vendredi 2 octobre 2015 - par Fergus

ÉIisabeth Vigée-Lebrun : un hommage mérité !

Depuis le 23 septembre 2015 et jusqu’au 11 janvier 2016, ÉIisabeth Vigée Lebrun est l’invitée d’honneur du Grand Palais à Paris. Une occasion, pour tous ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de cette artiste, de découvrir son remarquable talent...

ÉIisabeth Vigée-Lebrun est incontestablement la femme peintre la plus connue du 18e siècle. Et cette position dominante n’est sans doute pas très juste pour sa « rivale » Adelaïde Labille-Guiard, tant l’immense talent et les capacités d’innovation de celle-ci auraient dû lui valoir une notoriété au moins équivalente à celle de sa consœur. En l’occurrence, ÉIisabeth a plutôt bien tiré son épingle du jeu, les artistes femmes n’ayant, à de très rares exceptions près dans l’histoire, pu rivaliser en termes de notoriété durable avec leurs confères hommes avant l’époque contemporaine. Et si ÉIisabeth Vigée-Lebrun a pu emboîter le pas à des portraitistes comme Jean-Baptiste Greuze et Quentin de La Tour pour entrer au panthéon de la célébrité picturale, tel n’a pas été le cas d’Adelaïde Labille-Guiard dont le souvenir s’est estompé au fil du temps dans la mémoire collective. La vie est parfois très injuste. Surtout pour les femmes !

Adélaïde délaissée, cela n’enlève rien à la reconnaissance du très grand talent d’ÉIisabeth. Née à Paris le 16 avril 1755, cette fille d’un pastelliste assez réputé, membre de l’Académie de Saint-Luc, est très tôt formée aux techniques du dessin, du pastel et du portrait par son père lorsqu’elle n’est pas au couvent où les religieuses se montrent désolées de la voir privilégier le dessin à toute autre activité éducative. Louis Vigée prématurément décédé, c’est ensuite le médiocre Gabriel Briard qui prend le relais de l’éducation artistique de la jeune fille, alors âgée de 12 ans. Un enseignement peu utile : la jeune fille est déjà capable de réaliser des copies de Rembrandt ou Rubens ! En réalité, ÉIisabeth suit sa voie de manière assez largement autodidacte jusqu’au moment où, devenue professionnelle – dès l’âge de 15 ans ! –, elle reçoit les conseils avisés des très célèbres Horace Vernet et Jean-Baptiste Greuze. Cerise sur le gâteau, la fréquentation de ces artistes renommés lui ouvre les portes des salons de l’aristocratie.

Parmi les personnalités rencontrées figure le Comte de Provence. Ce frère du roi Louis XVI devient son premier client prestigieux dès 1776, année où ÉIisabeth Vigée épouse Jean-Baptiste Lebrun. Durant l’automne, ÉIisabeth est admise à la Cour dont elle devient rapidement l’une des peintres favorites. Cette enviable position lui permet, en 1778, de faire le portrait de la reine Marie-Antoinette. Une aubaine en un lieu où les courtisans se plaisent à imiter les puissants. Comble de félicité pour ÉIisabeth, il naît de cette rencontre une véritable amitié entre les deux femmes qui vaut à l’artiste de devenir la portraitiste officielle de la Reine.

L’avenir matériel d’ÉIisabeth est assuré, mais cela ne lui suffit pas : en quête de reconnaissance pour son talent, elle souhaite être admise au sein de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture. Malheureusement pour elle, les femmes ne sont pas les bienvenues au sein de cette institution. Tout juste en tolère-t-on quatre sur les soixante-dix membres de l’Académie. Or, voilà qu’en 1783, deux des quatre places féminines sont libérées. Quarante femmes peintres, venues pour la plupart de l’ex-Académie de Saint-Luc, postulent pour l’un de ces deux sièges. La concurrence est rude, et les controverses enflammées dans les luttes d’influence qui se mettent en place. Un pamphlet anonyme va même jusqu’à accuser de vie dissolue les deux principales prétendantes : ÉIisabeth Vigée-Lebrun et Adelaïde Labille-Guiard. Respectivement soutenue par la Reine pour la première, et par « Mesdames » les tantes du Roi pour la seconde, ce sont elles qui, le 30 mai, sont enfin admises au Saint des saints de la peinture française.

Dans la nuit du 5 au 6 octobre 1789, quelques heures après la « Marche des femmes », des révolutionnaires pénètrent dans l’enceinte du château de Versailles et tuent puis décapitent des gardes nationaux aux cris de « Mort à l’Autrichienne ! ». Cette même nuit, ÉIisabeth Vigée-Lebrun, menacée par sa proximité avec la Reine, fuit la capitale avec sa fille et un petit pécule. Après un périple qui la conduit à Rome, Milan, Vienne, Prague et Berlin, elle se fixe durant 6 ans à Saint-Pétersbourg où sa flatteuse réputation lui vaut de nombreuses commandes de l’aristocratie russe. Entretemps, ÉIisabeth a été déchue de sa nationalité du fait de son statut d’« émigrée » ayant fui la Révolution.

ÉIisabeth Vigée-Lebrun revient à Paris en 1802, deux ans après que son nom ait été rayé de la liste des « émigrés ». Elle s’installe au château des Sources à Louveciennes avant de voir sa propriété réquisitionnée par les Prussiens en 1814. Portraitiste sous la Monarchie puis sous l’Empire, elle continue de l’être sous la Restauration, mais jamais elle ne retrouve l’ambiance légère de ses années d’avant la Révolution. Peu à peu, elle peint moins et tient salon. Âgée de 87 ans, elle meurt le 30 mars 1842 dans son appartement parisien, victime d’une attaque cérébrale. ÉIisabeth est inhumée à Louveciennes. Elle laisse derrière elle au moins 660 portraits et autoportraits d’une immense qualité ainsi qu’environ 200 paysages de moindre ambition.

Principalement constituée de ces fameux portraits qui ont fait sa réputation dans l’Europe entière, l’œuvre d’ÉIisabeth Vigée-Lebrun est caractérisée par un grand raffinement, une représentation quasiment sensuelle – et incontestablement idéalisée – de ses prestigieux modèles, ainsi que par des couleurs chatoyantes en harmonie parfaite avec son goût pour la bonne humeur et les beaux objets. Voilà qui tombait bien, les clients fortunés d’ÉIisabeth entendaient en avoir pour leur argent : leur portraitiste s’en acquittait à merveille !

Pour en savoir plus sur cette grande dame de la peinture, rendez-vous dès le samedi 3 octobre sur Arte qui diffusera un docu-fiction intitulé « Le fabuleux destin d’ÉIisabeth Vigée-Lebrun ». Mais c’est surtout dans les salles du Grand palais que l’on peut le mieux saisir ce que fut l’univers pictural d’ÉIisabeth Vigée-Lebrun : pas moins de 130 de ses œuvres (huiles, pastels, dessins) et de nombreux documents d’archives permettent de mettre en lumière le destin de cette femme d’exception. Une exposition à ne surtout pas manquer !

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Autoportrait d’Elisabeth Vigée-Lebrun

 

Bande-annonce de l’exposition.

Informations pratiques

 

 Précédents articles sur la peinture :

Quand Van Meegeren peignait des Vermeer

Injustement oubliée : Lavinia Fontana

Audubon : ornithologue de talent, peintre de génie

Mademoiselle Capet (Gabrielle Capet)

Catharina van Hemessen, la pionnière oubliée

Adelaïde (Adélaïde Labille-Guiard)

Sofonisba (Sofonisba Anguissola)

Artemisia (Artemisia Gentileschi)

Lolo, roi du pinceau ! (le canular Broronali)

 



45 réactions


  • Clark Kent M de Sourcessure 2 octobre 2015 09:12

    Tout amateur de contrepèterie sait que Madame Vigée-Lebrun fréquentait régulièrement le verger des muses... à Bourg-la-Reine. 


  • gruni gruni 2 octobre 2015 09:38

    Bonjour Fergus


    D’après son autoportrait, Mme Vigée-Lebrun avait effectivement un talent indiscutable, et en plus était une bien belle femme. Je ne suis pas connaisseur en peinture et je ne connaissais pas cette Dame, mais son succès est mérité. 

    Merci pour la découverte

    • Fergus Fergus 2 octobre 2015 09:51

      Bonjour, gruni

      Un succès mérité, en effet. Mais je ne peux m’empêcher de lui préférer sa rivale Adélaïde Labille-Guiard. A cet égard, son Autoportrait avec deux élèves est une pure merveille.

      Voici ce que j’écrivais sur ce tableau :

      « Adelaïde Labille-Guiard, en tenue d’apparat, s’y est mise en scène, à son chevalet et palette en main, en compagnie de Melles Capet et Carreaux de Rosemond, debout derrière elle. Comparé aux œuvres masculines qui persistent à reléguer les femmes dans un rôle domestique, ce tableau, ressenti selon Marie-Jo Bonnet comme « un véritable manifeste en faveur de l’enseignement artistique des femmes » marque indiscutablement les esprits.

      L’Autoportrait avec deux élèves est en outre remarquable sur deux autres plans : d’une part, Adelaïde y montre l’envers du châssis et met ainsi en lumière le modèle et non l’œuvre en cours de réalisation ; d’autre part, elle se permet une étonnante audace en plaçant délibérément, quatre ans avant la Révolution, la main de Melle Capet, fille de servante, sur la taille de Melle Carreaux de Rosemond, fille d’aristocrate, dans un évident symbole d’égalité. »

      Pour moi, ces deux femmes auraient mérité une égale notoriété.



    • J.MAY MAIBORODA 4 octobre 2015 10:45

      @Fergus


      Je connaissais tant soit peu l’une, surtout pour son passage en Russie ( Cf. pour le comprendre :
      Je ne connaissais pas du tout la seconde. Effectivement talentueuse.

    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 00:25

      Bonsoir, MAIBORODA

      Merci pour votre commentaire, et pour ce lien sur le RION dont j’ignorais tout.


  • Le p’tit Charles 2 octobre 2015 09:57

    Joli travail de recherche......il y a aussi....

    Rachel Ruysh (1164-1750) fille d’un professeur d’anatomie et de botanique qui lui apprit sans doute les secrets des fleurs dont elle peint de superbes bouquets... on voit naître des vocations indépendantes et des talents oser s’épanouir....Anne Valayer Coster (1744-1818), fille d’un orfèvre à la cour royale ....L’extraordinaire « Portrait d’une négresse », peint par Marie-Guillemine Benoist peu après l’abolition de l’escavage. Une symphonie de bruns rehaussés de blancs éclatants, un hymne à la beauté féminine...Pourtant, c’est le XIXème siècle qui verra, en même temps qu’une profonde évolution du métier de peintre, l’éclosion de nombreux talents féminins.


    • Fergus Fergus 2 octobre 2015 11:11

      Bonjour, Le p’tit Charles

      Si j’ai envisagé (et envisage toujours) de consacrer un article à la superbe artiste qu’a été Anne Valayer, Rachel Ruysch m’a jusque-là moins intéressé, sans doute du fait de sa spécialisation dans les compositions florales. Mais je reconnais que ses bouquets sont superbes. Merci à vous d’avoir évoqué ces deux femmes peintre de talent.


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 02:57

      @Fergus
      Les bons peintres, on en trouve énormément, ! L’académie ne consacre que quelques uns. Il a toujours été préférable pour la peinture comme pour le reste de passer par Paris, qui vous consacre. En Bretagne nous avons tout de même quelques très grands peintres. Il existe Fergus un musée qui vous connaissez peut être. 

      Situé au Faouet, dans le morbihan intérieur. Le Faouet, ancienne ville de foire a gardé beaucoup de charme, et a un musée qui fait se presser pas mal de connaisseurs, tous les ans, un artiste étant exposé : Méheut, Rivière, Bougaud, par exemple, très bons peintres reconnus tout de même. 
      Cette année, c’est Pegot-Ogier, un très bon peintre du pays d’Hennebont qu’est mort couillon à la guerre de 14, et qui vaut le déplacement. Si vous passez par là venez voir ce petit musée, très sympathique qui a toujours une exposition permanente, et qui établi est dans un ancien couvent
      Jean-Bertrand Pégot-Ogier
      Si je me laisse aller, je vous parlerais de la chapelle sainte barbe, de la chapelle sainte fiacre, et de l’église de Kernascléden et sa danse macabre, des chefs d’œuvres de l’art flamboyant breton, dans un rayon très proche. 

    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 15:46

      @Le p’tit Charles

      Les femmes c’est vrai, on ne peut pas trop les voir en peinture quand elles sont douées, faisant peut être un peu d’ombre à leurs maitres. C’est pour ça qu’elles restent dans le clair obscur. La plus talentueuse, pour moi c’est cette Italienne, dont la vie est aussi un roman

  • colere48 colere48 2 octobre 2015 10:38

    Bonjour Fergus

    Remarquable peintre et femme admirable.
    Toutefois un « bémol » un immense talent bridé par une vénalité certaine de l’artiste.

    « Elle prend conscience de l’importance du travail, pour lequel elle est une acharnée, et de la valeur de l’argent gagné. Avoir du talent ne suffit pas, il lui faut devenir une femme d’affaires.
    Un tableau a d’abord une valeur financière. Elle rajeunit et embellit ses modèles pour être sûre de mieux vendre ses tableaux. Elle va au-devant de sa clientèle dont elle connait les goûts et les désirs auxquels elle se plie avec complaisance. Elle conquiert les bonnes grâces des riches et des puissants dont le monde l’envoute. Elle rêve de faire sa place auprès d’eux et seule la peinture peut lui permettre cet exploit. Cette ambition, ce besoin d’être reconnue et admise parmi les aristocrates lui fait du tort, elle ne cherche pas à faire autre chose que ce que l’on attend d’elle. Au lieu d’explorer de nouvelles voies, elle reste enserrée dans une forme qu’elle maîtrise, mais qu’elle ne dépasse jamais. »
    Extrait de « jardin secret » de Dona Rodrigue


    • Fergus Fergus 2 octobre 2015 11:36

      Bonjour, colere48

      Vous parlez de « vénalité » concernant Vigée-Lebrun, et c’est en effet un reproche qui lui a été fait. Mais en cela, elle n’a pas été unique en son genre, nombre de peintres de cour ayant saisi l’opportunité de « faire de l’argent » en flattant l’ego de leurs modèles. Cela ne faisait de tort à personne. Qui plus est, après la mort de son père, Elisabeth a dû, par son travail, subvenir aux besoins de sa mère et de son petit frère. Par la suite, son mari a fait main basse sur les revenus de son épouse pour vivre grand train. Et cela jusqu’au divorce.

      « elle reste enserrée dans une forme qu’elle maîtrise, mais qu’elle ne dépasse jamais. »

      C’est vrai, mais en cela elle rejoint nombre d’artistes qui restent fidèles à un style ou à un genre, sans doute pour ne pas tuer la poule aux œufs d’or lorsque leurs toiles se vendent bien. On touche là à l’éternel débat sur le métier d’artiste : faut-il aller au bout de son inspiration et de sa créativité, au risque de vivre dans la précarité ? Ou privilégier le travail rémunérateur, au risque de n’avoir plus le temps de faire autre chose, ou de se perdre dans le confort ?


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 15:53

      @colere48
      Vous avez raison. Bien que douée, on voit que l’artiste plafonne rapidement. Elle ne tire guère de profit des nombreux courants qu’elle traverse, bien que voyageant dans toute l’europe, restant fidèle à sa caste et à son époque. 

      Un peu infatuée de sa personne. C’est le reproche qu’on peut lui faire. Un artiste trop content de lui n’évolue pas.
       Si on admire la jeune fille, on se fatigue parfois de sa facilité qui finit par devenir un défaut, dans lequel elle se mire en ce miroir.
       Reste que celui ci reste tout de même très agréable. Mais c’est sûr, ce n’est pas Le caravage ni Rembrandt ni Corot ! 
      Elle n’accroche pas sa chaire au porte manteau !

  • alinea alinea 3 octobre 2015 11:53

    J’ai toujours été fascinée par le talent des peintres ; je n’arrive pas à décoller les yeux de son auto portrait.
    Ce talent-là s’est-il perdu ou bien, à l’ère de la photographie, le portrait est-il tombé en désuétude ?
    Il y a des hyper réalistes qui font des choses superbes, mais c’est toujours un peu glacé. ; enfin à ce que j’en connais ; je suis d’une crasse inculture en cet art !
    Merci pour ce rayon de soleil Fergus.


    • Fergus Fergus 3 octobre 2015 17:08

      Bonjour, alinea

      Bien que le genre du portrait peint soit nettement moins pratiqué qu’autrefois, il y a encore une clientèle et des peintres pour perpétuer cette tradition.

      Pour ce qui est de la peinture contemporaine, j’ai un faible pour plusieurs peintres. Et notamment pour Daron Mouradian dont j’apprécie tout à la fois l’extraordinaire créativité et la technique impeccable : lien.

      Merci pour ton commentaire.


    • alinea alinea 3 octobre 2015 19:09

      @Fergus
      Oui !! c’est ce que j’appelle « un peu glacé » ; le sujet ne me touche pas, même si la technique est parfaite ! Dali fait des toiles superbes, moins glacées au début de sa carrière !! mais à la fin, c’est ce froid qui ne me touche pas !


    • Fergus Fergus 3 octobre 2015 23:11

      Bonsoir, alinea

      « c’est ce froid qui ne me touche pas ! »

      En peinture, on peut être touché de plusieurs manières : par des toiles qui suscitent une réelle émotion, par la technique employée, ou bien encore par l’originalité d’un concept. L’un n’empêchant pas l’autre selon les circonstances. Qui plus est, chacun de nous réagit en fonction de ses critères d’appréciation personnelle. C’est d’ailleurs ce qui en fait le charme.


    • alinea alinea 4 octobre 2015 01:30

      @Fergus
      Oui Fergus, c’est bien pour ça que je me permets de m’exprimer, je ne fais pas un jugement d’expert !!
      j’aime un peintre américain qui fait des toiles de collines et de maisons, de gens aussi, mais qui a une manière de capter la lumière et qui utilise des jaunes de toute beauté ; je n’arrive jamais à me souvenir de son nom,ça ne te dit rien ? Je vais chercher..


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 02:22

      alinea


      Le glacis est une technique que cette dame maîtrise admirablement, et qui consiste à superposer plusieurs couches d’huiles diluées très finement, avec de la thérébentine et de l’huile de lin. Elles sèchent assez vite et sont transparentes, du fait de leur texture. Ce qui permet de superposer les couches, en n’en gardant le relief et d’accentuer la transparence, ce qui crée une lumière indicible. Technique découverte par les peintres flamands. Bon, Dali on en pense ce qu’on veut, tous les gouts sont dans la nature. 
      Je l’aimais beaucoup ado, surtout « le rêve », et ses horloges molles. Mais je ne trouve plus la moindre émotion dans cette peinture très bien léchée, c’est vrai, qui me parait être un peu celle d’un dessinateur habile, mais sans âme aucune.
      . La chair, la lumière, et cette vibration du sentiment, il est par contre tellement présent dans la peinture de cette grande artiste, qui bien que prisonnière des codes formels de son époque, va vers la transcendance. 

    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 02:36

      @alinea


      Moi aussi Dali ne me touche plus du tout, alors qu’ado je le trouvais admirable. 
      Je ne sais pas comment les jeunes le jugent maintenant. Mais dans les années 70 il plaisait encore assez à cause de ses extravagances, et de cet univers morbide. Il y avait un phénomène de mode. Peut être qu’aussi avec le temps, l’expérience, on ne se laisse plus avoir à des grosses ficelles pour revenir à l’essentiel : L’émotion...
      Et Dali à ce niveau était un infirme à mon avis, multipliant les chausse trappes pour mieux se cacher dans son univers de foire du trône. Un habile dessinateur, un bon technicien, mais ça ne suffit pas à faire un bon peintre. 
      L"’émotion, il n’y a que ça, et il faut avouer qu’on est servi avec cette dame, qui nous donne la grâce et le sublime en plus, pour nous faire basculer de l’autre coté. 
      Et là il n’y a plus de genre, moderne ou classique. 
      Le plafond de verre est crevé

    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 02:37

      @bakerstreet
      Bon, les messages se superposent un peu, mais c’est du au fait que l’un avait disparu, comme au pays de lewis caroll, pour réapparaître deux minutes après.


    • Fergus Fergus 4 octobre 2015 08:11

      Bonjour, Alinea

      « un peintre américain qui fait des toiles de collines et de maisons, de gens aussi, mais qui a une manière de capter la lumière et qui utilise des jaunes de toute beauté  »

      Cela ressemble comme deux gouttes d’eau à Edward Hopper. Incontestablement un grand nom de la peinture contemporaine.


    • Fergus Fergus 4 octobre 2015 08:20

      @ bakerstreet

      Vigée-Lebrun a notamment utilisé cette technique en différentes circonstances pour rendre les affleurements de sang sous la peau des visages. 

      D’accord sur Dali : parfait techniquement, mais incapable de faire passer la moindre émotion à mes yeux.


  • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 02:12

    Bravo pour votre article
    Bon, je viens de regarder sur arte +7 l’émission post casté qui passait ce soir et qu’on m’a recommandé de voir, visible pendant toute une semaine. http://bit.ly/1Pcg4c8

    Très impressionné par la qualité de peinture de la dame, et qui a traversé tout un pan de l’histoire de France. L’émission est admirablement construite. Je ne sais pas comment ils parviennent à donner de la vie aux trompes l’oeil dans lesquels la peintre évolue. 
    J’ai toujours eu un faible pour la peinture des paysages romantiques, non mièvres, qui donne une grandeur sans pareil à l’âme. Mais c’est peut être le contraire. La peinture restitue l’univers mental d’une époque, celle du peintre, et de son talent. 
    Il est étonnant de s’apercevoir que la perception de la peinture ancienne qu’on a évolue sans cesse, refusant de rester dans son siècle, pour nous dire mieux ce que nous sommes, et comment nous évoluons.
     Peut être est ce parce que la beauté du monde et de ces paysages, cette peinture, il me semble nous parle plus qu’il y a deux ou trois décennies, époque encore sous influence des mouvements modernes. Dans cette volonté furieuse de tout démolir les esthétismes, nous avons détruit les codes du beau, du sublime, pour accrocher des chiottes au plafond, les nommant des chefs d’œuvres. 
    Mais que l’émotion d’une telle peinture nous fait chaud au cœur, et nous réconcilie avec l’homme, et toute la beauté du monde, perçue par la grâce d’un regard

    • Fergus Fergus 4 octobre 2015 08:16

      Bonjour, bakerstreet

      Je n’ai pas encore vu le docu-fiction d’Arte pour cause d’invitation hier soir, mais je ne manquerai pas de le regarder dans les prochains jours.

      « cette peinture, il me semble nous parle plus qu’il y a deux ou trois décennies, époque encore sous influence des mouvements modernes. Dans cette volonté furieuse de tout démolir les esthétismes, nous avons détruit les codes du beau, du sublime, pour accrocher des chiottes au plafond, les nommant des chefs d’œuvres. »

      Je suis d’accord avec cela. C’est pour cela que j’avoue sans honte prendre un grand plaisir à ces toiles du 19e siècle taxées avec mépris de « style pompier ».


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 13:22

      @Fergus
      On appela « peintres pompiers », ces peintres quasi offciels, passés par l’académie,faisant dans le mythologique et le greco romain, et qui empruntaient parfois des casques de pompiers pour se servir de modèle, quand ils peignaient des cuirasses. Divinisés en leur temps pour certains, et portés par la critique, le louvre acheta des tonnes de ces croûtes à prix d’or, et passa complètement à coté des mouvements impressionnistes. Bon, ça n’empêche pas que David reste tout de même un très grand peintre, bien plus estimable à mon sens avant la révolution qu’avant. ....Ce reportage montre bien ce qu’était le grand tour en italie pour les artistes, dans leur recherche du sublime, de l’épique...Ce que nous pensons maintenant pour du maniérisme était pour eux le reflet d’une âme exaltée...Des grands peintres de cette époque, évoluant de l’univers formel de l’académie, il y a Ingres, et puis Courbet, formidable. En tout cas, aucune toile ne vaut le mépris. Nous sommes les yeux de notre époque, sous influences, et chaque toile est un mystère qui nous dit quelque chose sur le peintre qui l’a fait, sa technique, ses influences, ses névroses. Sans compter ce mystère qui plonge en nous, nos propres névroses et nos attentes. 


    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 00:33

      Bonsoir, bakerstreet

      Le qualificatif de « peintre pompier » n’ pas seulement touché des artistes mythologistes, mais également des « photographes » de leur temps, à l’image de nombreux peintres de Paris exposés à Carnavalet. Certaines de leurs toiles n’en sont pas moins superbes.

      D’accord avec vous sur Ingres et plus encore Courbet : de très grands noms de la peinture française !


  • J.MAY MAIBORODA 4 octobre 2015 10:51

    Ne connaissant pas grand chose, et pour tout dire rien en matière de peintres et de peinture, j’avoue préférer celle d’Elisabeth Vigée Lebrun à celle de ..... Picasso.


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 13:31

      @MAIBORODA
      La peinture c’est comme la littérature. Au début on n’y connait rien, et puis peu à peu, on se construit, on se fait sa petite idée des choses. Il y a l’émotion bien sûr, mais aussi l’intelligence de l’oeuvre. Et ça c’est au croisement de l’histoire et de la technique. Peindre soi même apporte un petit plus, dans le sens où même si vous n’êtes pas un grand peintre, le travail va vous rendre sensible beaucoup plus à la qualité des autres. C’est un peu comme un maçon plus susceptible d’apprécier une maison qu’un autre, ou un musicien la qualité d’une partition.. On sens les trucs, la façon du peintre, et on se fait moins avoir par des faussaires, par les effets faciles....Picasso ?...Vaste sujet....Quand on parle de cet homme il y a comme un hiatus, car il fait partie des hommes dont la signature est plus importante que la peinture. Lui même dira un jour en montrant une allumette :« Si quelqu’un m’en donne 1 million, cette allumette vaudra un million »...Nous en sommes là...Assurément Picasso a été un très grand peintre. Mais il a fait aussi des croûtes, des trucs qui auraient du être détruits, et qui valent un argent fou, tout simplement parce que ce sont des Picasso. A l’époque classique, on n’en était pas à ce niveau de bêtise, assurément.


    • J.MAY MAIBORODA 5 octobre 2015 07:32

      @bakerstreet


      Merci.
      Cordialement.

    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 09:21

      Bonjour, bakerstreet

      Picasso : « il a fait aussi des croûtes, des trucs qui auraient du être détruits, et qui valent un argent fou, tout simplement parce que ce sont des Picasso. »

      En effet, et cela parce qu’il aimait le fric au delà du raisonnable. D’où son énorme production de céramiques peintes en quelques minutes. Cela n’avait évidemment aucun sens !

      Côté peinture, le temps fera sans doute le tri entre ses réels chef d’œuvre et ses nombreuses croûtes exécutées à la va-vite, là aussi pour faire du fric. Qui plus est, Picasso était un homme antipathique. Mais on ne peut lui retirer son génie pictural.


  • J.MAY MAIBORODA 4 octobre 2015 10:54

    Ceci étant, le docu-fiction d’ARTE m’a paru remarquable et par ailleurs très pédagogique


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 13:41

      @MAIBORODA
      Il y a deux ans, c’est au grand palais qu’avait lieu aussi je crois l’exposition de Hooper, ce géant américain du vingtième siècle, que la critique de son temps faisait passer pour un ringard, et qui est maintenant au panthéon du gout.....Il fit son chemin en solitaire, se foutant de l’avis des autres, en dehors de la mode, juste poursuivant son chemin. un grand artiste, voilà ce que c’est souvent aussi : Une personnalité qui ne court pas les critiques pour plaire, dominé avant tout par le sens de ce qu’il doit faire, une exigence absolue....Madame Le Brun réussit le miracle de garder une exigence de lumière, d’émotion et d’exécution, tout en restant fidèle aux canons de son époque. Une aussi talentueuse portraitise que Corot par exemple, qui peignit des paysages si lumineux et expressifs, qu’on voudrait se fondre dedans. 


    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 09:23

      @ bakerstreet

      Superbe Hopper ! Je crois que c’est de lui qu’Alinéa voulait parler plus haut. Une autre admiratrice de ce grand peintre.


  • Surya Surya 4 octobre 2015 20:24

    Bonjour Fergus,


    J’arrive un peu tard sur votre article, et c’est simplement pour vous remercier de son grand intérêt, mais aussi plus largement de l’importance que vous accordez en général, me semble-t-il, à la place des femmes, au cours de l’histoire, dans le domaine des arts, des sciences... 

    Les peintures de cette artiste sont magnifiques, même si j’avoue que ce n’est pas mon style de peinture favori (j’aime le cubisme, par exemple, donc aux antipodes) et si je le peux, je viendrai voir cette expo qui dure heureusement pas mal de temps.

    Je vais profiter de votre article pour pousser mon petit grognement et faire ma Caliméro, ne m’en veuillez pas : j’aurais bien aimé pouvoir voir l’émission d’Arte, mais bien sûr les programmes mis sur leur chaîne Youtube (Arte +7) ne sont pas accessibles hors la France. C’est injuste, c’est vraiment trop injuste ! 
    Je peux toujours visionner ce documentaire en VOD sur leur site internet, mais bonjour le prix ! 

    Voilà, c’était mon grognement du jour. smiley

    Passez une bonne soirée smiley


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 21:37

      @Surya

      Je ne sais pas s’il y a une catalogue de l’expo, au grand palais. Sur amazon j’avais réussi à avoir le book sur Hooper quelque peu bradé des semaines plus tard. J’espère y trouver celui de cette peintre ; peut être trouverez vous alors le DVD à un prix attractif. 

    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 00:42

      Bonsoir, Surya

      Quant à moi, désolé de répondre si tard : je viens tout juste de rentrer de Paris.

      « l’importance que vous accordez en général, me semble-t-il, à la place des femmes, au cours de l’histoire, dans le domaine des arts, des sciences... »

      En effet car j’ai toujours été choqué de constater à quel point le talent - voire le génie - des femmes était largement occulté par ces messieurs des académies des Beaux-Arts ou des Sciences. C’est pourquoi, de temps à autre, je m’efforce de tenter, avec mes modestes moyens, de pallier quelques injustices évidentes. 

      Dommage en effet de ne pouvoir visionner les émissions d’Arte depuis le Royaume-Uni sur le net hors de la VOD. J’en suis désolé pour vous.


    • Surya Surya 5 octobre 2015 11:26

      @Fergus


      C’est eux, finalement, qui en pâtissent le plus : ils se privent d’un auditoire supplémentaire. Quant à moi, je râle, mais je m’accommode finalement de la situation : comme je ne peux plus voir les documentaires français, eh bien je regarde ceux de la BBC qui sont tout aussi excellents, ou ceux de la NHK japonaise, doublés en anglais, qui ne le sont pas moins. Il n’y a pas qu’Arte sur cette Terre et la BBC 4 n’a rien, mais alors rien à envier à notre excellente chaîne culturelle.

    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 11:47

      Bonjour, Surya

      « ils se privent d’un auditoire supplémentaire »

      En effet, et c’est d’autant plus dommage qu’Arte a une vocation culturelle et que nombre de gens n’ont pas forcément les moyens de recourir à la VOD payante.

      La réputation de BBC Four n’est en effet plus à faire en matière de documentaires. Je ne connais en revanche pas ceux de la NHK.


    • Surya Surya 5 octobre 2015 16:49

      @Fergus

      Je crois que vous prenez le problème par le mauvais bout : vous déplorez que tant de gens n’aient pas les moyens de payer ces VOD, comme si finalement vous trouviez normal, en tout cas pas choquant, qu’on demande un tel prix* à qui que ce soit, moyens ou pas, pour avoir le droit de visionner un documentaire culturel qui, de plus, est passé gratuitement à la télé.


      Gratuitement oui et non, parce que les gens payent une redevance (s’ils sont honnêtes) pour avoir le droit de voir tous ces programmes. Et là, on vous demande de REpayer pour revoir ces programmes ! Parce que ce n’est pas seulement à moi, l’expat, qu’on demande de payer. C’est à vous aussi. Pourquoi accepter cela ?? 

      Je trouve donc honteux de demander aux gens de payer pour se cultiver (sur des chaînes officielles, mais aussi dans les musées). Qu’on ait les moyens ou pas. Ce n’est même pas ça, le vrai problème.

       iPlayer, l’équivallent britannique, est gratuit, et on peut tout revoir sur le site internet dédié. 

      Arte, lui, va jusqu’à nommer son site « boutique Arte » ! Boutique ! On est en plein dans le commercial, là, et plus du tout dans le culturel ! 

      Mais je m’éloigne décidément trop du sujet de votre article...



      *3 euros, ça n’a l’air de rien, comme ça, mais si on y réfléchit... x 6.55957 = 19.67 francs. Qui aurait accepté de payer 19.67 francs pour visionner une vidéo ? Personne. Avec les euros, la pilule passe mieux, n’est ce pas ?

    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 17:56

      @ Surya

      Je me suis mal exprimé : je pense moi aussi que les biens culturels issus d’un service public soumis à redevance devraient être gratuits en VOD.

      Le fait est que l’on dérive de plus en plus vers une gestion mercantile de chaînes dont l’une des missions est de pourvoir à l’éducation culturelle du public.

      Bonne fin de journée. Ah ! au fait : toutes mes sincères condoléances à vos amis anglais pour l’élimination du XV de la Rose.


    • Surya Surya 5 octobre 2015 18:14

      @Fergus


      Je suis ravie que vous partagiez mon opinion.

      « Ah ! au fait : toutes mes sincères condoléances à vos amis anglais pour l’élimination du XV de la Rose. »


      Soyez certain que je transmettrai vos sincères condoléances à mes amis anglais smiley

  • Vipère Vipère 4 octobre 2015 20:48

    Merci Fergus et Bakerstreet de nous faire connaître un talent féminin du passé, l’un pour l’article et le second pour la vidéo, j’ai passé un excellent moment de découverte !


    • bakerstreet bakerstreet 4 octobre 2015 21:46

      @Vipère


      Dommage tout de même pour la fille de madame Le brun, qui finit bien mal la pauvre. C’est jamais facile d’être enfant de quelqu’un de trop doué. Sans compter que tous ces va et vient dans l’Europe entière n’ont pas du beaucoup l’aider à se structurer, à prendre de la distance avec sa mère. La réussite en peinture ne se fait parfois qu’en livrant un combat très dur, et on ne compte pas les dégâts, qu’on ne verra pas, noyés dans l’arrière plan. 
      Si certains ne l’ont pas lu, je recommanderais « la jeune fille à la perle » de Tracy Chevalier, qui a plusieurs niveaux de lectures, comme des glacis superposés, brodé sur une peinture de Vermeer. Le film est tout autant admirable et fait parti de ceux qui ne trahissent pas une oeuvre, et même le rendre plus flamboyant ! 

    • Fergus Fergus 5 octobre 2015 00:49

      Bonsoir, Vipère

      Merci à vous pour la visite.

      Et merci également à Bakerstreet pour ses propres éclairages. Et pour ce dernier conseil concernant « La jeune fille à la perle » : le roman est superbe et décrit parfaitement ce qu’était la Hollande du 17e siècle, et le film est également très beau, notamment dans le rendu des ambiances des toiles de Vermeer.


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