vendredi 7 février 2014 - par Armelle Barguillet Hauteloire

Jean-Michel Maulpoix ou la poésie du seuil

On le sait, depuis plusieurs décades, la poésie traverse son purgatoire ou, mieux, vit dans les catacombes. Et pourtant notre époque ne manque pas de belles voix pour nous entretenir de l'essentiel et nous aider à traverses les apparences. Jean-Michel Maulpoix est de ceux-là.

Jean-Michel Maulpoix, poète et écrivain, agrégé de lettres, né en 1952, sait mieux que personne saisir les émotions intimes, tout en centrant l’essentiel de ses textes en prose sur l’autre, le frère, l’amante ou l’ami, ainsi que sur le monde et les sensations fugitives qu’il suscite. Le poète s’emploie également à un travail sur la mémoire, là où s’ajoute à l’immanence un examen critique de soi-même, une quête soucieuse et une aspiration à l’autre versant des choses, ce versant qui se veut étrange ou invisible. Homme du seuil, Jean-Michel Maulpoix tente de se maintenir en équilibre entre extérieur et intérieur, assumant sa perplexité et initiant une interrogation subjective afin de rester vivant, dans le flot énergique de la vie et, ce, malgré les affres d’un monde dont on ne parvient pas à assurer l’ordre.

« Il s’agit d’une méditation tournée vers ce qui se dérobe ou ce qui nous échappe : analyser la substance de ce qui fait l’existence humaine dans ses aspects les plus impalpables et les plus secrets, chercher les points de rupture, les points d’équilibre, les coutures … Explorer l’intériorité à travers un motif choisi » - disait-il lors d’une interview.

Ce qui intéresse le poète est autant ce qui passe que ce qui dure, à condition que le souci de la langue soit respecté. Son diagnostic est sans complaisance : « Tour à tour nous avons perdu le réel et l’imaginaire. Nous sommes les citoyens hébétés d’un univers inquiétant sur lequel nos actes semblent n’avoir aucune prise… » Aussi priorité est-elle accordée aux lieux d’espérance, le poème représentant une sorte d’état privilégié, un retour au beau langage sans pour autant céder aux affirmations péremptoires. Car le mystère demeure. Il est notre quotidien et mieux vaut procéder par approche et allusion dans le seul souci de sauvegarder le désir.

Je n’écris jamais que des commencements. Seule est émouvante la lisière des mots, le toucher hasardeux de la plume sur la page…

… La parole n’est pas en moi ce qui résiste, mais le roseau qui plie. Tout ce qui s’émerveille de subir.

L’aube, tel un livre de peu de mots.

Ecrire pour inventer à chaque fois une innocence. N’ayant sur terre qu’une place accidentelle, je parle en miettes. L’éphémère suffit à ma nourriture. Ma soif ne s’apaise pas.

Pour vous donner le goût de cette belle prose, je joins quelques extraits de « Dans la paume du rêveur  » , mon recueil préféré :

Voici le poème revenu sur les épaules des anges. Au bout du long chemin d’images incroyables. Pâle, au sortir de la mine de neige.

Voici le mot qui fut le soc et la cognée. Voici la plume d’or. Et sur le tronc un long cortège de filles noires.

Arbres tressés de songes, linges et voix, tout l’amour à l’œuvre dans les chambres d’oiseaux.

Celui qui est assis dans l’herbe s’efforce de ne pas y croire. Chasseur toujours et menacé. Avide, scrutant l’obscur. Pourtant le cœur à neuf, prêt à cesser de battre.

Armelle Barguillet Hauteloire



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