Je me souviens du Festival de Cannes 50 années après 68
De Dany à Jane en passant par Julie & John, le puzzle de notre mémoire s’articule en grand désordre glamour autour de la 71ème édition du Festival du film International de Cannes.
Si le support photographique est là pour cristalliser ces moments d’émotion, de feeling ou de nostalgie reconstruite dans la subjectivité, nous savons, néanmoins, que c’est la projection cinématographique effective qui légitime l’appréciation de cet évènement annuel en phase relationnelle avec la mondialisation au fil des saisons culturelles successives.
En outre la pléthore des films, toutes sélections confondues, effectue naturellement un focus arbitraire qu’il n’est pas forcément nécessaire de disséquer mais qu’en revanche il faut être capable d’assumer dans une véritable empathie sensitive fédérant les points de vue de l’individuel jusqu’à l’universel.
C’est bien là le charme du Festival de Cannes que de créer, de manière récurrente, cette bulle protectrice permettant d’identifier spécifiquement chacune de ses éditions… dont, effectivement, on devrait pouvoir se souvenir à jamais.
Alors, Oui en 2018, Daniel Cohn-Bendit était présent, non pour y refaire le monde mais, au contraire, pour en faire « La Traversée » sous forme de prospective 50 ans après 68 ;
Oui, Jane Fonda illumina « Cannes Classic » en présentant un documentaire « en cinq actes » lui étant dédié sous la signature de la réalisatrice américaine Susan Lacy ;
Oui, Julie Gayet se mutait en productrice fière de présenter « The state against Mandela and the Others » consacré aux luttes engagées par les proches de Nelson Mandela contre l’apartheid ;
Oui, Margarethe von Trotta accompagnait avec ferveur sa réalisation « Searching for Ingmar Bergman » livrant les coulisses du parcours existentiel du grand metteur en scène suédois ;
Oui, Kevin MacDonald rendait compte avec « Whitney » (Houston) de la descente aux enfers que la destinée organisa inexorablement autour de la célèbre chanteuse ;
Oui, John Travolta, lui, allait joyeusement, 40 ans après son triomphe, assister en famille à la représentation de « Grease » au Cinéma de la plage. Et ainsi de suite…
Observons que si « Climax » de Gaspard Noé pouvait être, par excellence inversée, le film de « La Quinzaine des Réalisateurs » ayant réussi à susciter un summum de « perplexité », cet euphémisme pourrait néanmoins annoncer son futur statut de film « culte » grâce à sa première demi-heure dédiée au « Voguing ».
Par contraste, « Be natural : the untold story of Alice Guy-Blanché » nous aura fait découvrir la première réalisatrice française d’Hollywood, au début de l’époque héroïque des fameux studios imposant peu à peu et à rebours leur formatage imprégné de misogynie latente, grâce à un « autobiopic » réalisé par Pamela B. Green qui, étrangement, pourrait ne jamais être terminé tant sa démarche socio-artistique correspond à une recherche « sans fin » de témoignages… à exhumer au fur et à mesure des révélations enfouies dans la mémoire collective.
Alors, bien sûr, viendra le temps des palmarès et notamment celui du plus prestigieux d’entre eux se parant d’une Palme d’Or remis donc, en 2018, à « Une affaire de famille » de Kore-Eda Hirokazu : Itinéraire subtil et paradoxal, s’ouvrant au final sur la destinée d’un jeune garçon vers sa potentielle émancipation alors même que son alter ego au féminin sera abandonnée aux contraintes filiales retrouvées, après que l’une et l’autre ont côtoyé ensemble les tentations de la marginalisation moralement débridée et délictueuse au sein d’une même famille hôte, affectivement « recomposée » pour la cause.
Mais nous pourrions aussi évoquer « Monsieur (Sir) » de Rohena Gera, prix Fondation Gan à « La semaine de la Critique » qui nous a laissé une forte impression de sincérité et de dignité au cœur de l’Inde en prise avec ses contraintes ancestrales.
Il est, par ailleurs, conséquent que le prix d’interprétation masculine soit revenu à Marcello Fonte pour sa prestation mémorable dans « Dogman » de Matteo Garrone tant son style italien rappelant Dustin Hoffman fait mouche dans ce film où les rapports de forces évoluent entre bons sentiments et violence latente arbitrés par la gente canine en effervescence.
Le prix de la Quinzaine revenu à « Troppa Grazia » aura eu le mérite de récompenser une comédie écologique éclairée par La Madone au rythme d’une lutte instinctive contre les abus de spéculation immobilière dans une « mystification » tout à fait réjouissante.
Enfin n’oublions pas, pour le nec plus ultra, que Jean-Luc Godard ayant réussi à faire arrêter le Festival en mai 68, a reçu en 2018 une Palme d’Or spéciale pour « Le livre d’image »… quasiment aussi originale et même surréaliste que sa conférence de presse internationale effectuée en direct depuis son domicile en Suisse vers le Palais cannois par le biais d’une communication vidéo, entre smartphones interposés, mise en scène de manière complètement « artisanale ».
Sans légende !... Et à méditer dans la perspective du 72ème Festival du film international de Cannes...
FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE CANNES 2018
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