vendredi 10 juin 2011 - par Theothea.com

Cannes 2011 : Palme d’ Or spéculatif

« Un jour, nous ne verrons des films de cinéma qu’à Cannes » prophétisait le producteur Daniel Toscan du Plantier. 

Sans doute la diffusion à domicile par supports numériques pourrait-elle nous rapprocher rapidement de cette échéance ultime.

A contrario, il faut dire que les salles Debussy et Théâtre Lumière dans le nouveau Palais sont des espaces rêvés pour assister aux projections du Septième Art.

En outre, il est indéniable que le cocon conceptuel de cette prestigieuse manifestation favorise la cure à dose intensive à laquelle d’aucuns festivaliers se soumettent volontairement durant une dizaine de jours, en mai.

Précédés par les clips de la Sélection officielle, ceux d’ "Un certain Regard", de "La Quinzaine des Réalisateurs" ou de "La Semaine de la critique", les films visionnés sont, ainsi, estampillés de labels à haute qualité ajoutée, permettant aux accrédités de toutes provenances de se laisser emporter, en toute confiance, par ce tourbillon culturel annuel où l’état du monde donne rendez-vous à ceux qui souhaitent en prendre le poult des valeurs et contre-valeurs créatives.

Les divers Palmarès, y compris le plus prestigieux se parant d’une Palme d’or, viendraient ensuite authentifier cette démarche réflexive et analytique d’où pourrait rayonner la bonne parole cannoise jusqu’aux confins terrestres des salles obscures.

Ainsi pourvue d’une forte puissance cinéphilique, l’image médiatique du Festival de Cannes a muté, depuis ses origines en 1946, des révélations du cinéma d’auteur à son rôle, désormais, de phare mondialisé, contribuant aux repères socioculturels d’une société humaine métissée d’interrogations récurrentes.

Comme, par ailleurs, la spécificité d’un Jury renouvelé à chaque édition oblige à reconsidérer sans cesse le meilleur équilibre dans sa représentativité, il est indéniable que chacune des présidences se sente investie d’une forte responsabilité éthique et artistique, sous le regard observateur et critique de tous.

Ainsi, il est cohérent que la chasse annuelle à l’élu de prédilection se fasse dans la recherche de clefs permettant d’éclairer les mystères du monde, dans ses origines, son développement et ses hypothèses d’avenir.

Aussi, en se référant à ce statut expérimental que s’est forgé, au fil du temps, le Festival International du film de Cannes, comment imaginer qu’en 2011, la Palme d’or ait pu échapper à « The Tree of Life » de Terence Malick, puisque tout un chacun sur la planète, quel que soit le prisme de son entendement, pourrait y trouver matière à admirer et à spéculer.

Telle une auberge espagnole, tous y trouveront la substance de leur contentement en s’octroyant carte blanche à toutes les interprétations contradictoires des motivations esthétiques de l’homme qui aurait créé Dieu à son image anthropomorphique.

En l’occurrence, ce serait la complexité à plusieurs niveaux métaphoriques qui se dresserait en juge de paix suprême réunissant, ainsi, le consensus autour d’une œuvre censée attribuer un passeport universel à la sublimation morale du contingent.

Cependant, comme il se doit après chaque délibération, d’autres options subjectives consacrant la plus justifiée des Palmes d’or subsisteraient dans l’inconscient collectif, sans qu’il soit possible à quiconque d’en prouver une légitime conviction.

Aussi peut-être, le choix des futurs jurys pourrait être facilité si leurs membres se donnaient l’obligation d’écarter de leur sélection tous les films faisant l’objet d’au moins, un vote négatif parmi eux.

Paradoxalement, cette procédure éliminatoire radicale pourrait faire remonter sous le faisceau des projecteurs l’œuvre qui inspirerait, sans conteste, une admiration fédératrice.

Dans cette perspective, est-ce que le thriller socio-philosophique et rigoureusement dialectique « Bir Zamanlar Anadoluda » de Nuri Bilge Ceylan ayant obtenu, sous la présidence de Robert de Niro, le grand prix du jury 2011 ex-æquo, n’aurait-il pas, selon cette exigence décisive, réussi à parvenir jusqu’à la marche suprême, dans un élan d'excellence œcuménique ?

 

Palme couleur Bebel

photos Festival de Cannes 2011 © Theothea.com

 
 



1 réactions


Réagir