samedi 4 mars 2017 - par la Singette

Biographie graphique de Hunter S. Thompson chez Nada éditions !

Fallait oser ! Un pur bijou graphique et textuel, cet ouvrage très respectueux de la vie et l’œuvre de Thompson. Véritable ovni incontrôlable et subversif dans la littérature et le journalisme yankee. Ce personnage haut en couleur avec le ciboulot toujours en fleur pour déverser sa verve sur le rêve américain. Une belle œuvre que je vous recommande.

Gonzo, vous avez dit gonzo ! Moi ce que je savais du gonzo… Ca se résumait à ça : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article8221

Alors quand j’ai ouvert cette biographie graphique de Hunter S. Thompson, je m’en suis prise plein les ratiches. J’ai beaucoup lu au sujet de ce journaliste d’investigation et écrivain de terrain américain très controversé. J’ai été très heureuse que son éditeur et conseiller littéraire Alan Rinzler ouvre la vérité dans sa préface, après avoir convolé en relations de travail diverses et variées avec Thompson durant 35 ans. Gage de véracité !

« Hunter détestait les éditeurs : c’est l’auteur le plus pénible avec qui j’ai travaillé. Au départ, il m’évitait, me menaçait physiquement, m’insultait parce que j’étais juif : il me faisait passer un salle quart d’heure. J’ai pourtant persisté à pénétrer dans ses chambres de motel, allait même, une fois, jusqu’à m’imposer chez lui pendant des semaines. J’ai ainsi créé par la force une relation de travail fructueuse ». (page 6)

C’est quoi d’abord le concept du gonzo journalisme ? Gonzo provient de l’argot irlandais qui désigne l’homme ou la femme encore debout malgré une nuit de bitures au pub. En littérature et en facture d’écriture pour la presse, ça correspondait à une écriture très rapide qui se situait entre fiction et réalité agrémentée de substances illicites et alcool. Ca donnait des textes surprenants et un concept dont s’est largement inspiré Hunter dans son œuvre littéraire ou en tant que journaliste.

« Quelle triste ironie, en tout cas, que la mythologie puérile du gonzo ait supplanté le souvenir de la puissance vertigineuse de Hunter en tant qu’écrivain et journaliste. Certes Hunter était un alcoolique et un toxicomane obsessionnel, méchant, égoïste et qui se comportait affreusement en public, mais il était aussi un fin observateur et un critique extrêmement sensible à la société, du pouvoir et de la politique et du journalisme. De surcroit, il pouvait également se montrer, à la fois manière sudiste, très charmant, doux et courtois ». (Alan Rinzler page 8)

Basta donc tous les clichés et les mises en cache de Thompson qui en jouait et les narguait de toute sa suffisance comme un pied de nez à toutes les convenances.

Né en 1937 à Louisville dans le Kentucky et décédé en 2005 à Apsen en s’éclatant la tête avec une balle d’arme à feu.

Dès son enfance, à l’âge de 9 ans il se révèle retord à l’autorité lors de la visite de deux agents à son domicile. Il était soupçonné avec deux autres potes à lui d’avoir balancé une boite aux lettres sous les roues d’un car à pleine vitesse. (Presque au même âge, le Bartos m’a raconté qu’à la sortie du collège, il tentait avec d’autres zigues de faire dérailler un RER en posant sur la voie de chemin de fer des pierres. Le cave !). A la différence sans doute avec Thompson, qui avait lui de la répartie à rétorquer aux flics : « Qui sont vos témoins ? ».

Il en a tiré une leçon primordiale pour la suite de son existence. « Dans une société prisonnière, les maîtres se repaissent de la liberté des hommes. Mais, même dans un monde de matons, aucune vérité ne peut piéger un honnête menteur ». (page 22)

A 19 ans, pour complicité de vol, il écope de 30 jours de prison. Il échappe de justesse au zonzon pour vandalisme et est forcé de s’engager dans l’armée. Sur place, il s’exerce au métier de journaliste qu’il confirmera par la suite, de canard en canard le plus souvent viré pour insubordination.

Il passe allègrement du si sérieux Time, devient correspondant au New-York Herald Tribune, The Nation…

Dans les années 65, il se sent au centre du monde. Il se gave de la littérature de la Beat Generation et croise les milieux underground de l’époque, tels qu’Alan Ginsberg, Bob Dylan, Joan Baez… Crachant à la gueule au passage, comme l’a fait Zappa contre le mouvement pisse and love, dont le seul objectif était de se droguer sans aucune arrière-pensée politique.

Premier coup de maître, son rédac chef lui propose d’écrire un article touchant le milieu des Hells Angels. Suite à son article à fort retentissement et sa faculté de caméléon à se fondre dans la meute des bikers. Selon son propre mode de fonctionnement qui consistait à « passer du bon temps et rapporter de l’insolite. Tant que je pouvais. Pas le contrôler, mais l’enregistrer. L’immortaliser, le griffonner sur des petits bouts de papier. Puis m’en aller » (page 51) Il publiera en 66 son fameux livre : « Hell’s Angels l’étrange et terrible saga des gangs de motards hors la loi ». Je vous donne un extrait. « Jolie fille de 25 ans environ, se tapant à même le sol trois mecs à la fois. L’un agenouillé entre ses cuisses, l’autre accroupi au-dessus de sa tête et le dernier lui tapant les pieds… Pénombre du cabanon. Dents, langues et toisons mêlées. Ventres et cuisses luisant de sueur et de foutre. Robe rouge et blanc retroussée sur ses seins… Au milieu des cris des voyeurs. A poil attendant de tirer leur premier, deuxième ou troisième coup… Soubresauts et gémissements de la fille apparemment saoule, inconsciente. Divaguant, s’agrippant à eux, s’abandonnant  ». (page 53)

Résultat des courses, le passage à tabac d’Hunter pour bons et loyaux services en kicks de retour !

 

En 1970, qu’à cela ne tienne, Thompson briguera le poste de shérif du comté de Pitkin et obtiendra, mazette, la moitié des voix. Au programme, le changement de nom de la ville en Fat city, et parmi tant d’autres plus révolutionnaires les unes que les autres.

Il est soutenu par sa digne compagne de mouise dans les moment de déche à la chasse à la pige. Et O joie, en 1971 le magazine Rolling Stone l’engage pour couvrir les émeutes chicanos à Los Angeles. Il y rencontre l’avocat Oscar Zeta Acosta qui deviendra un fidèle aminche de on the road again de nouvelles aventures. Il couvrira aussi la primaire qui mit face à face George McGovern pour lequel il avait un sentiment de sympathie et qui sombrera suite à un scandale face à Richard Nixon, le va en guerre que l’on sait au Vietnam et qui lui aussi sera rétamé par un autre scandale d’écoute, écoute la crapulerie… Le rêve américain dans toute sa supercherie !

Avec son aminche l’avocat, il entreprend une virée en bagnole à Las Vegas. Il écrit : « Pas une histoire fondée sur des faits réels. Une satire. Un conte picaresque atavique. Marrant. Pas une histoire fondée sur des faits réels. Mais peut-être une histoire vraie… Pas la peine de décrire la distorsion temporelle de Vegas. Comme le fait d’écrire quand on est écrivain. C’est une boucle perpétuelle ». (pages 138 à 142). L’objectif d’écriture au départ était celui d’un journaliste totalement raide du soir au matin parti à Las Vegas couvrir une course de bagnoles. Son roman « Las Vegas Parano » qu’il en tire fut adapté au cinoche par Monsieur Terry Gilliam en 1998. Avec Johnny Deep dans le rôle-titre qui par amitié pour le personnage le soutiendra toujours.

 

Puis dans les années 2000, il traina sa carcasse en tube digestif. Sa journée consistait juste à attendre, manger, dormir rythmée au tak tak tak de sa machine à écrire…

 

Pour entrer en osmose avec Thompson, certaines de ces fameuses citations sont marquées de son empreinte philosophique pour comprendre toutes les facettes complexes du sacré bonhomme. J’en ai choisi quelques-unes.

« Ma vie est sans aucun doute plus agréable depuis que j’ai arrêté de la prendre au sérieux  ». (publié en France dans Gonzo Highway en 2005)

« Les Hell’s Angels se conrefoutent de la sacro-sainte et rassurante loi du talion. A qui leur poche un œil, ils en crèvent deux : à qui leur pète une dent, ils démantibulent toute la mâchoire ». (in Hell’s Angels, 1966)

 « La vie ne doit pas être un, voyage en aller simple vers la tombe, avec l’intention d’arriver en toute sécurité dans un joli corps bien conservé, mais plutôt une embardée dans les chemins de traverse, dans un nuage de fumée, de laquelle on ressort usé, épuisé, en proclamant bien fort : quelle virée ! » (publié en France dans Gonzo Highway en 2005)

« Je n’ai plus de goût pour la pauvreté que pour le fait de travailler honnêtement. Ecrire est donc mon seul recours ». (publié en France dans Gonzo Highway en 2005)

« Je déteste me faire l’avocat des drogues, de l’alcool, de la violence ou de la folie, mais en ce qui me concerne, ça m’a toujours réussi ». (publié en France dans Gonzo Highway en 2005)

La vie de Thompson, ce ne fut pas la vie en rose, comme vous l’aurez compris. D’où aussi le choix des auteurs de sa biographie graphique d’user du noir et blanc pour nous la raconter avec brio.

Le récit est haletant, gambade d’une case à l’autre, les bulles s’échappent de la bouche de Thompson pour prendre le pouls des situations et donner des coups. Rien n’est gratuit. Le journaliste rattrape toujours au passage l’écrivain à la verve fournie et trempée dans l’acide. Pas facile de rendre cet état d’esprit entre les pages de ce livre et partager les substances qui lui défrisaient le ciboulot.

Pari très réussi de la part de Will Bingley aux textes qui connait parfaitement son sujet et pour Anthony Hope-Smith qui s’est glissé dans la peau de Thompson dans ses graphismes proches de l’animation.

Un pur régal que cette œuvre et un bel hommage à Hunter S. Thompson. A lire ou découvrir dans toute sa splendeur d’un journaliste écrivain sans concession à l’invention de l’écriture qui tapait toujours dans le mille et écornait le rêve américain par la révélation de ses réalités.

Merci encore une fois à Nada et à la liberté de cet éditeur qui sort encore une fois hors des sentiers battus pour notre plus grand plaisir combatif.

Gonzo une biographie graphique de Hunter S.Thompson de Will Bingley et Anthony Hope-Smith, 186 pages, noir et Blanc, Nada éditions, 2017, 18 euros.

 

Nada éditions : http://www.nada-editions.fr/?product=gonzo



5 réactions


  • La mouche du coche La mouche du coche 4 mars 2017 15:32

    Art dégénéré créé par des gens ayant une tare mentale.


    • La mouche du coche La mouche du coche 4 mars 2017 18:28

      Je précise mon commentaire. 

      Artiste dépravé soumis à la propagande de l’empire américain, et dont la moralité est l’alcool, la violence, la droque et l’obscénité. Un artiste officiel quoi !

  • la Singette la Singette 4 mars 2017 16:38

    Pesez votre mot !!!

    « L’art dégénéré » était  une conception nazie de l’art qui n’entrait pas dans le carcan du régime. Une exposition de tous les artistes dits « dégénérés » eu lieu dans tout le pays.

    Mais au lieu de l’effet escompté de raillerie, le public se rua à cette exposition admirer les grands artistes expressionnistes et leurs confrères et en prirent plein d’extase dans les mirettes.

    Libre à vous de ne pas apprécier l’œuvre de Thomson, mais retirez votre qualificatif infamant à son égard et par respect pour son œuvre.

    Quant à la tare mentale, elle vous incombe de porter votre fardeau bien lourd.

    Je me refuse de dialoguer avec un fanatique inculte et aux œillères bien développées, du fait, de son manque d’esprit critique en berne.

    J’attends votre première contribution à Agoravox, par un article en bonne et due forme, histoire de voir la mouche du coche qui vous a piqué de son dard venimeux et haineux dans la médiocrité affichée.


  • Kanok Kanok 6 mars 2017 16:38

    Surement l’un de mes auteurs préférés, autant pour son humour corrosif que pour ses aventures dans les bas fonds de l’amérique. 

    Journaliste sportif et politique, il est le précurseur du style Gonzo où l’art de mettre en fiction les déboires d’évenements réels. 
    Pour aller plus loin, je vous invite à lire Gonzo High Way, recceuil de missives bien senties contre les administrations US et qui nous en apprenent également plus sur la vie du personnage via ses échanges et ses articles parus dans des revues comme Weekly et Natures.
    A lire également, Rhum Express qui raconte une période de sa vie à Porto Rico
    La Grande chasse au requin, Acid Test de Tom Wolfe ou encore à voir le film « Where the buffalos roam » avec Bill Murray sur la campagne de 72 de Nixon et où il incarne Hunter.

    Et pour ceux qui s’intéresse à la BD, lisez « Transmetropolitan » ! La ressemblance avec les traits de Hunter et l’esprit du comic fait penser que Warren Elis s’est largement inspiré de sa vie smiley



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