jeudi 7 août 2008 - par Emile Red

Au FIL, la grogne des bagadoù monte

Un projet de loi bientôt en discussion à l’Assemblée déchaîne les passions dans nombre de festivals et particulièrement au Festival interceltique de Lorient.

Ce projet consiste, dans son énoncé, à favoriser la reconnaissance et le développement de la pratique amateur, et la nécessité d’un cadre juridique clair qui évite des pratiques déloyales à l’égard du secteur professionnel.

Dans les faits, ce texte veut limiter la pratique amateur à sa plus simple expression, l’exclure du domaine professionnel, la raréfier dans le temps, éloigner tout professionnel d’une pratique parallèle, la réduire à un simple loisir occasionnel.

Pour cela, la DMDTS (Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles) et le ministère ont élaboré un ensemble d’articles visant à éloigner les amateurs du champs professionnel en basant l’argumentaire sur la lucrativité des événements culturels.

Ainsi, l’amateur (ou le bénévole) qui se produit ou travaille dans le cadre d’une action culturelle lucrative doit nécessairement être déclaré comme salarié et être assujetti aux conventions collectives afférentes. Par lucratif s’entend, suivant le texte, une action régulière ou n’étant pas limitée en nombre de représentation.

D’autre part, la publicité pour une manifestation amateur ne peut se faire par l’intermédiaire de professionnels spécialisés.

Lisardo Lombardia, directeur du Festival de Lorient, monte au créneau :
« Il est impossible de faire une fiche de paye par personne et de payer les charges pour chacun, cela aurait un coût financier trop important pour les groupes ».

Le milieu musical breton est en émoi et les mouvements d’hostilité à l’endroit de ce projet progressent, contenus jusqu’alors en Bretagne, déjà des voix s’élèvent en d’autres lieux, au Jazz in Marciac certains grondent après le Cognac Blues Passion et les Vieilles Charrues.

Non seulement, ce projet de loi remet en cause les structures de chaque grand festival, mais limite à la portion congrue toutes activités péri-scolaires (autrement mises à mal par les dernières décisions du ministère de l’EN), toutes actions régulières menées par les associations de spectacles ou les intervenants individuels. En effet, un musicien qui se produirait périodiquement pourrait être considéré comme professionnel, une association qui organiserait des concerts à dates fixes et répétées pourraient se voir obligée à salarier ses bénévoles.

Dans le même ordre d’idée, un professionnel qui agirait dans un cadre amateur ne pourrait le faire qu’hors ses compétences professionnelles, un musicien ne pourrait plus participer à quelconque ensemble amateur s’il tire ses revenus habituels de la musique, idem pour un comédien ou artiste de scène en général.

De plus, les défraiements généralement accordés dans le cadre associatif aux intervenants bénévoles seraient soumis à justificatifs, fini le repas collectif, la bière gratuite ou le plein d’essence, les amateurs devront assumer leurs dépenses en totalité.

Définitivement, ce projet semble annoncer la mort des amateurs bénévoles, au seul profit des intermittents du spectacle non conscients du risque encouru à raréfier les manifestations culturelles dans lesquelles ils sont intégralement partie prenante.

Cette future loi est un enterrement de première classe pour les spectacles vivants et la liberté d’expression, alors que les subventions accordées au monde associatif culturel n’ont jamais été si faibles, le gouvernement et Mme Albanel offrent la couronne mortuaire.

Lien annexe
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19 réactions


  • La Taverne des Poètes 7 août 2008 12:26

    Etouffer les manifestations artistiques minoritaires par un excès de bureaucratie, semble être le but de cette manoeuvre.


  • LE CHAT LE CHAT 7 août 2008 12:55

    va t on devoir bientôt déclarer nos heures de journalisme agoravoxien ? smiley l’heure est grave , en effet !


  • TSS 7 août 2008 13:00

    la culture vue par la droite:une approche financière !!!


  • Radix Radix 7 août 2008 13:09

    Bonjour

    Sous couvert de régler le problème des intermittents du spectacle on interdit, sans le dire bien sûr, toute manifestation quelle qu’en soit la finalité !

    Actuellement les concert pro sont une source de revenus très importantes pour quelques organisateurs et compensent la chute des ventes des CD.

    Cette élimination de la concurrence des spectacles bénévoles semble téléguidée par ceux-ci. Ils vont appauvrir la diversité culturelle mais ils n’en n’on cure du momment qu’ils en rammassent quelques miettes !

    Décidemment le libéralisme n’aime pas la concurence !

    Radix


  • Céline Ertalif Céline Ertalif 7 août 2008 21:03

    Que voilà un libéralisme règlementeur !


  • Emile Red Emile Red 8 août 2008 09:42

    Merci aux intervenants, je trouve étrange que la remise en question des libertés fondamentales, comme celle d’agir bénévolement, soit si peu génératrice de réactions alors que le débat fait rage sur des sujets bien hypothétiques et, somme toute, un peu stratosphériques.

    A se demander si nous ne sommes pas définitivement passé du monde réel quotidien, de moins en moins réalisateur, au monde de la fantasmagorie virtuelle désinhibateur.


  • ASINUS 8 août 2008 10:51

    benevole , amateur, culture , patrimoine , desinterressement, partage



     mots et concepts incompréhensibles et vulgaire

    pour nos eminences


  • vivelecentre 8 août 2008 11:05

    Vous preferez surement " magouille , tricherie , travail au noir ,plein les fouilles, detournement, parasite profiteur"........
    Moi je prefere la transparence et l’equité !!


    • Emile Red Emile Red 8 août 2008 11:45

      Je ne connais pas beaucoup d’artistes amateurs qui cotisent à l’ISF, maintenant ce doit exister, reste à le démontrer.
       Et la richesse n’a jamais était de l’acte d’amateur ou de bénévole, par définition, la preuve est que si la politique était bénévole moins seraient nombreux ceux qui tapent au portillon et s’y accrochent.


  • ASINUS 8 août 2008 11:35

    @vivelcentre
    non , a vous lire je pense avoir bien compris votre
    vision economique et societale

    privatiser les profits et mutualiser les pertes



    je suis bien aise pour vous que votre situation vous permette cette perception de l eden
    pour ma part vivant au fond de la cale je ne partage pas votre idéal


    • Emile Red Emile Red 8 août 2008 12:09

      Il faut dire, le niveau culturel de nos élites étant tellement developpé, qu’ils ont du mal à comprendre.

      Quand C.A. admire la dernière daube de C.B., c’est le Chiffre d’Affaire qui fait appel à la Carte Bancaire.


  • Bertrand Lemaire Bertrand Lemaire 10 août 2008 11:03

    J’espère que ce projet ne verra jamais le jour mais, en dehors des opérations de lobbying déjà largement mises en avant, il convient d’indiquer qu’il y a cependant un véritable problème avec "l’abus d’amateurs". Il y a quelques temps, un ami participant à une chorale amateur de bon niveau a ainsi fait les choeurs d’un grand chanteur au Stade de France. Bien sûr sans être payé (il est amateur), sa chorale touchant des clopinettes. Il semblerait que cette pratique soit courante. Je la trouve totalement abusive.


  • jcbouthemy jcbouthemy 10 août 2008 19:32

    aux politiques qui seraient tenter de voter un tel texte, il faudrait poser la question de savoir si ils seraient prêts à demander l’application d’un régime identique à tous les bénévoles des partis politiques qui oeuvrent aux seuls profits des professionnels de la cause


  • ninou ninou 11 août 2008 01:20

    Bigre, Emile !
    J’ai failli ne pas lire cet article parce que le titre ne m’inspirait rien !
    J’en suis toute décontenancée !
    Il se trouve que je viens d’accepter de prendre le "poste" de bassiste dans un groupe amateur qui se produit dans ma région...
    Dois-je le déclarer aux assédics ?
    Et si je me mets, en plus, à jouer bien : dois-je m’attendre à des procès verbaux pour concurrence déloyale ?
    Dois-je aussi signaler mes enfants qui aiment participer à des "boeufs" ?
    Et quand je sifflotte dans la rue... quels sont les risques encourrus ?

    Trève de plaisanterie...
    Si demain on me demande de jouer dans un festival "professionnel" pour pas un rond, je le ferai pour peu que l’organisation soit en rapport avec mon état d’esprit.
    Par contre, s’il devient plus compliqué pour des organisateurs de faire jouer des groupes amateurs que des professionnels, c’est clair qu’ils ne vont plus trop se fatiguer à chercher des nouveautés : il y a les groupes "qui tournent" et qui, donc, se gèrent facilement (le prix n’est pas vraiment un problème insoluble quand on voit les tarifs de certaines manifestations !).

    Mon analyse de ce projet : Les artistes doivent êtres stipendiés ! (soudoyés ?)
    S’ils n’ont pas de valeur d’échange, c’est qu’ils n’existent pas pour la société. Pire : ils sont de dangereux révolutionnaires qui ne voient pas dans l’argent le but de toute vie.
    L’art, oui ! mais l’art d’état !
    (et quand je parle de totalitarisme, on trouve que j’éxagère...)

    J’ai un avenant au projet à proposer : et si on décidait de taxer le public ? Il paierait une taxe proportionnelle au plaisir et à l’intérêt ressentis à l’écoute des amateurs qui auront joué pour lui. Il est, en effet, honteux qu’il existe encore des plaisirs gratuits à l’heure où tout se vend !


    • ninou ninou 11 août 2008 01:37

      Question :
      Le projet fourni en lien date de 2006.
      Quels sont les nouveaux éléments (informations officielles ou officieuses) qui ont ainsi soulevés les organisateurs du FIL ?


    • Emile Red Emile Red 11 août 2008 08:12

      Et nien j’ai mis ce lien assez ancien parceque ce texte est toujours valable et n’a en rien changé.
      Pire, beaucoup d"associations ou de fédérations d’associations le trouve équilibré.
      A se demander si les assos ne passent pas les unes après les autres dans le giron politique... 


    • Emile Red Emile Red 11 août 2008 08:13

      euhhhh !!!

      lire : "Et bien".


  • takakroar 11 août 2008 06:44

    Franchement, est-ce que ces dispositions vont rapporter quelque chose à l’Etat ? Evidemment non.
    Force est de constater que le but poursuivi est de s’attaquer à tout ce qui est une occasion pour les citoyens de s’investir dans des actions collectives qui créent du lien dans la société.
    L’économie mondiale a besoin d’isoler le citoyen, de le rendre vulnérable et malléable.
    Tout ce qui contribue à mobiliser des valeurs d’appartenance et de solidarité doit être combattu. La suppression des départements va aussi dans ce sens.


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