samedi 12 janvier 2019 - par Sylvain Rakotoarison

Dernières heures parisiennes pour Egon Schiele

« La ligne détermine la pratique artistique d’Egon Schiele, dessinateur compulsif. Au cours d’une carrière courte mais prolifique, sa ligne évolue continûment et de façon spectaculaire. L’évolution de son trait inimitable ne relève pas seulement d’une démarche stylistique radicale, mais bien de l’expression de l’expérience humaine au travers de la forme. » (Présentation de l’exposition).



Depuis le 3 octobre 2018 a lieu à la Fondation Louis Vuitton la première exposition monographique d’Egon Schiele à Paris depuis un quart de siècle (dirigée par la commissaire générale Suzanne Pagé). Cette exposition ferme ses portes ce lundi 14 janvier 2019 et malgré son grand succès, elle ne sera pas prolongée en raison des conditions de conservation des œuvres.

Plus d’une centaine de ses œuvres y font le bonheur des visiteurs, parfois provenant de collections privées dont des pièces rares qui sont rarement présentées au grand public : « La générosité des uns et des autres est d’autant plus appréciée qu’en cette année d’anniversaire de la mort de Schiele, les institutions viennoises, dont les collections sont parmi les plus riches à cet égard, n’ont pu se départir de leurs œuvres en vue de cette légitime célébration dans son propre pays. » (Suzanne Pagé).

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La Fondation Louis Vuitton est un nouveau musée parisien ouvert au public depuis le 27 octobre 2014, à statut privé sur un domaine public municipal (avec une convention d’occupation de 55 ans à compter du 1er janvier 2007), qui a été construit par l’architecte Frank Gehry, habitant à Los Angeles. Créée à l’initiative de Bernard Arnault en octobre 2006, cette fondation s’inscrit dans le mécénat pour l’art et la culture développé par le groupe LVMH : « un espace nouveau qui ouvre le dialogue avec un large public et offre aux artistes et aux intellectuels une plateforme de débats et de réflexion ». Avec trois missions principales : promouvoir la création actuelle, accompagner les visiteurs dans une mission pédagogique, et ouvrir le dialogue avec les intellectuels, les artistes et tous les publics.

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J’ai déjà évoqué Egon Schiele il y a quelques semaines ici. Génie du dessin, il est mort jeune à l’âge de 28 ans le 31 octobre 1918 de la grippe espagnole. En une dizaine d’années, il a su laisser des milliers de dessins et peintures, parfois particulièrement audacieux et interdits d’exposition, qui révèlent une très grande maîtrise de son art et un style qui lui est propre, très reconnaissable.

Cité dans la notice officielle, le commissaire invité de cette exposition, Dieter Buchhart a ainsi affirmé : « Très rares sont les artistes qui ont abordé la ligne et le dessin avec autant de virtuosité et d’intensité que Schiele. (…) En faisant évoluer la ligne ornementale vers la ligne expressionniste, combinée, modelée en trois dimensions, fragmentées et amputées, il a rendu possible une expérience limite dissonante et divergente de la ligne comme signe de l’existence humaine. ».

L’exposition s’étend sur plus de six cents mètres carré, dans les salles du rez-de-bassin de la très pittoresque Fondation Louis Vuitton, au Bois de Boulogne. Malgré ce grand espace dédié, dans un cadre très intimiste, il est parfois difficile de prendre sereinement le temps du regard avec autant de visiteurs. Quatre parties ont été proposées pour comprendre l’évolution de l’art d’Egon Schiele, suggéré par Dieter Buchhart.

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D’abord, la "ligne ornementale" (1908-1909) qui est très inspirée de son ami Gustav Klimt. Puis, la "ligne expressive" (1910-1911) qui montre ses expérimentations avec la ligne et aussi la couleur, proposant des portraits de femmes et des autoportraits "anguleux et contorsionnés". Ensuite, la "ligne combinée" (1912-1914) qui suggère toute l’angoisse de l’artiste, indissociable de ses quelques jours d’emprisonnement en raison des accusations contre lui pour "atteintes aux mœurs", caractérisée par une tridimensionnalité. Enfin, la "ligne amputée et fragmentée" ou "ligne recomposée" (1915-1918) qui est caractérisée par des formes qui se détachent sur un fond vide, une fragmentation semblable à celle engendrée par la guerre.

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Dans une lettre à son beau-frère, le peintre Anton Peschka, Schiele écrivit : « Depuis que l’horreur sanglante de la guerre a fondu sur nous, beaucoup en sont venus à penser que l’art est bien plus qu’un luxe bourgeois. ».

Certains dessins étaient très audacieux en son temps et le restent encore aujourd’hui. Cependant, il est difficile d’y trouver une charge érotique en ce sens que ces dessins révèlent plutôt un aspect de noirceur de l’âme avec une vision quasi-anatomique, plus qu’une invitation à la licence.

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Le billet d’entrée est assez cher (tarif plein à 16 euros) mais donne le droit non seulement de visiter le bâtiment moderne très original et compliqué à comprendre avec ses nombreuses terrasses permettant de regarder le paysage parisien dans toutes les directions, mais aussi d’entrer au sympathique Jardin d’acclimatation du Bois de Boulogne qui est voisin. La visite de la Fondation Louis Vuitton se conçoit donc comme une journée ou demi-journée de loisirs, même si les derniers jours de cette exposition sur Egon Schiele promettent hélas de ne pas être vraiment ensoleillés ni cléments question météorologique…

Informations pratiques sur la Fondation Louis Vuitton :
www.fondationlouisvuitton.fr/
8 avenue du Mahatma Gandhi au Bois de Boulogne, 75116 Paris.
Dernière heures pour Egon Schiele : de 9 heures à 21 heures le samedi 12 et dimanche 13 et de 11 heures à 20 heures le lundi 14 janvier 2019.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 janvier 2019)
http://www.rakotoarison.eu


(Les photographies des œuvres d’Egon Schiele ainsi que la photographie d’ensemble du bâtiment sont issues du site www.fondationlouisvuitton.fr).


Pour aller plus loin :
Dossier de presse de l’exposition.
Dernières heures parisiennes pour Egon Schiele.
Pierre Soulages, l'artiste mélanthrope, a 99 ans.
Rotraut Uecker.
Egon Schiele.
Banksy.
Marcel Duchamp.
Pablo Picasso.
Le British Museum et le monde des humains.
Yves Klein.
Le Tintoret.

Gustav Klimt.
Georges Méliès.
David Hamilton.
Paula Modersohn-Becker.
Auguste Rodin.
Margaret Keane.
Rouault et Matisse à Paris.
La garde rapprochée du Premier Empereur de Chine.
Un Renoir de la Côte d’Ivoire.
Magritte.
Daniel Cordier.
Boulez à Paris.
La collection Cordier à Rodez.
Soulages à Rodez.
Claude Lévêque à Rodez.
Caillebotte à Yerres.
Goya à Paris.
Brueghel à Paris.
Chagall à Paris.
Dali à Paris.
Van Gogh à Paris.
Hiroshige à Paris.
Manet à Paris.
Rembrandt à Paris.
Boltanski, artiste contemporain.
Boltanski au MacVal.

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2 réactions


  • Christian Labrune Christian Labrune 12 janvier 2019 10:23

    Je n’ai pas vu l’exposition Egon Schiele, et si je vais jusqu’aux abords de la fondation Vuitton dans les prochaines semaines, ce sera peut-être bien pour faire le tour du lac au jardin d’acclimatation et passer un petit quart d’heure dans le jardin coréen, mais certainement pas pour voir cette exposition. La qualité du dessin d’Egon Shciele et son originalité sont pourtant incontestables.

    Mais j’ai en horreur toute forme d’expressionnisme. Au Louvre, presque chaque semaine, je préfère traverser le couloir vide et blanc qui longe la cour carrée pour passer de l’admirable salle où sont les peintres de l’atticisme, à celle des immenses toiles de Champaigne et de Le Sueur pour ne pas voir l’abominable séquelle française du caravagisme.

    Il semble qu’à la différence de la psychanalyse, les thérapies cognitivo-comportementales parviennent à guérir les phobies, mais je n’éprouve pas le moindre besoin de me faire soigner.


  • paco 12 janvier 2019 14:52

    @L’auteur, il existe un terme de presse pour qualifier ce que vous avez fait paraitre : PUBLIREPORTAGE...

    J’espère que vous en avez été rémunéré.

    Signé : un fan d’Egon...


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