Anne Bancroft - Sublime gravité
Régulièrement, je proposerai un portrait d’une femme plus ou moins connue, souvent élogieux, parfois critique, éventuellement caustique. La recette est simple : une photo emblématique. Et un texte court.
(New York, 1931 – New York, 2005) On comprend par le vrai nom d’Anne Bancroft, Anna Maria Louisa Italiano, pourquoi cette Américaine au regard émouvant était si belle, avec dans la physionomie des ombres pleines de gravité qui ne sont pas sans rappeler une autre Méditerranéenne, Irène Papas. Inoubliable Mrs. Robinson à la fois tragique et sulfureuse dans Le lauréat, elle reste hélas trop méconnue malgré de beaux rôles au théâtre et au cinéma (y compris une brève et sublime apparition dans Elephant Man) qui furent salués par des prix mérités. Elle constitua un des rares couples durables du monde cinématographique avec le comique Mel Brooks, dont elle fut l’épouse heureuse et admirative depuis 1964 jusqu’à sa mort. Elle qui n’était pas une actrice burlesque est absolument craquante quand elle rit ou quand elle fait un sketch avec son mari. Tant de beauté alliée à tant de simplicité mérite un hommage appuyé.
Difficile de choisir entre les photos qui circulent de cette actrice au visage tantôt bouleversant, tantôt malicieux, tantôt ironique, aux coiffures et aux teintures changeantes. Elle est même difficile à reconnaître dans ses divers films, que l’on voit beaucoup trop peu. Le léger cerne qu’elle a toujours eu sous les yeux lui donne un regard profond, ou tragique comme lorsqu’elle joue le rôle de Marie-Madeleine. Quelle générosité dans ses yeux, dont on a souvent l’impression qu’ils sont au bord des larmes. Sa lèvre inférieure légèrement boudeuse est pulpeuse et expressive. Ses traits ne souffrent pas de cette finesse presque exaspérante chez certaines Américaines ; cette Italienne de New York a quelque chose de solide et d’admirablement équilibré. Elle a une telle noblesse que l’on retient d’elle davantage son visage que son anatomie au demeurant fort attirante, au point que le jeune Dustin Hoffman ne put s’empêcher de lui mettre la main sur un sein, ce qui n’était pas prévu dans le tournage.