mercredi 30 septembre 2009 - par Lapa

Démineurs : tension à son comble

Le simple fait de ne pas essayer d’embrasser toute l’histoire et les événements du conflit et de ne pas chercher à en faire un documentaire fait-il automatiquement d’un film de la propagande ?

Le problème des films qui ont pour contexte une guerre est de ne pas plaire à ceux qui n’autorisent qu’un seul angle d’approche du sujet (souvent la dénonciation) ou voudraient en faire un reportage historique.

Le simple fait de ne pas essayer d’embrasser toute l’histoire et les événements du conflit et de ne pas chercher à en faire un documentaire fait-il automatiquement d’un film de la propagande ?

C’est la question que l’on peut se poser à propos du film Démineurs de Kathryn Bigelow. Certains, n’y voyant aucune dénonciation de la guerre menée là bas, aucune allusion à certains actes de torture relayés par les médias se drapent d’une indignation outragée appelant à la propagande américaine. Il semble difficile cependant de leur donner raison.

Démineurs est avant tout un questionnement. Que la guerre soit moche, terrible et puante, tout le monde le reconnaît. Mais alors pourquoi des hommes continuent d’aller la faire ?

Par patriotisme et sens du devoir diront certains.

Par sadisme afin de buter de l’irakien diront d’autres.

Pour l’argent (en ce qui concerne les organismes privés dont il est un peu question dans l’histoire)

Par addiction propose le film.

La guerre est une drogue et ce film entend nous le montrer. Le contexte de la guerre en Irak est propice, l’angle de vue, depuis une petite équipe de démineurs américains est original et centre directement l’affaire, éludant par la même la très grosse partie du conflit.

A partir de ce postulat de base, nous partageons la vie de trio de jeunes gars dans le bourbier irakien. Le principe étant de nous faire vivre la tension présente sur chaque mission et la prise de risque croissante, comme une dose de dope, pour satisfaire les besoins en adrénaline et oublier tout le reste : sa vie personnelle, l’absurdité de la guerre, l’échec de la politique américaine, le bout du tunnel qui ne viendra jamais, l’enfermement et le repli sur soit, la hiérarchie complètement à la ramasse…etc… Car ces soldats ont perdu leurs illusions sur ce conflit. S’ils étaient venus en Irak pour aider la population, pour libérer le pays, pour participer à la lutte contre le terrorisme, les voilà à seulement aller au danger, chercher de l’adrénaline loin du camp où ils sont isolés pour y revenir le soir. Une routine éprouvante et macabre.

Et ça marche. Pas de recherche à tout prix du spectaculaire, pas de discours moralisateur ou larmoyant à deux ronds, aucun patriotisme : non. Les mecs sont là pour faire leur job, en milieu hostile, comme une véritable armée d’occupation, la peur au ventre, juste en espérant pouvoir un jour rentrer chez eux, pour ceux qui sont pas encore trop dépendants. Le contact avec la population ? Aucun, tout civil pouvant être un ennemi. La parano bat son plein et participe à cette tension. L’incompréhension est totale : le fossé est déjà creusé, la pacification est un échec qu’ils vivent tous les jours.

On oubliera quelques longueurs ou passages malheureux, on retiendra une scène très prenante de combat de snipers et on ressortira après deux heures de tension et d’excitation (à différencier du suspens, peu présent à mon avis) persuadés que la guerre rend fou et dépendant.
 
Nerveux et bien fait.


8 réactions


  • LeGus LeGus 30 septembre 2009 13:48

    C’est très habile, on prends l’aspect le moins immonde de cette expédition coloniale et on le porte en épingle, belle propagande.
    Les gentils démineurs déminent-ils les bombes US largués sur les civils irakiens, non seulement celles qui les visent. En quoi sont-ils différents du blindage des véhicules militaires ?
    Ils sont une armes parmi d’autres de l’arsenal meurtrier US en Irak.
    Ah oui ils déminent les pièges tendus par les terroristes allez-vous sans doute me répondre.
    Et bien non, dans la mesure ou cette guerre lancée sur des mensonges avérés est illégitime, les irakiens qui luttent sont la Résistance, et l’armé US et leurs supplétifs tirent à l’aveugles dans la foules ou sur des véhicules civiles lors de leurs déplacements, bombardent des villes y compris au phosphore blanc, sont eux-même des terroristes et de la pire espèces, ceux disposant de l’appui de la première puissance militaire.


    • Lapa Lapa 30 septembre 2009 16:01

      Bonjour,

      a aucun moment dans le film il n’est question de terroristes. L’équipe désamorce des bombes qui sont placées pour faire mal, non à la population civile mais à l’armée américaine ou aux intérêts « d’occupation » (ONU). Il n’y a pas de discours moral sur « on va sauver la vie des innocents... » ou autre. Ce film est tout simplement amoral. la question du bien et du mal est éludé d’un côté comme de l’autre. Il n’y a aucune scène d’attentat sur la population civile pour faire pleurer margot par ex.. les seules exactions vue sont d’ailleurs celles de la milice privée et d’un officier américain. Bref, l’histoire n’insiste véritabelemtn ni d’un côté ni de l’autre. Car tel n’est pas son propos.


    • LeGus LeGus 30 septembre 2009 18:10

      C’est bien ce que je dit, c’est une représentation hors contexte, et c’est précisément cette manière de présenter les choses qui est l’artifice de propagande. Un peu comme si on représentait le front de l’est uniquement du point de vue des médecins militaires, un peu comme M.A.S.H. mais sans l’anti-militarisme latent, sans humour et du coté allemand.

      De plus cette guerre à été lancée sans l’accord de l’ONU, même si par la suite cette organisme c’est abaissé en entériner la situation de fait.

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Irak#Conflit_diplomatique_.C3.A0_l.27ONU


    • Lapa Lapa 1er octobre 2009 15:56

      En gros un film qui n’a pas votre vision des choses reste de la propagande. Je trouve cela un peu sectaire mais c’est votre droit !


  • Bill Grodé 30 septembre 2009 14:00

    Tiens, revoilà le phosphore BLANC ! Serait-ce une remarque raciste ? Du phosphore noir serait-il plus « politiquement correct » ?


    • LeGus LeGus 30 septembre 2009 14:13

      Pas de diversion svp, il n’y a aucun sous entendus
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Phosphore
      On y explique la couleur et aussi ceci :
      -"Le protocole III de la Convention sur certaines armes classiques (CCWC), entré en vigueur en 1983, interdit les armes incendiaires contre des civils, et même contre des bases militaires situées à l’intérieur d’une concentration de civils .
      L’armée américaine aurait cependant utilisé du
      phosphore blanc lors de l’attaque contre Falloujah, le 8 mars 2004. Cependant, le Département de la Défense des États-Unis se défend de s’être servi de Willie Pete pour des usages incendiaires. Si les États-Unis sont signataires de ce protocole additionnel aux Conventions de Genève, ils n’ont par contre pas signé le protocole III de la convention de 1983 régissant l’usage des armes conventionnelles, dont Willie Pete (le phosphore blanc) peut aussi bien être utilisé comme éclairage que comme arme incendiaire et chimique. Mais, en raison de cette ambigüité, il reste classé dans les armes conventionnelles."

      Admirez l’hypocrisie au passage.


  • Bilok 30 septembre 2009 19:03

    Il n’y a aucune légitimité dans la guerre, mais peut importe, le film n’en parle pas et d’ailleurs s’en fout totalement.

    Pourquoi et bien peut-être parce que le propos se focalise sur l’humain et ses réactions en situation de danger ou de mort imminente. Dans ces conditions, le personnage n’a surement pas le temps de partir dans une grande tirade sur l’atrocité de la guerre.

    Le démineurs n’a plus vraiment de but à part celui de l’excitation qu’il trouve dans son travail, il est totalement déshumanisé et ne discerne plus le bon du mauvais. Il pourrait désamorcer la totalité des bombes du pays que pour autant cela ne changera pas grand-chose, on en revient donc au fait que les causes de cette guerre sont totalement hors-sujet.

    Le but d’après moi est de montrer qu’il ne peut plus se passer de ce petit moment où il risque sa vie pour rien, où il est soit disant important. C’est un esclave de sa dépendance.

    Au final, je ne vois pas ou se situe cette violente propagande américaine, qui par-ailleurs peut apparaitre dans d’autres films, mais pour le coup certain se trompent de cible.


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