jeudi 12 avril 2018 - par

Desproges et ses héritiers

Comme beaucoup de quadragénaires maintenant bedonnants après avoir été d'une beauté affolante dans leur jeunesse et perdant leur magnifique chevelure auparavant aussi épaisse qu'un champ de blé scandinave (je m'arrête là dans la description, ça m'excite), j'ai découvert Desproges à la radio dans les années 80 à l'heure du repas. Je me dépêchai de rentrer du collège pour écouter "les flagrants délires" de 1981 à 1983 et surtout le plus intéressant, le réquisitoire de Desproges et la plaidoirie de l'avocat le plus "bas d'Inter", à savoir Luis Rego.

Il fallait auparavant écouter les bavardages du Raminagrobis en chef à savoir Claude Villers, certes pas toujours désagréable et le plus souvent tout aussi insolent voire irrévérent que son avocat et son procureur.

Quand j'avais cours pile à ce moment là, c'était une vraie frustration. Desproges était présent à la radio et la télé depuis "le Petit Rapporteur" et les "Aventures du professeur Corbiniou" pendant Casimir. Il faut bien vivre. De temps en temps on l'apercevait aux côtés de le Luron, en particulier en intervieweur obséquieux avec Giscard au coin du feu. Plus tard, il se fâcha avec Villers et le Luron, eut une petite traversée du désert et ne revint qu'en 1986 avec "les Chroniques de la Haine ordinaire" qui était devant un public également, un peu plus restreint.

Entre deux avec "la Minute de monsieur Cyclopède" il se mettait à dos le public des "Jeux de Vingt Heures" ...

Pierre Desproges c'est un peu comme Michel Audiard en France, c'est devenu une figure tutélaire irrespectueuse, un peu gouailleuse derrière son air chafouin et son physique d'ancien premier communiant de saint Honoré d'Eylau. Tout le monde se revendique de lui citant à tort et à travers sa fameuse phrase : "On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui" prononcée pendant le réquisitoire contre Le Pen qui en rigolait durant son "tribunal des flagrants délires". Je suis sur le sujet assez d'accord avec Basile de Koch rappelant que ce fameux texte était quand même très prèchi précha du genre "ah caca le racisme, ah pas beau la violence". Régo avait été ce jour-là beaucoup plus drôle avec sa "journée d'un fasciste"....

On s'étonne encore que Desproges pourtant capable d'autodérision n'ait pas évité cet écueil.

Ses héritiers sont légions mais aucun n'a sa culture littéraire et son style. Aucun n'a lu Vialatte ou Marcel Aymé, aucun ne se soucie de l'imparfait du subjonctif ou de virgules mal placées (voir figure 1) excepté celles qu'ils laissent et qui sont telles celles que l'on trouve sur les murs des sanisettes publiques. Ses héritiers se réclament tous de lui, ce qui n'est pas très compliqué le principal intéressé étant mort depuis trente ans maintenant à cause d'un crabe de mauvaise mémoire lui ayant grignoté une bonne partie des poumons alors que Desproges ne fumait pas, haïssait le tabac.

Le destin aussi a le sens de la dérision et de l'irrévérence.

Celle-ci, on la chercherait vainement quelque part en 2018. Tout le monde, la moindre communauté, le moindre groupuscule, la plus petite secte réclame du respect pour des idées et convictions d'une stupidité sans pareil. Et pour bien appuyer ce en quoi ils croient, ils judiciarisent de plus en plus leur désir de se faire "respecter". Sachant très bien à quel point ils ont des carences intellectuelles, c'est à vrai dire leur seul moyen. Cela va des spectateurs de Cyril Hanouna aux raèliens en passant par les vegans adorateurs des brocolis sauvages qu'ils hésitent encore à déraciner par peur de leur faire du mal.

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Et mon courroux coucou !

Amaury - Grandgil

 

Illustration : Desproges et sa femme Hélène empruntée ici

 

Ci-dessous le fameux réquisitoire contre le Pen

Puis "évitons de sombrer dans l'antinazisme primaire"




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