles-milord

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2024/09/allez-venez-milord.html

 

Vidéo :

 



31 réactions


  • Corcovado 27 septembre 16:33

    J’aimerais élargir le spectre et avoir également votre version commentée de « Lola Rastaquouère » de Serge Gainsbourg.

    Merci par avance


  • Fergus Fergus 28 septembre 09:08

    Bonjour, rosemar

    Une formidable chanson qui m’a beaucoup ému durant mon enfance à chaque fois que je l’entendais (plus encore que Les escaliers de la Butte chanté par Cora Vaucaire).

    Un grand merci à Moustaki et Monnot, et bien sûr à Piaf dont l’interprétation, tout en nuances, d’une fille blasée et meurtrie par la vie est magnifique.


    • rosemar rosemar 28 septembre 12:00

      @Fergus

      Oui, une magnifique chanson très connue : je l’ai redécouverte en écrivant cet article, ce qui permet de mieux cerner le texte et de mieux le comprendre...


    • Seth 28 septembre 13:36

      @rosemar

      Pourquoi, ya quelque chose de particulier à « comprendre » et à « cerner » ? smiley


    • rosemar rosemar 28 septembre 14:06

      @Seth

      pourquoi ? parce que, souvent, à la simple écoute, on ne perçoit pas tous les détails et toutes les subtilités d’une chanson...


    • chat maigre chat maigre 28 septembre 15:06

      @rosemar

      ah beh, je comprends mieux, si vous avez des problèmes de compréhension de texte sur une simple chanson, c’est sûr que la politique internationale et tous les autres sujets d’ailleurs doivent vous sembler bien compliqué à comprendre, mais vous venez quand même nous expliquer ici quotidiennement ce qu’il est bon de penser et de comprendre !!

      s’il vous faut des années pour cerner et comprendre une simple chanson, je n’ose pas imaginer ce que vous ressortez de la lecture de livres si toute fois, vous lisez ou avez lu des livres dans votre vie smiley


    • Corcovado 1er octobre 16:30

      @chat maigre

      Merci pour cette bonne tranche de rire. Certes, la saillie était facile mais il y a des répliques qui fonctionnent toujours.

      Aucune animosité envers Rosemar, qui a eu très envie de produire une série à épisodes. 


  • chat maigre chat maigre 28 septembre 12:07

     


  • Seth 28 septembre 13:40

    Je continue à réclamer l’explication de texte de « L’école est finie » ou de « La poubelle pour aller danser » ou encore de « Bambino ».

    Parce que trouver de l’arrière-monde dans une truc popu simplet, il faut le faire ! smiley


  • Corcovado 28 septembre 14:19

    Bécassine, c’est ma cousine
    Bécassine, on est voisine
    Quand je m’en vais voir ma grand-mère
    Qui habite au bord de la mer
    Je retrouve ma Bécassine
    Qui m’emmène au bout de la terre


  • Corcovado 28 septembre 14:22

    J’ai toujours dit ; la France, le pays de la danse des canards et des cul cul la praline.

    J’aurais apprécié que Rosemar ne s’applique pas à en fournir la démonstration répétitive.

    Dans le temps, il m’est arrivé d’ennuyer des gens. Mais au moins, quand on me le faisait remarquer, je le comprenais.


    • rosemar rosemar 28 septembre 14:36

      @Corcovado

      Mais, rien ne vous oblige à lire et encore moins à commenter...


    • chat maigre chat maigre 28 septembre 14:54

      @rosemar

      quand on dépose régulièrement ses déjections dans l’espace public, on accepte les réflexions plus ou moins constructives, ça fait partie du contrat implicite !!

      Sinon, on reste sur son blog où l’on sait que ceux qui viendront sont déjà des fans de déjections rosemariennes smiley


    • Fergus Fergus 28 septembre 15:27

      Bonjour, Corcovado

      « la France, le pays de la danse des canards »

      Très mauvaise pioche ! Le compositeur est suisse et l’auteur des paroles est belge  !


    • Seth 28 septembre 18:55

      @Fergus

      Ouf... ça rassure. smiley


    • rosemar rosemar 28 septembre 19:47

      @Fergus

      Franchement, comparer cette chanson Milord à la danse des canards, il faut vraiment avoir les oreilles bouchées... 
      Pauvre France !


    • @rosemar
      Bah certaines peuvent etrent bouchées d’ailleurs smiley smiley
      Il y a meme une expréssion appeller le ramoneur ^^
      ..
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      ..
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      ..
      ..
      Commenr ca grossier ?
      Absolument pas réaliste à un certain age c’est courant !
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      ...
      ..
      ..
      ..
      Vous n’avez pas eu des débouchement a l’eau de mer...
      des test avec le batonnet qu’on met la ou je pense remboursés par la sécu ...
      ..
      ..
      Vous pensiez vous ou ?
      ..
      Honni soit qui ma y pense , pfff


    • @chat maigre
      Reste plus que les bandages et quelques ossements la bas
      Le paléolitique p’tetre... version peintures rupestres d’époque ? ^^


    • Fergus Fergus 29 septembre 18:54

      Bonsoir, rosemar

      « comparer cette chanson Milord à la danse des canards, il faut vraiment avoir les oreilles bouchées »
      A mon avis, c’est de la pure provocation. 


    • Corcovado 1er octobre 16:37

      @Fergus

      Oui, Fergus. Toutefois, l’importation et l’adoption se sont faites avec le plus grand enthousiasme.


  • Corcovado 1er octobre 16:44

    Non Fergus, ce n’est pas de la provocation. L’intervention que vous citez était plutôt d’ordre général et pas destinée à lier la production d’Edith Piaf à un truc immonde sorti bien 30 ans plus tard.

    En revanche, il me semble discerner un lien entre la piètre qualité de ladite « oeuvre » et les analyses de texte niveau rédaction de 4ème qui sont régulièrement commis ces temps-ci. Comprenne qui voudra.


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