jeudi 7 juin 2018 - par

Boudard et Céline c’est kiffe kiffe

J'aime particulièrement le film "la métamorphose des cloportes", scénarisé et dialogué par Audiard, réalisé par Pierre Granier-Deferre, la vérité de ses décors parisiens, la noirceur de l'histoire et des personnages et puis bien sûr la fin. On a quand même rarement entendu manière plus sensuelle de traiter quelqu'un de "Dupont-Lajoie". L'autre avantage du long métrage est qu'Audiard n'y "audiardise" pas trop, fait moins dans le bon mot qu'à l'habitude ou dans le truand farcesque.

 

Audiard est devenu une statue du commandeur du cinéma français. Certes une statue qui se marre avec la casquette vissé sur le crâne mais pas le droit de dire ce que l'on pense de cézigue dans certains films où il aurait mieux fait de s'abstenir, pas le droit de remarquer que parfois il se laissait aller à ses facilités dans la jactance. Il le reconnaissait d'ailleurs souvent lui-même, lui qui était amoureux de la littérature. Il est vrai qu'un ratage du "petit cycliste" vaut plusieurs comédies française actuelles.

 

Faut reconnaître, faut avouer...

 

Je n'avais pas lu le livre qui inspire le film. Il s'avère plus cru, fort différent et tout aussi intéressant bien que comme d'habitude chez Boudard celle-ci n'a pas beaucoup d'importance. C'est surtout l'atmosphère qui compte, le milieu de minables que ce pauvre Alphonse fréquentait lui qui était perceur de coffiots et "tubard" au dernier degré. Ce qui ennuie un peu chez Boudard est son goût pour la digression et parler d'autre chose en oubliant le récit en route. il a un côté dilettante sympathique, au bout d'un moment ça lasse. On ne lui en veut pas mais ça peut agacer aussi, comme le type mettant trop de temps à raconter une anecdote tout en se marrant entre deux de ce qu'il tchatche.

 

On comprend pourquoi le film a omis plusieurs éléments du livre, dont le surnom du receleur, "Youpe le fourgue", plusieurs procès à la LICRA pour l'auteur ou la description par le menu des fantasmes d'Alphonse, du genre à effaroucher même un Harvey Weinstein. Boudard cependant connaît bien les truands, parfois d'anciens résistants comme lui ou "soldats perdus" infoutus de revenir à la vie civile. On les comprend, elle est ennuyeuse la vie civile, rêver de PEL, de droits à la retraite, de Reuteuteu et de départ anticipé c'est pas franchement folichon. Les "hommes" ont envie d'aspirations un peu moins étriquées, et minables.

 

Peu importe que ça se paie en "mitard" ou année de cage peu après, de misère noire, mieux vaut ça que de faire comme les "caves" et survivre en s'emmerdant comme un rat mort...

 

Si Boudard parle l'argot aussi bien qu'Audiard, conscient aussi que les truands n'étaient pas doués à ce point là pour la belle formule, par moments on croirait lire du Céline avec des descriptions cauchemardesques de minables se rêvant grands personnages, de la crudité brillante, du désespoir émotif quant à la nature humaine. Boudard n'est pas dupe, ces cloportes sont des pourris, pas de figures de bonne blague ou de cartes postales de bord de mer. Et c'est toute l'espèce qui semble l'être à ses yeux...

 

Et Alphonse me paraît avoir cette émotivité du verbe et du sentiment que l'on trouve chez Louis-Ferdinand, cette sensibilité que tous les amateurs du verbe et du mot juste possèdent. Ils le cachent bien, un "homme" ça ne ressent rien...

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury - Grandgil

 

Couverture empruntée ici




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