samedi 7 mars 2020 - par C’est Nabum

Écrire un conte en classe

Récit d'expérience

Deux CE1 en zone prioritaire

Deux enseignants que nous appellerons Sandrine et Nico ont fait appel à mes services pour mener une activité pédagogique qui s’inscrit dans un projet plus vaste de notre bonne ville autour du Conte dont naturellement, je ne fais pas partie. C’est donc en franc tireur que je me suis embarqué dans cette aventure au fil des mots.

Nous sommes dans un quartier que les classements administratifs rangent dans la catégorie zone prioritaire, naturellement affublée d’un sigle qui ne donne pas envie de le déchiffrer. Ce n’est certes pas ainsi que nos bons ministres rendent compte de la magie et du bonheur de la lecture et de l’écriture. Eux-mêmes du reste, malmènent tant la langue que je doute de leur envie de la voir respecter dans nos écoles.

Après trois séances consacrées à la seule écoute de contes de ma composition autour de la Loire, des animaux, le temps est venu de transformer les spectateurs attentifs en auteurs authentiques d’une histoire mystérieuse, magique, extraordinaire qu’empruntent les chemins escarpés de l’imagination.

En toute chose, une méthode s’impose. Celle que je vais vous décrire ne constitue en rien un modèle, je n’en aurai pas cette outrecuidante prétention n’ayant jamais été conseiller pédagogique dans cette belle et noble institution. Elle s’appuie sur mon expérience d’enseignant en classe spécialisée d’une part et de conteur d’autre part ayant fait le choix d’écrire ses propres récits en puisant dans l’immense répertoire transmis de bouche à oreille depuis cette fameuse et incontournable nuit des temps.

Les élèves ayant pris l’habitude d’écouter tranquillement, puis de dire à la place du conteur, le rituel de début, le bâton de parole en main, allaient désormais passer à l’étape supérieure ; écrire leur conte. Il n’était naturellement pas question de les laisser aller sans poser quelques cailloux sur le chemin. Le risque est trop grand de faire mauvaises rencontres au cœur d’une forêt de mots et de monstres.

Une feuille dans une classe, le tableau numérique dans l’autre, les deux maîtres se firent les secrétaires de la séance. Dans les classes un grand classique du Conte : Cendrillon, servirait de point de départ. La première activité consistant à établir d’un mot et d’un seul, la liste des incontournables de ce récit* (à ma grande surprise, il fallut expliquer ce mot).

La capacité de synthétiser, de dégager l’essentiel dans une œuvre que la plupart connaît par le truchement de dessins animés plus qu’au travers d’un texte lu par leurs parents, exigea quelques corrections. L’expression orale s’embarquant souvent dans de longs épisodes desquels il convenait de nommer l’élément clef. Ce travail collectif fut mené à son terme offrant cette liste : Ménage – Sœurs - Prince – Mariage – Citrouille – Bal – Pantoufle de vair – Robe – Fée

Ce fut à mon tour de travailler, si ce verbe peut rendre compte du plaisir qu’il y a à dire un conte à des enfants. Je leur proposai une aventure de petit pois baladeur qu’ils écoutèrent non sans plaisir. La racontée terminée, la liste précédente était reprise afin d’observer les éléments repris et ceux qui avaient été abandonnés. Cette fois, la demande était inverse, d’un mot choisi, il convenait de donner des détails précis tirés de ce que je venais de leur raconter.

Les élèves découvrirent ainsi comment pouvait naître une version totalement différente en apparence même si elle suit un chemin qu’un autre avait défriché au préalable. L’inspiration n’est ni un plagiat honteux ni une création en apesanteur. Il y a bien des similitudes qui ici sont revendiquées, des différences qu’impose le contexte, des références qui agrémentent l’histoire et des inventions qui en font un conte très différent.

Forts de cette observation plus intuitive qu'explicitement décrite comme ici, les deux groupes avaient à choisir un conte qu’ils connaissaient parfaitement puisqu’étudié en classe. Pour l’une ce fut Le Petit Poucet, pour l’autre le Loup et les 7 agneaux. Reprenant le support écrit, il convenait d’abord d’établir la liste des mots clefs, des situations essentielles pour chaque histoire. Puis, choisir dans ces mots ceux qui pourraient être repris et transformés tout en en éliminant d’autres. L’expression orale reprenait ses droits en donnant la primeur à l’imaginaire, chacun développant alors des possibles.

Le conteur n’étant là que pour rappeler la nécessaire dimension merveilleuse, la possibilité d’apporter une bifurcation vers le fantastique ou le merveilleux, les grands domaines du conte. Les suggestions trop terre à terre devant être repoussées. La discussion fut riche, les idées fusèrent et un synopsis encore flou fut mis au point dans chaque classe.



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