lundi 25 août 2014 - par Frédéric MALMARTEL

Hagiographie de... Séraphin Lampion

Parmi tous les personnages des albums de Tintin lequel vous fascine le plus ? Pour ma part, j'avoue un faible pour Séraphin Lampion.

Celà parceque Séraphin Lampion est en même temps hors norme dans les albums de Tintin et... d'une banalité affligeante !

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Séraphin Lampion
Que vous le vouliez ou non, Séraphin Lampion s’installe !

Le Monde de Tintin, à l’origine, est un monde binaire : il y a les bons et les méchants.

Les bons peuvent être malins (Tintin), intelligents (Tournesol) ou stupides (Les Dupondt), ils sont variés, colorés, mais on les reconnaît, on les classe comme bons.

 

Il en va de même pour les méchants, machiavélique comme Rastapopoulos, droit comme le Colonel Sponsz. La diversité ne manque pas. Mais il n'y a pas d'ambigüité. Ils sont catalogués : méchants !

Au départ, Tintin est conçu pour les enfants, par un auteur catholique. Il est donc assez logique de retrouver cette dichotomie. La coloration que lui donne Hergé fabrique l’intérêt de ses récits.

Mais si on s’en était tenu là, Tintin serait aujourd’hui tombé dans l’oubli.

 

Ce qui a fait le succès de cette bande dessinée, ce qui fait qu’elle fascine encore tant d’adultes, c’est l’irruption dans ce conte pour enfants, un peu simpliste que sont les premiers albums du monde du réel.

L’irruption du monde matériel et de ses contraintes arrive au grand jour avec le capitaine Haddock. C’est lui qui aura droit à toutes les tuiles ! Une marche cassée sur laquelle on se casse la figure, c’est pour le Capitaine. Un sparadrap qui ne vous lâche pas du début à la fin de l’album : c’est pour lui.

Cette intrusion des contraintes du monde du réel enrichit évidemment le récit et bâtit son intérêt. Incontestablement, le Capitaine Haddock intéresse plus le monde des adultes. Car il a ses faiblesses (le whisky, mais pas seulement, il est aussi émotif). D’ailleurs ici même sur ce site, un des participants a pris pour avatar, un personnage de Tintin : le capitaine Haddock ! Pas Tintin !

Mais cette première intrusion à ses limites. Le Capitaine Haddock reste profondément bon. Lorsqu’il a des faiblesses alcooliques, il demande pardon.

La mécanique continue à fonctionner sans anicroche.

Cette mécanique cependant, somme toute plutôt ennuyeuse, va commencer à se dérégler, pour notre grand bonheur avec le Professeur Tournesol qui, par sa distraction va aussi gêner le bon déroulement des événements. Contrairement au capitaine, il ne demandera pas pardon pour cela. En ce sens, c’est le premier personnage qui en déraillant parfois, en faisant le zouave, ramène les personnages et le récit… sur Terre, sur Terre où tout n'est pas parfait.

Mais comme le capitaine Haddock, Tournesol reste un gentil. Même s'il lui arrive de faire dérailler un peu les récits il est à sa place.

Wolf, l’ingénieur, sera un cas atypique. C’est un gentil qui a une faiblesse, non pour un vice, mais pour le mal. Par là, Hergé donne un tour dramatique à son œuvre. Il reprend cette recette avec le personnage qui le trahira chez les Picaros.

Dramatiques certes, mais on est toujours dans le conte de fées. Des gentils affrontent des méchants. Simplement certains gentils, comme dans la tradition chrétienne, sont parfois tentés par le Diable.

Mais comme Haddock, comme Tournesol, ces personnages sont bien à leur place dans cet affrontement du Bien contre le Mal. Il s’écartent parfois, mais retrouvent au final leur juste place.

Et c’est vers la fin de l’œuvre de Tintin que va paraître le personnage hors-norme qui va, à notre plus grand bonheur, replonger Tintin, totalement dans le Monde du Réel.

 

Le personnage ne peut pas être catalogué parmi les bons ou les méchants. Il n’obéit pas à leur code.

Les bons, comme les méchants, reconnaissent la valeur de Tintin, sa suprématie.

Lorsque les bandits photographient Tintin au pied d’un escalier, c’est pour écrire sous la photo « Tintin, se méfier » ! Les méchants craignent Tintin !

Séraphin Lampion, car c'est de lui qu'il s'agit ! ne craint pas Tintin.

Lorsque ce dernier lui adresse un poli « Bonjour Monsieur Lampion », ce dernier répond « Salut galopin ». Bref, pour Lampion, Tintin n’a pas d’importance particulière. Dans ce sens, c’est lui, Séraphin Lampion qui nous ramène dans le monde du réel ! Qui que vous soyez, aussi grand que soyez – De Gaulle disait, je n’ai que Tintin comme rival – il existe toujours quelque part un Séraphin Lampion qui se moque comme d’une guigne de ce que vous croyez être votre renommée ! Séraphin Lampion, vous ramène à l’humilité !

 

Et Séraphin Lampion ne va pas s’arrêter là ! Non seulement il se moque de votre aura, des vos gallons, mais il va vous mettre des bâtons dans les roues, mieux qu’aucun méchant ne l’a jamais fait !

Lorsqu’il poursuit des bandits, le Capitaine Haddock depuis son hélicoptère, tente d’appeler du secours ! Manque de bol, entre lui et les secours, il y a Séraphin Lampion, et jamais le capitaine ne franchira cet obstacle !

Si le méchant fini toujours par être battu, il n’en est pas de même de Séraphin qui, comme son nom l’indique, se tient droit comme un lampion et ne bougera pas quoiqu’il arrive !

Séraphin Lampion c’est la fin de la victoire programmée, c’est l’atterrissage pour tous… au niveau des pâquerettes !

Là aussi, quelle leçon d’humilité !

Séraphin Lampion travaille pour les assurances Mondass, mondasse comme mélasse, comme poisse comme pétasse ! Ni son nom ni celui de son employeur ne le désigne comme un gentil ou comme un méchant ! Il est juste un casse-pieds !

Ce casse-pieds, c’est le monde réel qui émerge dans les albums de Tintin ! Séraphin Lampion a un employeur qu’il nomme, c’est le premier personnage de la série dont on connaisse l’employeur (hors Tintin pourrait dire, mais on l’a si peu vu écrire, alors qu’on voit régulièrement Séraphin essayer de placer ses assurances !). C’est un personnage aussi qui a une famille, nombreuse d’ailleurs !

Et comme malgré cette irruption tragique, du monde du réel dans ses albums Tintin doit triompher, il convient quand même que de temps en temps M. Lampion se fasse claquer le bec !

A la manière des invincibles envahisseurs Martiens de la Guerre des Mondes, c’est finalement un microbe, celui de la scarlatine, ou plutôt la peur de ce dernier qui le fera fuir à la fin d’un album. Dans un autre, c’est l’inattendu Castiafiore qui le remet à sa place. Ce personnage fantasque réussit là où les ruses et l’intelligence classique des gentils échouent !

C’est pour toutes ces raisons que je garde une certaine tendresse pour le personnage de Séraphin Lampion ! Ni bon, ni mauvais, souvent stupide, mais pas toujours, il ramène nos héros favoris dans notre Monde, il les mets à notre portée ; et c’est pour cela que je l’aime.

Il est en même temps une leçon d'humilité et... un immense espoir ! Il nous montre aussi que rien n'est impossible pour qui ose, pour qui refuse qu'on lui assigne une place à tout jamais !

Alors vive Séraphin Lampion, vive les assurances Mondass et c’est bien heureux qu’elles n’assurent pas contre les casse-pieds !



10 réactions


  • asterix asterix 25 août 2014 11:33

    Bonjour Le Kergoat...

    Hergé et ses personnages ont fait l’oeuvre de tellement d’études que plus personne ne s’y retrouve vraiment. L’approche ci-dessus du personnage de Séraphin Lampion apporte donc un bol d’air frais sur un auteur de BD que l’on aime ou déteste en fonction de ce qu’on place en premier au vu de la morale d’aujourd’hui.
    Citons en vrac :
    - le procès fait en Belgique par un étudiant ( ? ) congolais de 48 ans pour faire interdire Tintin au Congo sous prétexte qu’il s’agit d’une oeuvre raciste
    - l’accusation, fausse de mon point de vue, de collusion entre Hergé et le nazisme sous prétexte qu’il avait dessiné des personnages juifs « typés ». La réponse est là double. D’une part le Sceptre d’Ottokar et surtout de l’autre de deux planches du tome quatre des aventures de Quick et Flupke jamais reparues depuis où il accuse de manière très symptomatique le Mussolinisme et Adolf
    - le fait qu’Hergé n’a plus jamais dessiné lui-même un Tintin depuis la première version couleurs ( demi-couleurs) du même Sceptre d’Ottokar qui fut entièrement redessiné par E.P Jacbs, le génial auteur des Blake et Mortimer
    - la trahison d’Hergé envers son plus fidèle collaborateur Bo Demoor à qui il avait toujours formellement promis qu’il allait, après sa mort ( due à l’excès de whisky ) qu’il savait prochaine, de pouvoir reprendre les aventures de son héros, chose qu’il infirma dans son testament
    - le pire est la confiscation de l’image merchandising d’Hergé par sa veuve et son nouveau mari dont je n’ai même pas envie de rechercher le nom tant ce personnage est abominable et rapace et qui le paye aujourd’hui avec le flop de dimension qu’est le Musée d’Hergé.( Nick Rodwell ? me dit ma mémoire à la relecture )
    Entre-temps Hergé n’est plus, il est devenu une cote pour salles de ventes spécialisées.
    Qui me rendra les tomes un, deux et trois de Quick et Flupke en noir et blanc qu’on m’a un jour volés ?.
    Surtout le premier, il portait le numéro 193 et était signé de la main même d’Hergé... 
    Mon personnage préféré ? Il y en a deux : le senhor Oliveira et le petit prince Abdallah.
    Vous verrez : un jour, un hagiographe prétendra qu’Hergé était islamiste avant l’heure...


  • Diogène diogène 25 août 2014 14:41

    Allo ? Allo ?

    Monsieur Tintin ?
    Ici, c’est la boucherie Sanzo.
    La commande de M. Lampion est prête.
    Je peux la livrer maintenant ?

  • bourrico6 25 août 2014 14:41

    En même temps, le héros intelligent et bon est souvent un personnage chiant et rabat joie.

    Dans Astérix et Obélix, le héros est un des personnage les plus chiant du lot, n’importe quel habitant du village m’inspire plus de sympathie que ce nabot au QI de 180.
    Le personnage secondaire, sensé mettre en valeur le héros, lui vole souvent la vedette dans les faits.
    Pour ma part, un Haddock à plus de personnalité qu’un Tintin.

    Et pour achever ma démonstration,voyez le succès de l’anti-héros par excellence, mon héros à moi, j’ai nommé, Gaston Lagaffe.... devenu héros malgré lui.

    Le raison en est simple, les gens parfaits sont chiants, plats, limite sans vie.


    • docdory docdory 26 août 2014 10:03

      @ Bourrico 6

      Oui, un autre exemple est celui des Shadoks : tout les afficionadois de cette géniale série animée préfèrent cent fois les épisodes mettant en scène les Shadoks que ceux montrant les Gibis !

    • bourrico6 26 août 2014 11:49

      Ah ben pour te dire, je connaissais les Shadocks, mais pas les Gibis. smiley


  • Yohan Yohan 25 août 2014 21:14

    Moi j’aime bien Philémon Siclone. Il me fait penser à Flamby (page 3 Cigares du Pharaon) notre capitaine de pédalo.

    « Qu’est-ce que vous faites là » demande Tintin
    « Vous voyez bien, je rame » répond Philémon smiley


    • Yohan Yohan 25 août 2014 21:15

      « Mais votre canot n’est pas à l’eau » rétorque Tintin smiley smiley smiley


    • Frédéric MALMARTEL Le Kergoat 25 août 2014 21:26

      Hi hi ! Il y a un peu de ça !

      Et Sarkozy c’est oliveira da figueira qu’arrive à vendre une paire de skis à un bédouin dans le désert !

       smiley


  • bourrico6 26 août 2014 11:51

    Peuvent pas s’empêcher de venir nous pomper l’air avec leur humour politiques à deux sesterces. smiley


  • bourrico6 27 août 2014 12:42

    Prendre la vie au sérieux montre un grand déficit d’ intelligence .

    Tu réalises quand même que c’est complétement con comme phrase.
    Tu l’as lu ?
    Tu l’as comprise ?

    Je parie que non smiley


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