mardi 25 septembre 2018 - par Sylvain Rakotoarison

George Gershwin, le moderne hyperactif de la musique contemporaine

« La vie ressemble beaucoup au jazz. C’est mieux quand on improvise. » (George Gershwin).

George Gershwin

Il est des existences plus rapides que d’autres. Il y a cent vingt ans, est né George Gershwin, le 26 septembre 1898 à Brooklyn (New York). Il est l’un des plus grands représentants de la musique classique américaine du XXe siècle. Mais aussi l’un des plus "brefs". Gershwin est mort à l’âge de 38 ans, le 11 juillet 1937, à Los Angeles. Il avait un cancer du cerveau. Malgré la brièveté de sa vie artistique (entre quinze et vingt ans), il laissa une œuvre importante, près de cinq cents chansons et une cinquantaine de comédies musicales ! C’était peut-être pour cette raison, vaguement prémonitoire, que le musicien était un hyperactif, faisait mille choses en même temps.

Il travaillait toujours avec son frère aîné Ira Gershwin (1896-1983) qui l’accompagnait et lui écrivait les paroles… et à la mort de George Gershwin, son frère continua son métier de parolier tout en se consacrant à la postérité de l’œuvre de George.

Créatif, imaginatif, innovateur. George Gershwin n’était pas seulement musicien. Il était aussi dessinateur de caricatures, peintre (il a peint le portrait de son ami Arnold Schönberg en 1934, entre autres, et également des autoportraits), il dansait aussi, adorait discuter littérature et poésie, et même botanique, et il animait des émissions de radio sur la musique (en 1934). Il était un grand sportif, pratiquait beaucoup le tennis, le golf, la musculation, l’équitation, la randonnée, la pêche, et aussi la boxe (comme Édouard Philippe !). Il a vécu mille flammes en même temps.

Fêtard, il aimait vivre la nuit, séduire de jolies femmes, faire de grandes réceptions, etc., mais parfois, il quittait son domicile et s’isolait dans une chambre d’hôtel pour composer au calme. On lui prêtait des liaisons amoureuses avec de nombreuses femmes (dont une qui venait d’épouser Charlie Chaplin).

Enfant, George Gershwin a eu la vocation musicale en écoutant un de ses camarades jouer au violon Dvorak ("Humoresque") pendant que lui, jouait au ballon dans la cour. Un peu plus tard, il est devenu pianiste d’orchestre et a composé des comédies musicales qui ont eu beaucoup de succès. Son premier succès date de 1919 (avec sa chanson "I Was So Young, You Were So Beautiful"). Sa chanson "Swanee" s’est vendue à plus d’un million d’exemplaires. Broadway lui ouvrit les portes pour composer sa première comédie musicale alors qu’il n’avait que 21 ans. Les peuples des années 1920 cherchaient à se divertir après la Grande Guerre (et plus encore après la crise de 1929). Gershwin fut ainsi très rapidement célèbre et connut l’aisance matérielle.

Mais l’objectif de Gershwin, à la fois sûr de lui, arrogant, fier, mais aussi complexé, angoissé, plein de tocs (il avait besoin de mâcher quelque chose, d’où les cigares ou la pipe qu’il avait toujours dans sa bouche), ce n’était pas d’être relégué dans la simple "musique de boulevard" (musique populaire). C’était aussi d’être reconnu comme un grand musicien, un musicien "sérieux", ce qu’il a réussi à atteindre avec quelques œuvres musicales, comme "Second Rhapsody" (souvent oubliée) et son unique opéra "Porgy and Bess". Dès 1925, il fut joué au Carnegie Hall de New York (la plus prestigieuse salle de concert des États-Unis). Sa musique, à la fois populaire et classique, était originale et nouvelle, et fut appréciée par un large public.

_yartiGerschwin03

Elle fut une musique d’une époque : « La musique doit refléter les idées et les aspirations des gens et de leur temps. Pour moi, les gens, ce sont les Américains et le temps, c’est aujourd’hui. » (Gershwin). Et effectivement, Gershwin fut à l’évidence le symbole de la musique américaine, qui a eu une influence considérable et a fasciné tous les musiciens américains après lui, mais elle a aussi gagné une portée universelle.

Imprégné de nombreuses musiques différentes pendant son enfance, Gershwin a inventé le jazz symphonique. Beaucoup de ses œuvres sont devenues de grands classiques. Il a fait jouer ou chanter de nombreuses personnalités comme Fred Astaire (un grand ami qu’il a connu à ses débuts comme pianiste à l’âge de 16 ans : «  Cela serait extraordinaire si je pouvais écrire un show musical auquel tu participerais… »), Ella Fitzgerald, Louis Armstrong, etc. Il rencontra le musicien Maurice Ravel et Sergueï Prokofiev en 1928, et se lia d’amitié avec Arnold Schönberg et Alban Berg. Il composa aussi quelques musiques de films pour Hollywood mais il préférait nettement New York (et Broadway) à Los Angeles (et Hollywood).

Gershwin admirait beaucoup Ravel et comme il n’avait pas suivi d’études de musique, il voulut avoir de sa part des leçons de composition mais ce dernier refusa : « Pourquoi seriez-vous un Ravel de seconde classe alors que vous pouvez devenir un Gershwin de première classe ? ». Cela lui donna plus d’assurance pour faire ses propres compositions. Comment d’ailleurs ne pas penser à Pierre Henry quand on sait que Gershwin, pour composer sa célèbre musique "An American in Paris" qu’il a achevée à Paris, s’est permis d’utiliser quatre klaxons de taxis français ? Gershwin adorait aussi la musique de Stravinsky, Darius Milhaud, Shostakovich, Debussy, etc. Il a aussi rencontré à Paris Francis Poulenc.

À la question obsessionnelle de son existence musicale : « Jouera-t-on encore ma musique dans cent ans ? », la réponse est probablement oui. Cela fait maintenant plus de quatre-vingts ans qu’il a disparu, et on le joue toujours. Il a véritablement "créé" l’opéra américain. Voici quelques exemples connus de ses œuvres…


1. "Rhapsody in Blue" (1924)

Œuvre pour piano et orchestre, mélange de musique classique et de jazz, qu’adorait Leonard Bernstein. Ce fut probablement cette œuvre qui apporta à Gershwin la célébrité mondiale. Le concerto (sous le titre "An Experiment in Modern Music") fut créé le 12 février 1924 à New York, sous la direction de Paul Whiteman, avec le compositeur lui-même au piano (alors sans partitions).






2. "Second Rhapsody" (1931)

Œuvre pour piano et orchestre créée le 29 janvier 1932 à Boston par l’Orchestre symphonique de Boston dirigé par Serge Koussevitsky avec le compositeur au piano.






3. "An American in Paris" (1928)



Œuvre symphonique créée le 13 décembre 1928 au Carnegie Hall de New York sous la direction de Walter Damrosch.






4. "Porgy and Bess" (1935)

Opéra au livret rédigé par Ira Gershwin et Edwin DuBose Heyward, créé le 30 septembre 1935 au Carnegie Hall de New York.






5. "Summertime" (1935)

C’est une chanson devenue un standard du jazz qui était intégrée à l’opéra "Porgy and Bess" et qui fut créée le 19 juillet 1935. Au 1er juin 2017, on a recensé 82 712 interprétations publiques de cette œuvre, dont plus de 80% enregistrées (selon Wikipédia).






6. Concerto en fa pour piano et orchestre (1925)

Concerto qui fut créé le 3 décembre 1925 au Carnegie Hall de New York, par le New York Symphony Orchestra dirigé par Walter Damrosch, avec le compositeur au piano.






7. Trois Préludes (1926)

Courtes pièces pour piano créées le 4 décembre 1926 au Roosevelt Hotel de New York par le compositeur lui-même.






8. "The Man I love" (1927)


Chanson plusieurs fois "censurée", elle fut créée en 1927 à Roosevelt Hotel de New York.












9. Le "meilleur" de Gershwin…






Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :

Article de Nathalie Mollet sur le site de France Musique le 4 octobre 2016 : "10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur l’auteur de Rhapsody in Blue".

George Gershwin.
Maurice Chevalier.
Leonard Bernstein.
Jean-Michel Jarre.
Pierre Henry.
Barbara Hannigan.
György Ligeti.
Claude Debussy.
Binet compositeur.
Pierre Boulez.
Karlheinz Stockhausen.

_yartiGerschwin02
 



4 réactions


  • Ben Schott 25 septembre 2018 11:08
     
    « Musique contemporaine » ! J’ai arrêté de lire...
     


  • Taverne Taverne 25 septembre 2018 11:48

    Le XXème siècle et l’Amérique auront créé une forme de musique à part entière : le jazz.

    Pour les chansons, il y aurait beaucoup à dire. N’oublions pas les paroliers (je prêche un peu pour ma paroisse...). Voici un petit quart d’heure culturel pour ceux qui préfèrent le rock. Le saviez-vous ?

    La chanson « Summertime » : les paroliers du King la citent (« So hush, little baby, don’t you cry » du célébrissime 1er couplet) dans American Trilogy qui est une sorte de pot-pourri à la gloire de l’Amérique sous toutes ses facettes.

    American Trilogy cite aussi (et plus largement) deux airs traditionnels qui s’opposaient durant la Guerre de Sécession :

    - La chanson du Sud « Dixie », une chanson populaire américaine qui fut à l’origine composée par un chanteur de l’Ohio et qui devint très populaire et rapidement identifié à l’image nostalgique et à l’idéologie des États du Sud. "I wish I was in the land of cotton, / Old times there are not forgotten ; / Look away ! Look away ! Look away, Dixie’s Land ! ...« 

    - La chanson du Nord
    composée par un abolitionniste américain qui en appela à l’insurrection armée pour abolir l’esclavage. « John Brown’s Body » (titre original de « The Battle Hymn of the Republic »), fut écrite par Julia Ward Howe (militante abolitionniste et poétesse américaine). Elle devint un hymne nordiste durant la guerre de Sécession. Refrain : »Glory, glory, hallelujah ! Glory, glory, hallelujah ! Glory, glory, hallelujah ! His truth is marching on."

    Mais personnellement, je préfère la chanson Summertime en jazz. Difficile de dire quelle est la version la meilleure. L’une de mes préférées est la version de Sarah Vaughan avec sa voix grave et blues.

    Summertime, and the livin’ is easy
    Fish are jumpin’ and the cotton is high
    Oh, your daddy’s rich and your ma is good-lookin’
    So hush, little baby, don’t you cry


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 25 septembre 2018 12:14

    Summertime ...tout le suc du blues. Un grand.


  • vesjem vesjem 25 septembre 2018 18:15

    régulièrement diffusé sur les radios publiques françaises, pour faire avaler (méthode coué) au chaland, l’immense talent de ce créateur de navets


Réagir