mercredi 23 mai 2018 - par

Bernanos en pleine lumière

Depuis quelques temps, à droite d'aucuns se réclament de Bernanos (ils se disent ni de droite ni de gauche mais sont objectivement de droite). Pour ma part, je trouve cela éminemment sympathique bien entendu ainsi que j'aime déjà comme des frères ceux qui à gauche le voient comme un frère d'armes. Pour quelques uns il est même leur capitaine, pour d'autres un exemple. Ils jugent de ses capacités de réflexion politique injustement, le font de leur camp parfois abusivement, le transforment en quelqu'un d'autre qu'il n'a jamais été. Ce qui m'agace le plus sont ceux en faisant leur maître, ce qui ferait d'eux leurs héritiers tout en étant mondains, serviles et avides de la reconnaissance des maîtres de ce monde.

Tous ou presque oublient une chose pourtant fondamentale chez lui qui est sa foi.

Comment pourraient-ils s'y attacher dans notre société si matérialiste, atomisée et traversant une crise morale encore plus grave qu'à l'époque des « Grands Cimetières sous la lune ». Comment pourraient-ils le comprendre alors que tous finalement sont contaminés par l'esprit libéral libertaire, et mortifère, et nous poussant au narcissisme le plus abject, de nos temps troublés.

Si on oublie sa foi chez Bernanos, on passe à côté de tout une partie importante de ce qui fait son originalité, sa grandeur, la beauté de son abandon total à la cause de la Liberté mais aussi à celle de la Vérité. Car il y en a bien une. Elle n'est pas diverse ni multiple. Elle est. Beaucoup peuvent s'y retrouver, quel que soit leur camp supposé au départ. C'est une question de « communion des saints ». Je songe en particulier à Simone Weil, la philosophe pas la ministre, qui avait écrit à Bernanos pour dire combien elle se retrouvait en ses élans du cœur vers tout ce qui est libre, tous ceux qui savent vivre à grandes rênes, qui savent ce qu'être humain signifie.

Sa foi n'est pas une posture, n'est pas un choix intellectuel mûri après avoir consulté tel ou tel auteur réputé ou non, ce n'est pas du sirop de guimauve en tonneau, ce n'est pas une ostentation sociologique. Elle vient de son cœur, de son cerveau, de ses entrailles. Elle le brûle, le dévore, le pousse à une intégrité morale de plus en plus rare. On chercherait vainement de ces êtres hors norme incapables du moindre compromis de nos jours. La plupart des homoncules les considèrent comme inévitables et puisque tout le monde le fait pourquoi pas nous ? Pourquoi s'en priverait-on ?

C'est je pense la vraie raison, consciemment ou pas, engendrant tant de retenue chez certains de ses lecteurs contemporains. Ils ont tellement peur que des obligations envers les autres que la foi, normalement, impose, les empêche de vivre cet hédonisme étriqué devenu la norme. Et auquel ils n'échappent pas plus que le reste des citoyens consommateurs...

Bernanos est définitivement de l'ancien temps, d'un monde disparu à jamais où la culture était véritablement à tout le monde. On lisait le journal en famille, entre voisins, entre personnes du quartier. Tout le monde s'intéressait à la politique, en conservant de temps à autres la capacité de se révolter durement. Les auteurs appelés maintenant « classiques », paternalistes et poussiéreux pour beaucoup, pour des « modernistes », écrivaient dans des journaux dits populaires des feuilletons à suivre. Et l'on apprenait à s'exprimer, à échanger. C'était tout un art que « le grand d'Espagne » maîtrise à merveille. Il n'a jamais renié cet enfant aux yeux clairs et grand ouverts sur le monde qu'il était, il n'a jamais abandonné ses convictions monarchistes ou religieuses. Il n'est pas devenu un adepte de l'appel aux fameuses z-heures les plus sombres, du festivisme main dans la main et la zigounette dans le pilou-pilou...

Il est temps de se mettre en colère de nouveau, réellement, virilement, contre toutes ces sottises et cet esprit de sérieux tellement ridicule, tellement grotesque sévissant de plus belle en 2018.

 

Illustration empruntée ici<

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury - Grandgil




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