mardi 26 novembre 2019 - par C’est Nabum

Chamerolles

L’affaire est dans le Lac mon bon Lancelot

 

Quand Bertrand Dulac, seigneur de Bazoches-les-Gallerandes acquiert en 1440 la seigneurie de Chamerolles dont la superficie représente plusieurs milliers d’hectares, il est loin d’imaginer qu’il va entrer dans l’histoire par le truchement de la littérature. Son fils Jean épouse Isabeau de Salezard, fille d’un capitaine de Charles VII puis de Louis XI qui par mégarde passe à côté de la grande aventure de Jeanne d’Arc. C’est faire preuve d’un manque cruel d’opportunisme quand on vit à quelques kilomètres d’Orléans.

Fort heureusement, si le capitaine ne brille pas par son sens politique, il se rattrape en vivant par procuration les exploits des chevaliers d’antan. Il est fasciné littéralement par la lecture du roman chevaleresque de Chrétien de Troyes, « La quête du Graal » au point que, grisé par les exploits épiques des héros, il donne le nom de Lancelot du Lac à son rejeton.

Le jeune Lancelot se dit qu’il convient de redorer le blason de sa famille. En 1494, l’adolescent fortement marqué lui aussi par l’esprit romanesque se lance à la suite du Duc d’Orléans, le futur Père du Peuple : Louis XII dans les campagnes d’Italie. La promiscuité du champ de bataille établit un lien d’amitié entre le Duc et son compagnon.

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Quatre ans plus tard, l’accès au trône de Louis XII ouvre de belles perspectives à notre Lancelot de pacotille. Il se retrouve promu par le fait du Prince, Gouverneur d’Auxerre et Échanson du roi. Deux postes qui permettent aisément de transformer la ferme fortifiée en aimable demeure avec douves et confort aux normes de l’époque.

Quand on se prénomme Lancelot du Lac, les douves sont un élément indispensable à la poursuite des rêves. Quand il est dans sa demeure, le gentilhomme se met à rêver que Viviane vit ici dans les profondeurs de l’eau. De là à s’imaginer gagner Avalon et le monde des fées, il n’y a qu’un pas qui se réalisera avant qu’il ne fut élevé en 1504 au titre de Gouverneur d’Orléans et Chambellan du roi, son protecteur.

François Premier succède en 1515 au défunt Louis et rentre immédiatement dans la postérité avec son succès aisément reconnaissable de Marignan en Italie. Lancelot du Lac a dû lui servir de guide, connaissant bien la région. Il demeure Chambelan au titre de ses loyaux services et obtient en prime le tire de Bailli d’Orléans. Il succède ainsi à Guillaume de Montmorency.

Veuf, notre ami Lancelot embrasse Louise, sœur de Gaspard de Coligny qu’il épouse en seconde noce. François premier, bon prince, rend visite par deux fois à son vassal en faisant étape dans son domaine de Chamerolles, étape fort agréable pour se rendre de Fontainebleau à Chambord. C’est sans doute en 1530 ou en 1532 que naîtra la légende des loges et de la Salamandre.

Lancelot et Louise ont un fils : Claude qui à la mort en 1536 de son père reste dans les petits papiers du roi. Il est élevé au grade de gouverneur d’Orléans poste qu’il conservera jusqu’en 1622. Son fils, Lancelot II vient interrompre la belle série en embrassant la religion protestante tout en suivant son cousin Gaspard de Coligny dans ses aventures belliqueuses ce qui n’est pas du tout du goût de Henri III qui confie la garde du Château au Sieur de Dampierre avec ordre de la mettre sous bonne garde avec cinquante soldats.

Lancelot II avait auparavant transformé la chapelle en temple, un crime impardonnable pour le très catholique roi de France. La demeure reviendra dans l’escarcelle familiale puisque le bon Claude a eu l’honneur de servir Henry de Navarre qui le restitua dans ses privilèges quand il obtint la couronne.

Le petit fils de Claude, bien des années plus tard laisse en héritage à sa sœur le château de Chamerolles. Cette dernière en 1672 vend la propriété à Jacques-François de Johanne de la Carre, Marquis de Saumery mettant ainsi un terme à la présence dans la famille du Lac 235 ans plus tard. La demeure changera de mains pour tomber dans celles de Claude-Guillaume Lambert, contrôleur des finances de Louis XVI qui profite de son statut pour y faire quelques menus travaux. L’homme s’il est un gestionnaire avisé ne voit pas venir une Révolution qui lui fera perdre son domaine tout autant que la tête en 1794.

Chamerolles rentre alors dans les domaines de l’État. Rendu aux descendants du malheureux Claude-Guillaume avec le retour de la monarchie. Devenu monument historique en 1927 sous l’impulsion de son propriétaire de l’époque : Gaston Jessé-Curély, le château de plus en plus en mauvais état sera acheté en 1987 à la ville de Paris qui en fut un temps un propriétaire quelque peu négligent.

Depuis des travaux ont été menés par le Loiret pour en faire une magnifique demeure de prestige qui célèbre les parfums et la culture locale. Un superbe Parc paysager entoure le château qui a reçu une ancienne halle agricole qui implanté en ce lieu est devenue un espace de spectacle et d’exposition temporaire.

Désormais, avec la venue du Bonimenteur pour animer un banquet en ce lieu, le Château de Chamerolles retrouve la magie des légendes de la table ronde. Lancelot sortira des douves et la fête pourra commencer autour d’un succulent fondant de Pithiviers pourvu que dans le Graal on y verse assez de vins de Loire pour délier les langues et l’imagination.

Historiquement vôtre.

 



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