mardi 1er septembre 2009 - par Yohan

De Sabah à Ruby, du scopitone au video-clip légèrement vêtu

La musique moyen-orientale n’a cessé de me fasciner depuis l’époque où, adolescent, je fus confronté pour la première fois au monde étonnant des scopitones. Pour l’ado fauché que j’étais alors, ces restos couscous à 5 francs du quartier latin étaient une véritable aubaine.

Nous n’étions pas légion à fréquenter ces lieux de sociabilité (ou de perdition) pour travailleurs immigrés, où des gars fourbus au regard triste, en proie à la nostalgie du bled, venaient s’attabler quelques heures, pour tromper leur solitude à coup de scopitones. sirotant leur thé bouillant avant de regagner une chambre triste dans un foyer de banlieue.

 

D’autres ont connu des situations plus précaires encore. Enfant, il m’arrivait de croiser l’un de ces hommes sortant d’une paillasse jetée sous un buisson sauvage de terrain vague, non loin de la Porte de Bagnolet.

Sur ces scopitones, rien que de la musique libanaise, égyptienne et, le plus souvent, algérienne. Des artistes dont j’ignorais tout, comme la belle Sabah, et des chanteurs comme Salah Sadaoui, Kamel Hamadi ou encore, Dahmane El Harrachi et son fameux Ya rayah, popularisé tardivement par Rachid Taha.

 
 

Je fus à l’époque surpris par le côté vaguement suggestif de ces petits clips qui s’attardaient volontiers sur des danseuses aux tenues vaporeuses et aux ondulations de bassin suggestives. Était-ce seulement un effet de la période libertine ?

En tout cas, nos travailleurs de l’ombre les regardaient à la dérobée, comme gênés de se trouver dans un lieu que les dignitaires du bled réprouveraient sans doute.

En matière de clips sensuels, il semble bien que la tradition se maintienne, malgré le courroux montant des barbus.

Tout comme Sabah, née à Beyrouth en 1927, dans un petit village pauvre, Ruby "la moderne" semble issue du même tonneau, à la fois actrice de cinéma et chanteuse à la plastique parfaite et à la réputation plus ou moins sulfureuse, une filiation presque naturelle.

Comme jadis, les garçons rêvent secrètement de leur tenir compagnie - et les jeunes filles voudraient leur ressembler - mais il y en a toujours un pour stigmatiser et vouloir interdire.

Si Sabah (de son vrai nom Janet Gergi Fighali) est libanaise, Ruby elle est Egyptienne. Bien que deux générations les séparent, elles continuent d’incarner l’orient moderne, libre, insouciant et un brin scandaleux.

Dans le monde arabe en proie à la tentation du fondamentalisme, certains, comme les Frères musulmans, tentent de faire interdire la "scandaleuse Ruby", sans succès pour l’heure.

En tout cas, inconscience ou courage, ce petit bout de femme qui fait danser la jeunesse des quartiers huppés du Caire à Beyrouth parvient quand même à trouver quelques défenseurs parmi les religieux les plus fervents.

Et pour cause, cette Ruby paraît somme toute assez empruntée dans un registre que les tigresses délurées qui s’affichent au côté des rappeurs bling bling de Chicago savent parfaitement maîtriser.

Quoi qu’il en soit, ici comme ailleurs, la machine à vendre du rêve continue bel et bien de fonctionner.....

 


31 réactions


  • Georges Yang 1er septembre 2009 17:52

    L’érotisme qui ressort des clips de chansons arabes n’est pas récent, comme vous le faites remarquer. Mais ce serait réducteur que de ne voir que cet aspect de la musique. Déjà dans les années 80, Sabah la blonde décolorée faisait scandale au Moyen Orient, pour ses propos, ses chansons, son attitude et sa vie privée assez mouvementée. A l’opposé, Fairouz, faisait figure d’icône sage de la chanson libanaise.

    Ruby, elle aussi défraya bien plus tard la chronique musicale et malgré les protestations des fondamentalistes, elle fut adulée tant pour ses chansons que ses tenues légères et ses photos dont on tira des posters.

    Il ressort de toutes ces artistes égyptiennes et libanaises un érotisme qui vient des danseuses du ventre, dont certaines sont aussi célèbres que des joueurs de foot.

    Sans oublier Les Latinas orientales, Shakira, et bien qu’elle ne chante pas, Salma Hayek qui sont aussi des icônes de toute une population jeune et moins jeune en Orient.

    L’Orient et les Arabes, c’est aussi autre chose que l’austérité de la religion, et c’est rassurant.

     


  • snoopy86 1er septembre 2009 18:51

    Bonjour Yohan..

    Surprenant qu’aucun barbu ne soit encore venu sur ce fil stigmatiser ces devergondées...

    Il y a presque 35 ans, un coup de folie, quelques mois à Beyrouth à un moment assez chaud......Mais quelle récompense que les orientales libérées.

    J’y ai gardé quelques relations qui 30 ans aprés accueillirent mon fils. Il y a passé quinze jours cet été. La fête continue. le grand blond plait encore....

    http://www.baronbaron.com/liban/beyrouth-city-guide.html



     


    • Nobody knows me Nobody knows me 2 septembre 2009 12:29

      Surprenant qu’aucun barbu ne soit encore venu sur ce fil stigmatiser ces devergondées...

      Splotch ! Ben vous êtes là maintenant... Les éventuels barbus prêchant le bon comportement des femmes sur Agoravox sont en fait dans votre tête.

      Merci pour l’article. Je suis un total néophyte mais ça donne envie de s’y intéresser.


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 1er septembre 2009 19:52

    Merci Yohan ,

    Cet article me fait rappeler un des plus beaux jours de ma vie , c ’était quand j’ ai rencontré une petite orientale cheveux noirs de chez noirscheveux et des yeux verts allumant son visage magnifique . Ca m’ a changé de madame Ginette .


  • Yohan Yohan 1er septembre 2009 21:23

    Salut Captain
    Attention aux Ginettes, en général elles ne lâchent rien  ? Vous les passez par la porte, elles reviennent par la fenêtre


  • Gül 1er septembre 2009 22:19

    Bonsoir Yohan ! :)

    Tout d’abord, je suis ravie de te retrouver sur le site, ça faisait longtemps !

    Ensuite, merci pour ce court billet qui fait office d’hommage à quelques figures féminines orientales.

    Si dans ces contrées la pratique du chant et de la danse orientale sont souvent vus comme n’étant pas pour les jeunes filles (femmes) de « bonne famille », il n’empêche que personne ne peut s’en passer. Cela fait partie du divertissement, au moins hebdomadaire, et on ne saurait faire sans !

    Que les talibans restent donc à leur place, leur emprise débilitante et dangereuse n’est autre que le cercueil des joies humaines et naturelles...

    Je t’invite à te pencher sur la chanson populaire turque, tu devrais retrouver beaucoup de similitudes avec ces souvenirs de jeunesse ! Et les filles sont magnifiquement belles !

    Je t’embrasse.

    Amicalement


  • ASINUS 1er septembre 2009 22:57

    yo yohan , moins moderne j en suis resté a mes premiers amours

    al atlal oum kalsoum


    yep


  • Yohan Yohan 2 septembre 2009 01:16

    Bonsoir, Gul, Asinus. Salut à tous et toutes. Bonne rentrée et content de vous retrouver...


  • Gazi BORAT 2 septembre 2009 09:36

    @ YOHAN

    Merci pour cette évocation de ce magique objet que fut le scopitone et ces non moins magiques clips orientaux.

    Le dernier que j’ai vu fonctionner en France : c’était à Lyon, en 1991, dans un café de la rue Sébastien Gryphe, le « Café des Artistes ».

    Farid El Atrache dans « Cendriollon », des chanteurs algériens des années soixante et.. perdu au milieu (quoique : il venait d’Alexandrie) Claude François dans « Belles comme le jour ».

    Dix ans plus tard, il avait disparu.

    A la place, une serveuse marocaine, grande dame très sexy, avec un air d’institutrice comme Chebba Zaouhania en sa jeunesse.

    Un après midi, elle glisse une cassette d’Um Kalthoum dans son lecteur à diodes clignotantes.. et se met à chanter « Enta Oumri », couvrant la diva égyptienne

    Le public : quelques vieux messieurs mélomanes qui se mirent à l’écouter « religieusement ». Un très grand moment..

    J’y suis retourné quelques mois plus tard : une serveuse yougoslave.. et qui n’avait pas pris la relève comme animatrice musicale, dommage..

    @ ASINUS

    Pour moi : Ana fi antzarak :

    http://www.youtube.com/watch?v=UO69f-hNVzc&feature=related

    Dont la partie instrumentale a largement été utilisée par nombre de danseuses orientales..

    gAZi bORAt


    • ASINUS 2 septembre 2009 15:37

      @gazi
      réécouté Ana fi antzarak « merci pour le lien » la partie instrumentale est de premiere, mais je reste sur Al Atlal peut etre parce que c est une des rares dont le texte est traduit « tradutore traditore » je sais mais je le trouve si deseperement defintif et chanté par cette
      amoureuse « plus vraiment belle et jeune » mais avec cette voix , je ne doute pas que le lieu " liban la situation et ma jeunesse d alors magnifie le souvenir en fait quand je l entend desormais j entend le son de mars 76 le haut parleur ne crachotte pas la nuit descend il fait doux et Oum Khalsoum chante ......


    • Gazi BORAT 2 septembre 2009 16:25

      @ ASINUS

      Durant plusieurs mois, j’ai travaillé avec une libanaise et, tous les soirs, nous rentrions ensemble dans la même voiture.

      Professeure de Français, elle avait décidé de m’apprendre l’arabe en écoutant les paroles d’Oum Kalsoum à laquelle elle vouait un véritable culte.

      Le docteur Sami Ali, psychanalyste égyptien, a écrit un ouvrage passionnant dans les années soixante. Il s’agit d’un essai d’anthropologie :

      « Le haschisch en Egypte »

      Il écrit que la consommation de stupéfiants faisait un bond en Egypte un jeudi soir par mois, celui où Oum Kalsoum jouait à la radio son dernier morceau. Les gens se réunnissaient chez eux, entre amis, pour écouter et commenter et, semble-t-il, appréciaient plus encore avec l’aide de produits psychotropes.

      gAZi bORAt


  • Fergus Fergus 2 septembre 2009 11:01

    Bonjour, Yohan.

    Superbes, ces musiques. Cela dit, comme Asinus, j’ai toujours eu un faible pour Oum Kalsoum. Mais aussi pour le... Culture Musical Club de Zanzibar, beaucoup moins connu.

    Bonne journée.


  • Franc tireur 2 septembre 2009 11:10

    Attention Georges Houcine va débarquer et vous menacer de « payer cher » vos propos lol


  • Gazi BORAT 2 septembre 2009 11:22

    @ yohan

    Merci aussi d’avoir évoqué ces lieux aujourd’hui disparus de nos grandes villes : les cafés accueillant les immigrés célibataires d’avant le regroupement familial.

    Pour ma part, habitant autrefois à Pigalle, je n’avais qu’à remonter la pente, traverser le boulevard^pour aller à Barbès dans un de ces restaurants dont je n’ai jamais retrouvé l’équivalent en termes de modicités des prix (mis à part la « casa Miguel, mais ceci est une autre histoire).

    Ce restaurant ne servait que des repas.

    Par contre, des cafés à destination de la même clientèle, j’ai le souvenir d’être allé m’approvisionner en haschish d’excellente qualité, chez un vieux marocain plus sérieux que les dealers »babs cools« auprès desquels mes amis de l’époque se servaient.

    Le vieux monsieur, qui se considérait comme professionnel dans son métier était toujours très à cheval sur la qualité de ce qu’il commercialisait et je n’ai jamais été déçu.

    Autour de nous, cela tenait, surtout le soir, de l’assommoir pour prolétaires..

    Dans une autre catégorie d’établissements, le »cabaret oriental« tel les »Milles et une nuits« de Marseille, juste en bas de St Charles.

    La boisson de prédilection n’y était plus le thé à la menthe servi bouillant mais le whisky-coca.. et l’ambiance nettement crapuleuse : chanteurs et chanteuses de raï, danseuses et gazelles oxygénées dans la salle.

    J’y ai écouté un soir Cheb Abdelhaqq

    http://www.youtube.com/watch?v=UBJzaGXxwaE&hl=fr

    A noter sur cette video, le morceau interprété »Yalla bin yalla..« , classique d’origine libanaise... J’en ai entendu une version, religieuse, par un ensemble soufi de Sarajevo et les paroles n’étaient plus de la même légéreté mais phonétiquement s’en rapprochaient »Ya Ghassoul Allah, Ya Habib Allah...."

    Qui a inspiré qui ?

    gAZi bORAt


    • Yohan Yohan 2 septembre 2009 11:47

      Bonjour Gazi
      C’est vrai pour ces établissements du 18ème qui étaient nettement moins « accueillants » au tout venant pour les raisons que tu décris. Sur le dernier où je suis passé (plutôt vers la fin des années 70, vers Belleville), les scopitones étaient devenus has been et ils avaient cédé la place aux juke box, flippers ultra bruyants et le couscous était je crois moins bon. ....


    • masuyer masuyer 2 septembre 2009 12:19

      Salut Gazi, comment va ?

      Merci aussi d’avoir évoqué ces lieux aujourd’hui disparus de nos grandes villes : les cafés accueillant les immigrés célibataires d’avant le regroupement familial.

      Ils ont été remplacé par des « échoppes à Kebab » qui sont pour certaines aux lieux que tu évoquent, ce que le fast-food est aux brasseries des Halles et accueillent les enfants des immigrés d’après le regroupement familial.


    • Gazi BORAT 2 septembre 2009 15:55

      @ MASUYER

      Bonjour,

      oui tu as raison, les kebabs remplissent cette fonction pour la génération suivante.

      Dans la petite ville où je travaille (qui n’est pas celle où je vis), je prend mon café dans un bistrot turc qui fait office du bureau d’embauche pour les ouvriers du batiment. C’est le premier à ouvrir.

      Extremement convival :le patron vient serrer la main à tous les arrivants, les clients font le service et les prix sont curieux : de la première fois où l’on vient et après quelques jours de présence aux mêmes heures tous les jours, les prix baissent jusqu’à atteindre le tarif « habitué ».

      Une manière de fidéliser la clientèle..

      Une autre évolution : les PMU. Dans le département du Rhône, près de 70% sont maintenant tenus par des Asiatiques, en majorité cambodgiens. Monsieur au service, Madame à la caisse et parfois, une très jolie serveuse.

      Ces cafés sont les derniers survivants du bistrot populaire traditionnel et n’ont pas cédé à la transformation de beaucoups en fast food à prétention pour employés du tertiaire. Du bruit, des poivrots et une chaleur communicative.. Sauf qu’il y a maintenant un bouddha sur une étagère derrière le comptoir..

      gAZi bORAt


  • ASINUS 2 septembre 2009 11:33

    @gazi borat lu dans un livre traitant de mon perse préféré « khayyam » une disgression
    sur les passerelles entre chants soufi et la variété 50/60 du makreb il faut que je fouille
    ma cantine pour retrouver le bouquin , sinon déja evoqué avec vous l audience multiconfessionnelle de khalsoum et autre au liban israel syrie ect...


  • masuyer masuyer 2 septembre 2009 11:39

    Bonjour à tous et merci à Yohan pour ses articles musicaux qui évoquent toujours « la musique que j’aime » comme dirait notre exilé fiscal national (est-il sur la liste des 3000 ?)

    Le scopitone est aujourd’hui remplacé dans les échoppes par des chaines satellitaires musicales, qui diffusent des chanteuses façon Shakira d’orient ou des Balkans. Les grands orchestres de cordes qui accompagnaient les chanteurs/ses acteurs/rices égyptiens sont remplacés par des boites à rythmes et des samples orientalisants pas toujours de « bon goût » mais parfaitement assumés, d’un érotisme assez kitsh à nos yeux.


  • Yohan Yohan 2 septembre 2009 11:55

    Bonjour Mazuyer et merci.
    C’est vrai qu’ils abusent de la boite à rythme. Pour faire oriental, ils cisaillent les sons jusqu’à la nausée. Rien ne vaut les orchestres à corde, mais je suppose que comme chez nous, la rentabilité est de rigueur. 


    • masuyer masuyer 2 septembre 2009 11:59

      De rien, dans les autres abus (mais qui a son charme à mon avis), la reverb sur les voix.


    • Gazi BORAT 2 septembre 2009 15:57

      Le responsable de cette dérive, c’est le concepteur du synthétiseur modèle « arabic » (sic).

      Faudrait-il convoquer un tribunal international pour lui faire payer ses méfaits ?

      Je pense lancer en ce sens une pétition sur Facbook..

      gAZi bORAt


    • Yohan Yohan 2 septembre 2009 17:38

      En fait C’est de la reverb dont je voulais parler, perso j’aime pas trop


  • dom y loulou dom 2 septembre 2009 12:59

    vous n’avez donc toujours pas compris que les « barbus » sont financés par wall street et sont leur second bras armé pour vous maintenir dan les mirages de la « nécessité impérieuse de s’entretuer » ? Gog et Magog vous avez donc tout oublié des révélations qui vous ont été faites ? Vous préférez les merdias aux paillettes luisantes et sucrées qui vous « scotchent » aux illusions comme des mouches aux spirales gluantes ?

    Vous remarquerez qu’elles sont toujours descendantes.


    vous n’avez jamais voulu voir ce qui vient vous boucler irrémédiabement maintenant... et vous niez encore. Dramatique.


  • sisyphe sisyphe 2 septembre 2009 13:27

    Merci pour ce sensuel rappel des musiques, chanteuses et danseuses orientales (et pour la version originale de Yah Rayah : superbe).

    Pour les orchestres à corde, il est vrai, piteusement remplacés par les boites à rythme, il est encore possible de les apprécier sur place, au Maroc, par exemple, dans certains clubs.

    Ruby n’a plus que très peu à voir avec les voluptueuses chanteuses d’avant, question corps charnel (tribut à la modernité), mais la sensualité est toujours présente.

    Les chaines du câble ont remplacé les scopitones, mais la voix magique d’Oum Kalsoum résonne encore, et les orientales dansent toujours aussi voluptueusement : un régal.


  • ASINUS 2 septembre 2009 21:02

    bonsoir brieli , vous connaissez Maria Farantouri ?


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