jeudi 4 février 2016 - par C’est Nabum

Entre cour et jardin

Villorceau, un décor de rêve

Elle s'appelle Sabrina et se souvenait d'un voyage scolaire au Canada où un drôle de professeur faisait chanter d'étranges chansons en patois. Gilles, son mari, se souvenait avec nostalgie du temps où il était acteur et technicien du spectacle. Ils vivent dans un petit village de Beauce qui dispose d'une merveilleuse salle de spectacle, construite par les habitants eux-mêmes, en un temps où ce genre d'initiative était encore possible.

Ils nous avaient reçus une fois pour un concert dans leur jardin en compagnie d'autres baladins qui aiment à partager leur plaisir de la musique en dehors du cadre rigide des filières classiques. Ce fut ce soir-là que naquit l'idée d'un concert rien que pour nous : les modestes Traîneux d'Grève, ces va-nu-pieds qui sont boudés le plus souvent et parait-il, de ma faute, par les médias locaux.

L'obstination de Sabrina eut raison de tous les obstacles, les difficultés, les contrariétés. Elle réussit sa folle entreprise en créant une association ; elle remua ciel et terre pour que puisse se dérouler ce spectacle avec décor. Elle sollicita autour d'elle une bande de copains pour que puisse se réaliser cette idée farfelue et sans doute loufoque : « Faire venir au cœur de la Beauce, des chansonniers de Loire et de Bretagne ! »

Cette fois, j'avais ce décor dont j'étais toujours privé : un tonneau de taille respectable de nature à étancher ma soif d'authenticité, une brouette en bois, un collier de cheval, des lanternes, une botte de paille, une échelle de bois et, clou de l'affaire : une cabane au fond du jardin. Pour complaire à mon curieux camarade, né à Pithiviers, quelques drapeaux bretons ; allez donc comprendre ….

Un enfant du pays, Nicolas, avait depuis longtemps l'envie de nous accompagner à l'accordéon. En trois petites répétitions, le bougre se glissa dans les doigts onze de nos chansons. Il y avait de quoi s'enthousiasmer de cette collaboration gracieuse et si efficace. J'écoutais mes deux amis musiciens avec le sourire aux lèvres, conscient pourtant qu'ils me préparaient un bien mauvais tour : ma première chanson en solo.

Je faisais moins le malin : j'ai si peu le sens de l'harmonie que l'aventure risquait de prendre des allures de fiasco. Heureusement que le texte permettait quelques facéties et de nombreuses entorses à la ligne mélodique. J'avais pris pour l'occasion quelques cours de chant. Hélas, mon cas désespéré ne pouvait se satisfaire de cette pauvre rustine. Tant pis, je me lançai à l'eau et dans la cabane au fond du jardin …

Tandis que j'écris ces quelques lignes, Bruno, Alain et Gilles nos techniciens, s'affairent à peaufiner le décor, installer les lumières et le son. Sabrina reçoit encore des appels pour réserver une place : Casimir et Nicolas font leur ultime répétition. Le Bonimenteur prend des notes : il va dire des histoires nouvelles qui évoquent la Beauce : cette région de ma famille maternelle dont j'ai hérité l'accent et le parler

Comment décrire mon état d'esprit ? Je suis partagé entre impatience et inquiétude. Y aura-t-il assez de monde pour que nos amis réussissent leur pari et fassent rentrer un peu d'argent pour la caisse des écoles ? Serons-nous à la hauteur pour satisfaire un public peu habitué à la Loire ? Pour tuer le temps, j'ai pris le clavier, mon compagnon des angoisses et des joies. Je couche sur l'écran ces mots sans importance ; ils m'aident à attendre ce qui tarde tant à venir.

Je reprends ce texte au lendemain de notre spectacle. Il y eut une centaine de spectateurs ; j'espérai un peu plus ; il est difficile de faire venir des gens quand on n'a pas de nom, que les médias vous boudent et que la curiosité n'est pas au rendez-vous. D'autre part, les parents d'élèves et les enseignants pour lesquels avait lieu cette manifestation, n'ont pas daigné se déplacer ; c'est bien dommage ; cela démontre qu'il est devenu bien difficile de fédérer ceux qui se réfugient dans l'indifférence.

Les spectateurs présents furent heureux. J'en veux pour preuves les livres et les disques vendus, les sourires aux lèvres, les échanges et les demandes de renseignements pour des prestations analogues dans des foyers ou des associations. Nous emprunterons le chemin sinueux du bouche à oreille ; notre spectacle ne sera jamais de ceux qui font la UNE. Il faut accepter cette évidence.

Nous devrons aussi équilibrer un peu notre prestation. Il y a une trop grand place laissée aux chansons un peu mélancoliques. Les gens ont aussi besoin de gaîté. C'est juste une question de dosage, je ne doute pas que nous y parviendrons. Quant à mes contes, j'avoue ne pas comprendre ce qui séduit ainsi les adultes et pourquoi ils se laissent prendre aux émotions d'un grand escogriffe dégingandé ? Mais là, je ne veux pas chercher de réponse : j'ai trop peur de briser la curieuse magie qui opère en dépit de mon plein gré !

Spectaculairement vôtre.

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2 réactions


  • juluch juluch 4 février 2016 09:43

    En tout cas vous avez l’aire de bien vous amuser.......  smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 4 février 2016 11:31

      @juluch

      Ce n’est pas le terme qui convient

      Je fais très sérieusement cette activité qui me remplit de joie
      Je la prends au sérieux et y donne tout mon cœur et mon énergie


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