samedi 19 mai 2012 - par NewsofMarseille

Après Ramallah

Vous est-il déjà arrivé de sortir d’une séance ciné groggy, choqué par ce que vous venez de voir, au point de déclencher une remise en question complète de votre existence. Et bien c’est ce qui m’est arrivée, après la lecture du tout premier roman de Mathilde Vermer : « Après Ramallah ».

Elisa, jeune Française, fraichement diplômée d’un Master en relations internationales, débarque en Cisjordanie pour travailler au sein d’une ONG afin de mettre ses ambitions « pacifistes » à l’épreuve de la réalité. Là-bas, elle rencontrera des hommes, des femmes, des Palestiniens, des Israéliens et Youssef, un jeune leader gauchiste qui la trouble, tous ont un rêve en commun : la paix.

Le livre se présente comme un journal intime. La protagoniste, exilée en Inde après le décès de Youssef, raconte par vagues son histoire à un ami. On attendra impatiemment donc le dernier volet des révélations, qui apparaissent à la fin du livre, pour comprendre le lien qui unissait les deux personnages.

Loin d’être une histoire d’amour à l’eau de rose, ce livre relate la survie de chaque côté d’un mur qui effraie, divise, sépare des familles, les paysans de leurs terres…

Elisa est l’anti-héroïne par excellence. Ignorante et arrogante, elle débarque en zone de conflit pour donner « un sens à sa vie ». On découvre le conflit israélo-palestinien de son point de vue (bien différent de celui des médias. Pleine de préjugés, de soupçons, et de naïveté au début, Elisa paraît, tour à tour, détestable et attachante. Je me surprends à juger la protagoniste. A sa place, comment est-ce que je réagirais… ?

Pour son premier roman, Mathilde Vermer réussit à nous entrainer dans ce voyage tragique mais passionnant. On rencontre de nombreux personnages, de chaque côté, plus intéressants les uns que les autres. On sent sur notre peau le soleil du Moyen-Orient, la poussière des plaines arides, le parfum des oliviers, le gout de l’houmous, comme si on y était. On se sent emprisonné dans le statut difficile que connaissent les habitants de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza.

Avec une écriture jeune et dynamique, sans jamais prendre parti dans un sujet sensible comme celui-ci, Mathilde Vermer réussit son premier voyage littéraire en zone à risque et nous livre ici un ouvrage qui nous remet les idées en place.

Citation à retenir : « Il y a des douleurs qui ont beau faire mal, elles sont minuscules face à la grandeur de l’Histoire ».

Melissa Reverso

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1 réactions


  • easy easy 19 mai 2012 10:27

     «  »«  » « Il y a des douleurs qui ont beau faire mal, elles sont minuscules face à la grandeur de l’Histoire ». «  »«  »

    C’est vrai.
    Mais ne le ressentent ainsi, quand ils sont dans la douleur, que ceux qui ont constamment le sens de la grandeur de l’Histoire. (Et grandeur ici ne veut dire que « conséquent pour les masses », ça ne veut pas dire Bien)

    Pour avoir été à ce point renversé, vous venez de découvrir l’effet de l’enfermement.

    C’est sans doute que vous ne vous étiez pas intéressé auparavant à ce qui se passait pour ceux qui étaient derrière le rideau de fer, en particulier à Berlin ou pour ceux qui sont en Corée du Nord, à Cuba, etc.
     
    Ce qui fait la spécificité de ceux qui sont enfermés par les Israéliens c’est que contrairement à ceux des autres cas que j’ai cités, les Palestiniens ne se fliquent pas entre eux et qu’ils en sont tous révoltés. Ils seraient plutôt proches du cas de ceux qui étaient enfermés par les Nazis ou les Afrikaners dans des ghettos.


    Concernant l’image de la couverture avec la fille aux ballons gonflés à l’hélium, je relève que si l’auteure est en l’espèce particulièrement active dans le sens de l’ouverture ou de l’évasion, elle vient d’ailleurs, elle est étrangère à l’endroit.
    En général, les gens enfermés dans l’endroit où ils ont toujours vécu, n’ont pas le rêve de s’en évader mais seulement celui de détruire le mur qui les empêche de communiquer librement avec l’ailleurs.

    Et quand il vient tout de même à certains le désir de partir, d’émigrer, il s’agit le plus souvent des hommes. Ce sont les hommes, non les femmes, qui, dans le Monde, ont eu le plus souvent le réflexe ou désir de partir, en manière d’Icare et avec un esprit quelque peu prométhéen.

    A l’époque où le Mur de l’Est existait, les évasions émigrations avaient été conçues et réalisées, parfois en montgolfière, par des hommes. Idem lorsque Paris avait été encerclée par les Prussiens.


    Cette image donne donc une idée fausse de la réalité car les palestiennes enfermées n’ont probablement pas d’abord le rêve de s’évader.
    On notera que les Palestiniens pourraient s’enfuir par leurs nombreux tunnels mais qu’ils ne le font pas.

    Et même dans le ghetto de Varsovie où les Juifs venus d’ailleurs avaient été regroupés, ils s’y sont sentis chez eux au fil des mois et n’ont que rarement entrepris de s’en évader (700 tentatives, 70 réussites). Le plus souvent, ceux des enfermés qui en sortaient, y retournaient après avoir récupéré de la nourriture ou des armes à l’extérieur. L’appropriation des lieux est à ce point forte que s’est crée la résistance armée. Ils se sont battus jusqu’à la mort pour sauver leur place. Ca peut sembler paradoxal ou propre aux Juifs en ce qu’ils auraient quelque atavisme de résignation. Il n’en est rien. Tous les peuples auraient réagi de manière similaire. Une fois qu’on s’est installé quelque part, même forcé, on y fait son nid. Ce tempérament valant donc surtout pour les femmes. 

    Dans le cas des ghettos Nazis, l’extérieur était tout autant hostile aux enfermés. S’en évader semblait de peu d’intérêt. D’autant que tous n’étaient pas convaincus que les Nazis allaient les exterminer. 
    Ceux qui sont enfermés à Gaza savent que l’extérieur ne leur est pas systématiquement hostile, qu’il y a plein de pays arabes où ils pourraient vivre sans violences contre eux mais ils tiennent à rester sur place. Ils sont attachés à leur endroit.
     
    Ainsi, l’illustration qui collerait le mieux avec l’état d’esprit des palestiniens serait la photo du mur sur lequel un Palestinien aurait dessiné une brèche, une ouverture, un passage, un horizon lointain.

     


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