vendredi 17 juillet 2009 - par Vincent Delaury

Du « Very Bad Trip » à l’image fantôme

Ce qui est vraiment étonnant avec Very Bad Trip, c’est son générique de fin. Voilà bien un film qui ne tient que par son générique final, le reste étant beaucoup plus convenu, et moins enlevé que les potaches Apatow & Farrelly. Mais son finale composite est sensass, c’est là qu’on voit ce qui s’est vraiment passé pour les trois pieds nickelés du buddy movie suite à une nuit de biture mémorable. Le générique-puzzle final, trash à souhait - à croire que c’est le défunt Dash Snow* qui s’était occupé de l’affaire ! - est d’une efficacité narrative imparable : voir enfin ce qui est suggéré, ou non dit, durant tout le film, la règle d’or de celui-ci reposant sur le goût du secret, cf. l’adage « Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas ». C’est une bonne trouvaille. Un suspense bien entretenu, alimentant habilement, et malicieusement, le sentiment d’attente du spectateur-voyeur maintenu, un temps, dans l’incertitude, afin que son imagination tourne à plein régime. Du très bon storytelling filmique. Voir enfin, nous donner à voir ce qui semble caché. C’est comme de voir la vidéo de 1984 pour Pepsi au cours de laquelle Michael Jackson a eu le crâne brûlé. Je viens de la voir sur le Net, grâce à Us Weekly : http://www.usmagazine.com. (Y restera-t-elle longtemps d’ailleurs ? A voir…).

C’est fou, cette vidéo mythique, de 1984 à 2009, on a lu des lignes et des lignes dessus, on l’a imaginée en film, on l’a même « fantasmée » et elle nous apparaît d’un coup, comme ça, suite à la mort du King of Pop. Jusque-là, de cet événement, n’avaient filtré que quelques photos (Jackson alité, la main gantée sortant du drap), jamais un film. Dans cette vidéo rendue publique le 16 juillet dernier, Il danse devant ses fans au Shrine Auditorium de Los Angeles, dos à la caméra, sa tête s’enflamme, il ne sent ni ne voit rien, avance quelque peu sur le devant de la scène, puis les secours arrivent. Entouré maladroitement par des agents de sécurité, se rendant compte de la gaffe technique, on voit alors le haut de sa tête cramé. Michael Jackson s’enflamme : un show pyrotechnique dans tous les sens du terme. Du jamais vu... enfin montré, et en split screen en plus, histoire de ne pas en perdre une miette ! « Nul ne verra jamais Michael transformé en torche humaine. » écrit Olivier Cachin dans son très documenté Michael Jackson Pop Life, juillet 2009, page 121. Et si pourtant…

 L’image interdite qui se donne à voir, d’un coup. C’est ça le générique final de Very Bad Trip et ça marche. L’image « sous le manteau » qui se donne à voir, enfin. L’image spectrale, qui passe du subliminal au « tangible » de la réalité enregistrée. Bizarre, non ? Comme les enfants zarbis de Michael, il les cachait, les masquait, les travestissait coûte que coûte, du coup on ne les voyait pas. Il a passé quelques années à les cacher puis, d’un coup, au show mortuaire et post-pop-mortem du Staples Center de L.A., à côté du cercueil plaqué or aux mille et une roses du corps absent présent, on nous les montre cash, face caméra et un micro devant eux. On voit et entend Paris, la fille de Michael Jackson (11 ans), déclarer : « Depuis que je suis née, papa était le meilleur père que l’on puisse imaginer. » Présence audio-visuelle : la totale, donc.

Drôle d’époque, hein, entre le thriller fascinant, voire éprouvant, et le Very Bad Trip. La mort de Michael Jackson, enfant terrible de la société du spectacle XXL, est aussi un very bad trip, vraiment too bad. Un film sur lui ? OK, mais un déroulant, ou précipité, filmique alors, qui pourrait reprendre à rebours sa vie, façon Moonwalk : reculer pour avancer quand même, la tête dans les étoiles. Un pied dans le cosmos intersidéral et un autre, au bord de la tombe ; amour des feintes, dirait Gainsbarre. Il faudrait reprendre l’idée du générique final de Very Bad Trip se voulant multiplier les « images interdites », les « images chocs », « les images fantômes » sauf qu’avec Michael, il est fort possible que ce générique final prenne deux heures de temps - d’autant plus que, même mort, Bambi continue d’alimenter ad nauseam les tabloïds !!! Chers monteurs, à vos tables !

* Icône de l’underground newyorkais qui vient de mourir et qui était connu pour ses frasques nocturnes donnant naissance à des œuvres (dessins, polaroïds, tatouages, graffitis, installations…) que s’arrachent désormais collectionneurs privés et institutions




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