samedi 6 août 2022 - par Orélien Péréol

Clara Malraux, la rebelle

Clara Malraux la rebelle, de Betty Hania avec Bérengère Dautun et Nathalie Savalli ; mis en scène Norbert Mouyal et lumières de Jean-Jacques Ezrati.

Vu à Avignon Bientôt à Paris, en tournée...

Betty Hania a voulu faire découvrir Clara Malraux, personnage oublié, sa vie, sa personnalité. Elle fut écrivaine, journaliste, traductrice, première traductrice de Virginia Woolf en France.

On la voit dans plusieurs discussions avec sa fille Florence, également fille d’André, qui forment comme une sorte de psychanalyse : d’où vient que nous sommes qui nous sommes ? A quoi cela tient-il ? Le texte est doux, comme les comédiennes, revisitant nombre de moments heureux, pénibles, furieux, aventureux, militants, idéalistes, courageux… Elles parlent toujours, même de loin, d’André Malraux, il est là présent… elles ont leurs vies, deux vies d’artistes, autonomes et dans la même famille que le père et ex époux.

Clara est juive, d’une famille riche et cultivée d’Auteuil. Elle accompagne André Malraux, encore inconnu, au Cambodge, dans une affaire bizarre de vols de statues. Clara le défendra dans cette idée saugrenue qui a tourné au fiasco.

Dans la débâcle de 1940, Clara s’est retrouvée sur les routes avec sa fille, son nom de Malraux les a épargnées des persécutions qui visent les juifs, mais elles vécurent des moments très difficiles. Clara Malraux, devenue résistante, a sauvé toute sorte de gens, elle a porté des messages, des armes, elle a utilisé parfois le panier à gouter de sa fille pour cela… Clara Malraux tout au long de sa vie, fut intrépide, prit des risques et ne se soumit pas, surtout pas à l’occupation par les Allemands nazis.

La relation est tenue et développée au fil de plusieurs rencontres entre la mère et la fille, qui sont comme des scènes, dévoilant les portraits croisés de Clara, André l’absent, et Florence. Avec le poids de sa notoriété, de sa stature de « grand homme », comment rester soi, tenir sa route, sa vie, ses convictions, quand on est dans l’environnement de cette légende vivante ? Elles y parviennent, l’une et l’autre, elles le tiennent à distance dans un souci permanent de ne pas se faire happer.

Florence est la compagne d’Alain Resnay, elle est cinéaste, comme lui, avec sa création propre et collabore à nombre de ses films. Même après s’être mariée, elle porte le nom de son père. Elle signe le Manifeste des 121, « déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », André Malraux s’en fâchera et ils ne se verront pas pendant treize ans. Il y a loin des principes à l’exercice du pouvoir et les Gaullistes ont arrêté le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes aux frontières de l’Algérie.

De courts films d’archive sur André Malraux séparent les différentes discussions entre les deux femmes.

Betty Hania a voulu rendre sensible ce personnage indomptable, rendre Clara vivante, présente… ce qui est parfaitement réussi.

Bérengère Dautun est une excellente comédienne qui a joué à la Comédie française de 1964 à 1998, elle s’est identifiée à Clara Malraux d’une façon exceptionnelle. Nathalie Savalli est parfaite dans son rôle de fille confiante, confidente, revisitant le passé avec sa mère. Ces deux grandes comédiennes, mises en scène avec force, élégance et discrétion, portent un texte construit et vigoureux, plein de poésie et de compréhension pour ses personnages hors du commun.




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