mardi 10 septembre - par Vincent Delaury

L’été de la peur (au cinéma !), via ses actrices

Focus sur trois films récents - inégaux, mais attachants, grâce à leurs comédiennes talentueuses, respectivement Mia Goth, Cailee Spaeny et Naomi Ackie - vus au cinéma, durant cet été 2024 : de MaXXXine (réalisé par Ti West) à Alien : Romulus (par Fede Álvarez) en passant par Blink Twice (Zoë Kravitz), via un petit détour par Trap (Bouh ! Pas top du tout, signé pourtant par un grand nom, M. Night Shyamalan (Sixième Sens), dit Shy), en se posant notamment la question suivante : Quid de la peur au cinéma ?

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« L'émotion humaine la plus puissante est la peur. C'est l'essence de tout bon thriller que de pouvoir faire croire au Grand Méchant Loup pour un instant  », confiait le réalisateur John Carpenter (Halloween, Christine, Le Village des damnés), cinéaste de la contre-culture (76 ans au compteur, « Big John » ne tourne plus guère, trop poil à gratter), au Time le 16 novembre 1987 ; cette année-là, sortait, dans les salles obscures, son étrange et prophétique Prince des ténèbres, avec le génial Donald Pleasence (1919-1995), long-métrage évoluant dans les eaux troubles de l'obscurantisme religieux et de l'évangélisme ésotérique (survendu par les mass médias), ce film-là, avec deux autres, et non des moindres (The Thing, L'Antre de la folie), appartenant à sa « trilogie de l'apocalypse ».

Par le biais de contes littéraires, de musiques flippantes, de romans horrifiques (le maître en la matière étant Stephen King) et du cinéma de genre justement (polar noir, suspense, SF sombre, fantastique, horreur, épouvante), qui nous intéressera ici particulièrement, se faire peur pour le plaisir de se créer des sensations fortes en se penchant sur ses angoisses les plus inavouables (on dit que la peur la plus répandue en société est l'agoraphobie, à savoir la peur de quitter sa zone de confort (chez soi) pour aller vers l'inconnu (la diversité du réel, l'autre, le trop-plein)), c'est apprendre, très certainement, à mieux se connaître, expérimenter son système de fonctionnement en jouant sur les mécanismes en interne de son propre mode de survie qui est sollicité lors de cette sensation de peur provoquée en nous.

Le père Hitch, orfèvre en la matière (Psycho est un terme suffisamment explicite), a beaucoup joué sur ça, avec délice à répétition, et les psychanalystes ne sont pas en reste non plus pour expliquer ce grand plaisir à se faire peur, comme un révélateur de soi-même, de sa psyché. C'est bien connu, la peur est une émotion naturelle. Au quotidien, lorsque l'on vit une émotion forte, avec la menace d'un danger imminent (en vrai, ou au cinoche, cet art, au plus près du réel, en mêlant espace et temps, étant certainement le plus à même de jouer sur la suspension (consentie) de l'incrédulité chez le spectateur complice, qui n'est autre qu'une opération mentale consistant, selon sa définition classique à « accepter de vivre une fiction comme s'il s'agissait de la réalité pour mieux ressentir ce que pourrait être la situation évoquée  »), notre « système d'alerte » se met immédiatement en branle : ce mécanisme naturel est déclenché par notre instinct de survie pour mieux affronter un danger potentiel, afin de nous mettre dans un état de vigilance. Et, lorsque l'on vit cette émotion, des hormones comme l'endorphine et l'adrénaline sont alors sécrétées, aidant à dépasser la peur. Et, comble de la jouissance (associée certainement à une certaine pulsion scopique (ou de la puissance du regard), même s'il n'est pas rare de se cacher derrière son oreiller ou, plus facilement, au cinéma, l'épaule de son voisin !), une fois l'émotion passée, l'« hormone de satisfaction très addictive » qu'est la dopamine agit assurément comme une vraie récompense. D'ailleurs, très souvent, après une grosse frayeur subite, et subie ! (saut de peur ou effet montagnes russes), on en rit ! À gorge déployée ou nerveusement.

En outre, jouer avec la peur au cinéma, c'est certainement apprendre à mieux se connaître, mais également en apprendre davantage sur une société, la nôtre ou celle des autres pays (outre-Atlantique et autres, telle notre voisine l'Espagne où, depuis un certain nombre d'années, le genre du film d'horreur se porte bien), ses codes, ses repères, ses tabous, son habitus, ses limites, ses peurs ataviques, ancestrales. Comme le disait le réalisateur américain farcesque Joe Dante (il y a des années de ça, aux Cahiers du cinéma), qui n’est autre qu’un Gremlins à Hollywood (sans oublier son chef-d’œuvre eighties Hurlements, fleuron du film d’horreur à la cuisson saignante) : « Pour faire l'état des lieux d'un pays, comme les États-Unis par exemple, regardez ses films d'horreur ! » Pas faux. Le cinéma, y compris de divertissement (on se souvient du « soft power ») est politique.

Par ailleurs, l'été est particulièrement propice, période estivale oblige, pour la sortie au cinéma de bon nombre de films d'horreur, d'ailleurs et ceci n'est pas un scoop les distributeurs et exploitants de salles - le cinéma est un art mais aussi une industrie ! - l'ont bien compris en tirant ad nauseam sur la corde de la sortie de moult films « horrifiques » diffusés, et cette année n'a pas dérogé à la règle, loin s'en faut (impossible de les citer tous ! Twisters, comme gros film à sensations (semi-raté) en a certainement été la grosse locomotive pour entraîner tous les autres avec lui (liste non-exhaustive), de Wake Up à Sans un bruit : jour 1 en passant par The Crow, Project Silence, Alienoid l’affrontement, L’I.A. du mal et autres Trap) ; très souvent, le jeune public - mais pas seulement, j'avoue, perso, aimé grandement le cinéma de genre ! Certainement, je pense pour retrouver/rejouer, les joies de l'adolescence, âge de tous les possibles pendant lequel on se montre fort impressionnable devant la machine Cinéma, miroir aux alouettes, aux projections sans fin et aux espérances - est friand de ce genre de films (fabriqués pour cartonner), y allant en groupe ou entre copains pour s'éclater (avoir peur et rire avec - double effet Kiss Cool), très souvent d'ailleurs il y a, à l'écran, leurs « semblables », cools puis bientôt à cran, des jeunes (effet miroir garanti), qui se font bientôt avoir, par une grosse bestiole carnassière ou quelque slasher retors, par manque fâcheux d'expérience, se mettant eux-mêmes dans le pétrin (ces protagonistes jouvenceaux n'ont pas vu assez de films, très certainement !) et, très souvent également, les personnages de jeunes femmes, dont la séduction par le détour de leurs beaux atouts féminins y est, comme par hasard, particulièrement bien mis en évidence, y crient un max !

Aussi, dans cet article, qui n'a pas valeur de thèse !, j'essaierai de revenir sur trois ou quatre films, tous ne sont pas pleinement réussis (loin de là), vus en août dernier, permettant de se pencher sur ce genre visiblement increvable qu'est le film d'horreur (ou d'épouvante, fantastique, slasher (tueur en série)), à travers le prisme de ses actrices, ou héroïnes en puissance, qui, ne font pas qu'y être « jolies filles » ou se contenter de grave hurler, le tropisme féministe alimente désormais les fictions mainstream, heureusement d’ailleurs), mais participent grandement de l'arc narratif, en en étant des éléments de tout premier plan, voire des forces motrices (redoutables) : à la fois faillibles (constitution physique ou mentale parfois fragile ne les rendant pas à 100% infaillibles, elles restent humaines, trop humaines) et puissantes (un morale d’acier, la proie peut se faire prédatrice), elles montrent, par le biais de l'action sur-vitaminée, qu'elles n'ont pas froid aux yeux et, par la même occasion, surtout pas peur des mecs - alléluia !

Aragon ne disait-il pas que « La femme est l'avenir de l'homme  » ? Il semblerait, qu'en ce moment, le cinéma hollywoodien, et ce plus que jamais, lui donne raison.

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« Emilia Pérez » (2024, par Jacques Audiard), un film un brin barré, avec un gros cœur !

Chères Mia Goth (actrice anglaise, 30 ans, de Maxxxine), Cailee Spaeny (chanteuse et actrice américaine, 26 printemps, vue, et admirée, dans Alien : Romulus) et Naomi Ackie (comédienne britannique, 31 balais, Blink Twice), tirant tous ces longs cités vers le haut, ce texte (qui n'est qu'une proposition, à savoir la possibilité d’une île pour piste réflexive quelque peu développée, aucunement un manifeste !), entre autres protagonistes de l’Éternel féminin (on n'oubliera pas au passage les trois actrices sémillantes et sacrificielles, Selena Gomez/Zoe Saldaña/Karla Sofía Gascón, du dernier Audiard, à la sauce almodóvarienne, l'enthousiasmant Emilia Pérez, se jouant avec malice de la confusion des genres, dans tous les sens du terme), est pour vous, la qualité (par moments discutable) des « gros » films précédemment évoqués (budgets d'importance) dépendant drôlement, comme signalé auparavant, de votre niveau de je(u). Alors, merci à vous pour le « transport en commun » (Godard) qu’est le cinéma, au pays de la peur.

On se lève tous pour MaXXXine ! 

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Mia Goth est Maxine Minx dans le film « MaXXXine » (2024) de Ti West

Tout d’abord, MaXXXine, mon chouchou dans le genre film d’horreur, récemment (du 4 sur 5 pour moi) : au cinéma, dans l’Hexagone, depuis le 31 juillet 2024, interdit aux moins de 12 ans, États-Unis, couleur. De Ti West. Avec Mia Goth, Elizabeth Debicki, Moses Sumney, Michelle Monaghan, Kevin Bacon, Bobby Cannavale, Lily Collins, genre : Épouvante/Horreur, budget : 15 millions de dollars. Ce qu’il faut savoir : après X, sorti, avec succès en 2022 (seulement 1 million de $ !), et Pearl, qui n’est pas sorti en France en salles (directement sorti en vidéo), Ti West (43 ans) conclue sa trilogie horrifique avec MaXXXine, suivant à nouveau son actrice favorite, l’intrépide Mia Goth, coscénariste du film, des années après les événements du premier long, alors qu’elle doit faire face, dans un univers mêlant vie et cinéma, à un autre tueur en série, le tristement célèbre « Night Stalker » qui, soit dit en passant, a véritablement sévi à Los Angeles dans les années 1980.

Star de films pour adultes (l’industrie alors florissante, mais guère épanouissante, du porno), Maxine Minx, misant sur la Cité des Anges pour faciliter son élévation dans le star system qu’elle souhaite fulgurante, décroche enfin le rôle de ses rêves ! Mais, alors qu’un mystérieux tueur traque les starlettes d'Hollywood, Maxine se voit également bientôt approchée et menacée, avec, en prime, des indices sanglants de son passé, on ne peut plus trouble, remontant, contre son gré, à la surface.

A Star is Born : MaxxxXXXxxxxine ! Aka Mia Goth. Clin d'œil, de ma part, à « Maureeeeeeeeen ! » dans Il était une fois dans l'Ouest (1968) de Sergio Leone. Le revival Marylin Monroe sur tapis rouge : Maxine fait coucou à ses fans, dont peut-être nous (à travers l'écran). C’est à la toute fin du film éponyme de Ti West, lorgnant vers De Palma, qui louchait lui-même sur Hitchcock, alors que je m'attendais davantage, en l’imaginant après le triomphe du tout premier (succès commercial et fortune critique), à du Verhoeven érotique et retors (cf. la lap dance de l'ascension sociale dans son sous-estimé Showgirls, 1995, revu à la hausse avec le temps grâce, entre autres, à feu Jacques Rivette). MaXXXine focalise non pas sur Las Vegas, siège kaléidoscopique du long tordu signé Paul Verhoeven, mais sur Hollywood Boulevard, et sa mythique piste aux étoiles, décrit ici comme un immense lieu de tournage à ciel ouvert, devenant bientôt terrain de jeu pour parc à thème dangereux (la fabrique commerciale surpuissante du cinéma de studio calibré pour provoquer un max d’entrées), via un retour gourmand sur la mythologie du film d'horreur et du polar poisseux, entre vertiges, psychoses et chausse-trapes.

Malin en diable avec, en bonus, les burnes d'un sosie déviant de Buster Keaton écrabouillées en gros plan, par mamma Mia herself !, cet indice fulminant vous permettant de mieux comprendre le slogan de son affiche séduisante : « Le rêve hollywoodien n'a jamais été aussi sanglant.  » Et sexy, pourrait-on rajouter. Vous voilà prévenus !

Ce MaXXXine, selon moi, est un bon petit giallo à l'américaine, truffé de références (les trois Psychose, la blonde froide hitchcockienne, le splitscreen (écran partagé) depalmesque, les bizarreries mortifères lynchiennes, Chinatown, Shining, L’Exorciste, New York 1997, Le Dahlia noir, Chaplin, Buster Keaton, Brooke Shields, Paul McCarthy, l'avion supersonique le Concorde, j’ai même envie d’y voir du Clovis Trouille !). Certes, à dire vrai, ce n’est pas le coup d'éclat du premier, X, qui révélait à la fois un réalisateur (Ti West) et une actrice magnétique (Mia Goth) ; je ferai l’impasse sur le deuxième (Pearl), hélas pas vu, le tout formant une trilogie, mêlant ironiquement film porno et « cinéma normal » ou « traditionnel ». Mais ça passe, et l'Anglaise Mia Goth, coscénariste mais aussi productrice avisée (on n'est jamais mieux servi que par soi-même !), a la beauté du diable - beauté insolente et rock ! - qui, c'est bien connu, vient se loger dans les détails. Tour à tour innocente et provocatrice, Maxine est belle à damner, surtout quand elle trucide les mecs balourds, qui la pistent, sans vergogne ! La chasseuse, sous ses airs faussement angéliques (on la voit à un moment donné dormir comme un bébé dans une lumière mordorée), c’est elle !

Petite réjouissance estivale que ce malin MaXXXine, donc, tant le personnage – une fucking star en puissance ! - que le film, des plus vintage (les années 1980 et la K7 vidéo à l'honneur), alors, il ne faudrait pas bouder son plaisir : il joue encore dans quelques salles à Paname. Le talent de filmeur est là, tranquille. West, loin d’être carrément à l’Ouest (il connaît le grand potentiel de sa vedette principale), sait de toute façon qu’il tient là, avec elle, son effet spécial : Mia Goth, Oh My God  !, a du chien. Alors, ma foi, ce réalisateur déroule son ruban filmique peinardo dicaprio, dans un format standard (durée classique idoine d’1H40), sans se la jouer « auteur » campant sur ses impénétrables hauteurs.

Il est vrai qu'on aimerait que ça décolle un peu plus tout de même (entre nous, pas facile d’avoir la nervosité électrique contagieuse d’un William Friedkin), en même temps ce « petit » film de genre a la modestie de « ne pas péter plus haut que son cul » : aucun snobisme ni regard de surplomb quant au film d'horreur. Il ne vient pas non plus chasser sur les terres de Tarantino (qui s'y connaît en termes de cinoche revival, façon madeleine de Proust, des seventies et eighties, recyclant à mort les vestiges, glorieux ou de série Z, du passé) et, franchement, ça fait plaisir : ce MaXXXine, c’est, de toute évidence, un film très bien ficelé par un jeune cinéaste à suivre, au plus près, selon moi. Quant à Mia Goth, elle a déjà tout d’une star XXL, c’est peu dire qu’elle crève l’écran.

Alien 2024 à la sauce vintage (eighties) ou Aliens, le re-retour 

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Rain Carradine (Cailee Spaeny) et l’androïde Andy (David Jonsson) dans « Alien : Romulus », 2024, de Fede Alvarez

Alien : Romulus (cuvée 2024), le 7ème du nom [en salles depuis le 14 août dernier, 2024, 1h59, Royaume-Uni, États-Unis, couleur, de Fede Alvarez, avec Isabela Moner, Cailee Spaeny, Archie Renaux, David Jonsson, Spke Feam, Aileen Wu, budget : 80 millions de dollars]. Pas mal. Du 3,5 sur 5. Un assez bon cru.

Ça raconte quoi ? Septième long-métrage de la saga, cet opus est né d’une scène coupée au montage d’Aliens, le retour, mis en scène par James Cameron en 1986, dans laquelle on voit des gamins courir dans les couloirs de la colonie sur la planète Acheron. En bon, et authentique, fan de la saga, Fede, loin d’être fada, s’est demandé quelle histoire il pouvait bien raconter avec ces enfants une fois devenus de jeunes adultes. Voilà son décor (rétro)futuriste planté : alors qu’il entreprend des fouilles dans une station spatiale à l’abandon et à la dérive, ce groupe de jeunes voyageurs, peu au fait d’une menace fantôme pourtant légendaire (la forte capacité des aliens à dézinguer toute menace vivante perturbant leur cocon environnemental, à coups notamment de sang acide déversé fort destructeur), se retrouve soudain confronté, comme convenu !, à la forme de vie la plus terrifiante de l’univers : le cauchemar noir profond peut commencer. 

Tout d’abord, le son surround de cet Alien 7, ou « design sonore » comme ils disent, est vraiment bon (son Dolby Atmos), ça m'a pas mal impressionné : lors de la projection (salle pleine), j'entends, à un moment donné, salle 30 de l'UGC Ciné Cité Les Halles (Paris), juste derrière moi, me semble-t-il, des craquements répétés, j'me dis « La vache, ça y est, y'a un fauteuil qui craque ! », mais en fait, non, c'était un son du film, pendant un instant de haute tension, du son diégétique (interne au film), comme disent les filmologues patentés. Bien fichu, l'effet sonore, ma foi, j'étais complètement dedans, « crédule », jouant le jeu savoureux de l’immersif ; j'aime aussi le cinéma pour ça : son aspect « fête foraine », nous ménageant, lorsqu'il s'agit d'horreur qui se respecte, rollercoaster et jump scare, distillés à foison.

Quid de ce numéro 7 ? Moins bon que le 1 (Alien, le 8ème passager, 1979, insurpassable, le Ridley Scott, un classique de la SF d’horreur), et que le 2 (Aliens, le retour, par le « canonnier » James Cameron, mis à l’honneur en ce moment à la Cinémathèque française (Paris) via une expo-rétrospective à couper le souffle (jusqu’au 5 janvier 2025), qui, de son côté, en bon faiseur, envoyait la grosse Bertha (les Marines coloniaux) et les machines maximisant la force humaine, notamment pour aider cette chère Ripley (Sigourney Weaver), afin d’affronter martialement une pléthore, d’où le pluriel du titre, de grosses bestioles dégoulinantes pas commodes.

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Ripley et Newt, tournage d’« Aliens, le retour » (1986) de James Cameron

Se laisse voir, franchement, ce number 7, louchant beaucoup sur le 2 (le seul selon moi, en termes de puissance filmique et narratologique, à pouvoir vraiment rivaliser avec le premier). Au-dessus des suites (inutiles) de Ridley Scott himself (5 et 6, sortes de pensums pachydermiques froids et trop ampoulés, déjà oubliés, Prometheus, 2012, et Covenant, 2017, zzz…). Le 3 de Fincher (1992), dans mon souvenir, a un atout de taille, se tenant résolument à une idée fixe, un poil brutal (rock indé) : du genre « Je rase la tête de Ripley/Weaver et elle va en foutre plein la gueule autant aux putains d'aliens fils de pute qu'à des bagnards décérébrés machistes » - jouissif, à l’arrivée (même si tout n’y est pas bon, un peu trop clip vidéo) ! Le Alien, résurrection (1997) du Frenchy Jean-Pierre Jeunet, qui avait été très déçu par la machinerie hollywoodienne ne tenant pas toutes ses promesses « Je n’ai jamais pu faire un plan sans problèmes techniques, précisait-il. Le mythe hollywoodien s’est effondré »), a pour lui sa poésie (cf. la sublime séquence aquatique), la présence de Winona Ryder et son humour « bricolo » marabout de ficelle (du fait maison, ou fait main, en gros « la poésie du boulon » assumée) lové, paradoxalement, dans de l’industriel hollywoodien.

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Première d’« Alien, le 8ème passager » (1979, Ridley Scott), panique (des spectateurs) à bord : le « Chestburster » (bestiole érectile sortant du poitrail de John Hurt) fait même sortir des gens de la salle de cinoche !

Écueils du 7 : met du temps à démarrer, un peu confus (l’exposition, la topographie, les enjeux, on comprend plus ou moins, avec son esthétique années 80 voulue, allant jusqu’à reprendre l’imagerie dystopique de Blade Runner (1982, toujours signé Ridley Scott, à savoir la pluie déprimante, les persiennes et le grouillement d’individus dans un cloaque urbain), que le récit (sombre) se déroule en 2180, entre Alien, le huitième passager et Aliens, le retour) ; la fin n’étant autre qu’une sorte de « duplicata », carrément, du premier (ne reste plus qu’une survivante dans le vaisseau de sauvetage de retour et, dans l'espace, c'est bien connu, personne ne vous entend crier - silence, ça dort ! Repos bien mérité), en même temps on peut voir ça comme une scène-hommage à un film culte, fleuron de la SF horrifique, ça se défend : on parlera alors, en jouant au spécialiste de cinéma un poil snobinard, de « postmodernité référentielle », voire autoréférentielle ! En gros, le cinéma, fier de son Histoire, qui se regarde grave le nombril, la palme revenant à Gus Van Sant avec son copycat Psycho, 1998, décalque fétichiste hallucinant, plan pour plan, du Hitchcock. Une véritable œuvre d'art muséale !

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Moment de détente, avant le tournage d’une scène d’horreur, entre Sigourney Weaver et Ian Holm, tournage d’« Alien », 1979

Atouts du 7 : bien sombre, dans l’esthétique Giger, l’auteur (dessinateur de génie, plasticien) originel de la saga et du mythe Alien, faut bien rendre à Romulus ce qui appartient à César (ou de la beauté fascinante des monstres et des circonvolutions claires-obscures torturées), le number « Se7en » (clin d’œil, de ma part, au Fincher culte, avec Brad Pitt) reprenant même la typo du générique du 1 pour le titre apparaissant à l’écran (véritable madeleine proustienne, jusque dans son lettrage chiadé) ; à H.R. Giger (1940-2014), le réal y apporte, en sus, je dirai, une petite touche « latino », à la Guillermo del Toro (Le Labyrinthe de Pan, 2006 : Fede Álvarez, 46 ans, est Uruguayen (né en 1978 à Montevideo), et déjà visiblement spécialisé dans le recyclage, auteur (remarqué) d’un Evil Dead en 2013 !) ; le rebootage de l’androïde Andy par un petit CD-Rom incorporé dans la fente de la nuque (p’tite touche actuelle dernier cri) et le retour « virtuel » du grand Ian Holm (1931-2020), salut à toi, ô grand acteur britannique ; à la fin, la naissance d’un bébé, grandissant très vite (incarné par un ex-basketteur), véritablement cauchemardesque à taille adulte, mi-humain mi-alien (arachnéen au possible, ils ont bien regardé The Thing, 1982, qui était lui-même un remake d'un film plus ancien (La chose d'un autre monde, 1951, Howard Hawks), de J. Carpenter, déjà inspiré lui-même par Alien !), né directement du vagin, pour le coup une vraie scène d’accouchement, d’une femme guerrière, touche érotique troublante doublée d’une fusion « La Belle et la Bête » déjà annoncées par le Scott génial du 1 (en fait, il avait déjà tout dit !) et développées habilement, plus tard, par Jeunet dans le 4 ; enfin, la présence, au casting, d’une actrice femme-enfant (bouille de gamine), l’interprète principale, Cailee Spaeny/Rain Carradine, comédienne remarquable et qui a déjà tout d'une grande : son visage est très expressif, jeune actrice à forte présence à l’écran, déjà excellente dans Civil War d'Alex Garland, elle mériterait un article, si ce n'est un Oscar ! Vue également dans le lénifiant Priscilla de Sofia Coppola, il faut savoir qu'Álvarez, ayant du flair, l’avait castée en amont, bien avant la sortie de ces deux films ayant eu une grosse visibilité ainsi qu'une solide couverture médiatique.

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La très talentueuse Cailee Spaeny dans « Alien : Romulus » (2024, Fede Alvarez) : personne pour l’entendre crier dans l’espace ?

Au sujet de sa jeune actrice, Fede Álvarez déclarait ceci, dernièrement, dans Mad Movies Classic #07, hors-série (août 2024) pour un retour sur la saga Alien (p.16) : « J’avais rencontré Cailee Spaeny une première fois pour un autre projet. Je l’avais trouvée fantastique, mais elle était hélas trop jeune pour le rôle que j’avais en tête. Elle est depuis restée dans mon esprit, car c’est une actrice très talentueuse. (…) Sur Alien : Romulus, j’ai commencé par accrocher une photo de Cailee. Quand des producteurs ou des collaborateurs venaient me voir, ils me demandaient : ‌"C’est qui, ça ?" Je leur répondais : "Vous ne la connaissez pas encore, mais je l’ai faite auditionner, et elle est géniale." »

Ouais, elle est... géniale, Cailee ! Ce film tient grâce à elle (le facteur humain, sous la pompe industrielle), elle rafle la mise (de l’émotionnel). Et, avec son visage juvénile de jeune femme (tour à tour apeurée, résolue et attendrissante), la fascinante Spaeny semble comme fusionner la Ripley « Femme Forte » méga burnée (Sigourney Weaver) avec la petite Newt, orpheline (à l'instar de Rain) et sauvageonne (campée par Carrie Henn, jeune pousse devenue depuis enseignante !), d’Aliens labellisé Cameron, « the GOAT », forte et fragile, protectrice et à protéger, donc. Deux en une, quoi, pas mal, on ne perd (quasiment) rien au change. Boudiou ! Qu’ils sont forts ces Ricains (producteurs, scénaristes, moviemakers...), en faisant croire qu'ils donnent à voir du nouveau alors qu'ils resservent des plats quasi similaires en variant juste, plus ou moins, les mêmes ingrédients !

Blink Twice, question film qui prend aux tripes, bien plus fort que Trap ! 

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Naomi Ackie est Frida dans « Blink Twice », 2024, signée Zoë Kravitz, fille de Lenny

La vie sans… Zoë (clin d’œil ici, de ma part, à un court-métrage de Coppola appartenant au film à sketches New York Stories, 1989) ? Que nenni ! Réalisatrice de Blink Twice [sortie au cinéma le 21 août dernier, interdit – 12 ans, 2024, États-Unis, couleur, 1h42, genre : thriller, avec Naomi Ackie, Channing Tatum, Alia Shawkat, Christian Slater, Simon Rex, Haley Joel Osment, Adria Arjona, Kyle MacLachlan] : Zoë Kravitz (35 ans, il s’agit de son premier long métrage (au budget tout de même conséquent, 20 millions de dollars), bien maîtrisé pour le coup en tant que galop d’essai, elle n’était « qu’ » actrice jusqu’à présent, et ce depuis plus de 15 ans, du 3,5 sur 5 pour moi).

Et scoop : c'est le retour (vintage) du polaroid ! Appareil à photographies instantanées qui a connu son âge d’or durant les années 70 à 90, au point que de grands artistes plasticiens s’en sont emparés avec gourmandise (de David Hockney à Andy Warhol via Nobuyoshi Araki), et qui a ici son importance dans la trame de Blink Twice : ou la preuve par l’image ; au passage, on emprunte le Ça a été photographique, sur fond de mystère (ou possible twist renversant), d’un avant-drame longtemps couvé, ne demandant prochainement qu’à jaillir avec effusion de rouge sang (cf. le torrent de l'ascenseur), au génial Shining (1980), lorsque l’on voit de manière troublante, à la toute fin du Kubrick, l’écrivain raté Jack Torrance (Jack Nicholson) posant fièrement, et tout sourire (carnassier), pour une photo-souvenir en noir et blanc, parmi plein de clients endimanchés lors d’un bal du 4 juillet 1921.

Mais chut, je ne veux pas trop spoiler Blink Twice. Dans la famille Kravitz, je demande, non pas le papa (un certain Lenny, 60 ans, aux riffs de guitare funky pas mal du tout !), mais sa fille : Zoë (eue avec Lisa Bonet) : bonne nouvelle car, au vu du patronyme célèbre, on pouvait craindre le pire, du genre fille de, ou « fille à papa », poussive. Mais il n’est en rien ! Quel talent de conteuse habile, soignant avec goût, de surcroît, sa bande-son au cachet rock (elle n’est pas la fille de Lenny Kravitz pour rien) !

En outre, concernant la distribution, en parallèle de la présence (impeccable) de Channing Tatum au générique, vu il y a une douzaine d’années en chippendale en surchauffe dans le mémorable Magic Mike de Soderbergh, et de son actrice principale (que je découvrais ici), Naomi Ackie [très intéressante à regarder, notamment lorsqu’elle sort, à sa copine complice, évoluant maladroitement toutes deux, au début du long, dans un monde bling-bling de riches, « Comme disait ma mère, la meilleure des vengeances est la réussite  » : bref, venant de la base, elle veut s’en sortir socialement, financièrement parlant, quitte à frayer avec le gratin puant pour, peut-être, le prendre à son propre piège, emprisonné qu’il est dans sa prison dorée de signes extérieurs de richesse asphyxiants, puis, à un moment donné, la caméra de la réalisatrice s’attarde finement, via un superbe gros plan, sur la plasticité du visage de cette héroïne Frida, recelant des états d’âme fort changeants, comme lorsqu’elle vient focusser délicatement sur la pupille qui bouge sous la paupière de l’actrice pendant l’activité du sommeil paradoxal, sachant que le rêve et les souvenirs, ou leur regrettable absence façon passé enfoui, ont leur importance dans le récit, autrement dit Blink Twice baigne dans les eaux marécageuses du souvenir empêché], Zoë Kravitz se paie tout de même un casting quatre étoiles avec quelques stars sur le retour tout à fait à leur place ici : Geena Davis, grand sourire (irrésistible), peut vite glisser, avec sa Stacy constamment borderline, vers la folie du hors contrôle drolatique, Christian Slater, à la cool dans sa chemise « à la Hawaï » (tournage au Mexique) et son petit chapeau de vacancier à vie un brin artiste, fait grave une fixette sur le polaroid, appareil « enregistreur du réel » cachant bien des zones d’ombre, notamment dans son rapport (compliqué, malsain) aux femmes et, last but not least, Kyle MacLachlan, l’acteur (vieillissant) fétiche de David Lynch, trimballe tellement avec lui, comme à son habitude, un aspect corseté au bord du poisseux qu’il en devient, notamment dans ses silences et son regard fixe, passionnant à regarder, parce que troublant, opaque, comme muré, à jamais, dans son propre mystère.

Au fait, que raconte ce Blink Twice, retors à souhait, et à l’inquiétante étrangeté bienvenue (des choses familières y deviennent soudain suspectes) ? Lors d’une soirée huppée de collecte de fonds, histoire de se racheter une réputation battant sacrément de l’aile, un milliardaire ayant fait fortune via la technologie, un certain Slater King (le beau C. Tatum), rencontre Frida, une serveuse lambda : bingo ! Il l’invite fissa sur son île, en apparence paradisiaque, le champagne y coule à flots, sur fond de soirées décadentes. À la manière d’Un jour (festif) sans fin, l’oisiveté, mère de tous les vices !, y est reine, les nuits animées alternant non stop avec les journées les plus ensoleillées possibles, personne ne souhaitant que ce voyage, à l’ombre des palmiers en fleurs, se termine. Mais, bientôt, du zarbi moite se pointe, avec des événements déconcertants qui commencent à s’y produire. Frida tente alors de soulever la surface lisse de l’image de papier glacé, trop propre en apparence, pour voir ce qui se trame dessous, quitte à remettre en question la réalité de ce lieu s’affichant, de prime abord, parfait (du genre la vie des palaces all inclusive au grand air, avec mer azuréenne, colliers de fleurs ambiance Tahiti, buffet, et autres substances pour paradis artificiel, à volonté). Pas de doute possible, il y a quelque chose qui cloche dans cette localité verdoyante isolée, trop belle pour être vraie. À Frida, non sans courage (tout y est pesamment piégeux), de traquer la vérité, au risque de déchanter sérieusement, si elle veut sortir vivante, et si possible pas trop amochée, de cette fête babylonienne continue, virant au dantesque.

Un conseil, histoire d’entrer dans la danse (macabre, avec un parfum de vaudou) du film - ça commence un peu façon le Sans filtre provoc (la lutte des classes battant son comble) de Ruben Östlund (Palme d’or 2022), pour se prolonger en Île du Dr Moreau (les envoûtés et les déviances sont de sortie), avant de finir en bain de sang, ou jeu de massacre désopilant, à la Tarantino sur fond de féminisme farouchement revendiqué (les mecs, pour la plupart salopards en puissance, y prennent pour leur grade !) : clignez des yeux deux fois - signification de son titre - et, diantre, allez voir Blink Twice, c’est à la fois flippant et drôle et, ma foi, plutôt réussi !

Par contre, et comme quoi ce n’est tout de même pas évident - il n’y a pas de recette miracle marchant à tous les coups - de réussir un thriller ou un film d’horreur, j’ai vu récemment Trap [No Way Out, en salle depuis le 7 août dernier, États-Unis, Royaume-Uni, 2024, couleur, genre épouvante/horreur, de M. Night Shyamalan, avec Josh Hartnett, Ariel Donoghue, Saleka Shyamalan, Hayley Mills, Alison Pill, Marnie McPhail]. Ouille. Pas loin d’être une arnaque totale - au secours ! Du 1,5 sur 5 pour moi.

Shy (54 ans) a perdu le main, on dirait. Tout y est quasiment raté et, son humour, des plus poussifs. On devine à l’avance toutes les blagounettes (notamment celles, lourdingues, avec le vendeur bavard du stand à tee-shirts). L’intrigue « à la mords-moi-le-nœud », tarabiscotée pour rien (surtout vers la fin, à rallonge), fatigue ; c’est trop long (dernier tiers pas loin d’être rasoir, sortez-nous du tunnel (narratif)) ! Le tout s’enroulant autour d’une énième histoire de tueur en série, un certain Cooper (le lisse Josh Hartnett), traumatisé plus jeune par sa mère, aussi il se venge - bouh ! Bonjour Mister Hitchcock (Psychose, encore). En sus, on a un vague sosie (Hayley Mills) de Jeanne Moreau pour faire la boss vétérane du FBI aux aguets (super profileuse, pas crédible), peut-être que M. Night Shyamalan, allez savoir, avait kiffé notre grande actrice dans Nikita (1990).

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Un père (Josh Hartnett/Cooper Abbott) et sa fille (Ariel Donoghue/Riley Abbott) dans « Trap », 2024, de M. Night Shyamalan

Puis, le plus grave pour moi, ce qui est méchamment raté, c’est le « fan club » : un dangereux psychopathe (Cooper, bon père de famille en apparence, l’Américain modèle), qu’on appelle le « Boucher », traqué, se réfugie dans une salle de concert garnie, non seulement de flics au taquet, mais également de jeunes filles kawaï – s’y trouve sa propre fille de 12 ans, Riley (Ariel Donoghue) qu’il accompagne pour lui faire plaisir – comme hystérisées par la présence, sur Cène, oups pardon, sur scène, de leur pop star préférée nommée Lady Raven : c’est d’ailleurs, comme pour les Kravitz, mais en moins heureux, une histoire de famille, puisque cette chanteuse sous les feux de la rampe est jouée par la fille du réalisateur, Saleka Shyamalan, aucun charisme à l’écran, chanteuse de métier dans la vraie vie - au fait, le pitch du film est sur l'affiche ! « 30 000 spectateurs. 300 policiers. 1 tueur en série. S’échappera –t-il ?  »

Mais, là encore, aucune passion, aucun faux-semblant (hormis le gouffre d’une trappe obscure intéressante, à un moment donné, captée en plan fixe, menant aux coulisses, comme possible échappatoire pour Cooper afin de quitter cette salle comble-souricière), aucune véritable chausse-trappe, aucune dangerosité à l’œuvre : c’est simple, sur ce terrain-là (que faire du fan lourd, fada, traqueur ?). Shy - pourtant peu modeste en interview, semblant convaincu de son fait, tant mieux pour lui : « Nous voulions [sa fille et lui] créer une expérience cinématographique où la musique fait vraiment partie de la structure de l’histoire. Cela nous a pris deux ans pour trouver la structure parfaite pour cette intrigue mais je pense que nous avons réussi notre pari.  » - rate, à peu de choses près, ce que réussissait David Cronenberg, en virtuose, dans son chef-d’œuvre eXistenZ (1999), en élevant, en zones grises, au rang d’icône suprême d’une secte, une créatrice de génie de jeux vidéo, pour le moins ambiguë, et terriblement sensuelle, finissant même par devoir affronter une fatwa lancée contre elle (film visionnaire à plus d'un titre) ; c’est dommage car Shyamalan vient justement ici nous montrer, à raison, une rock star qui, religieusement (comme souvent dans les concerts actuels), s'adresse directement, entre les morceaux chantés, à ses fans transis en « amie proche », les invitant, par exemple, à pardonner « cette personne qui vous a fait du mal » (sic).

Mais, là encore, il ne creuse pas suffisamment ce sillon pour soulever combien le fait de s’identifier à une star, ou de la sacraliser, peut conduire vers des chemins nébuleux des plus fatals - doit-on rappeler que le regretté John Lennon (1940-1980) fut abattu par l’un de ses plus grands fans, David Chapman (en fait, un fanatique atteint de troubles psychotiques), lui ayant demandé quelques heures auparavant, en le guettant à la sortie de sa résidence du Dakota Building à New York, une dédicace ?

Bon sang, qu’il est loin le Shyamalan retors et inspiré du Village (2004), on n’y croit, hélas, jamais vraiment à son histoire, la suspension d’incrédulité chez le spectateur n’y opérant pas, en tout cas pour moi. Ce fade Trap, tout compte fait, ne devrait-il pas s’appeler Nanar ? Ou Traquenard  ? Voire, mieux encore, Traquenanar ? Franchement ça lui irait beaucoup mieux, me semble-t-il, histoire d’être un peu caustique. Hormis cette déception de taille (histoire faiblarde), les acteurs font certes le boulot, mais vu, j'imagine, leurs cachets certainement mirobolants (c’est Hollywood, un budget total à 30 millions de dollars), c'est le moins que l'on puisse leur demander.

En sortant, j’étais un brin furax, la séance s’étirant en longueur virant à la perte de temps (c’est le film d’un magicien, trop regardé, dont on connaîtrait tous les tours de passe-passe). Pourtant, j’avoue, sa bande-annonce, avec son teasing efficace, m’avait pas mal alléché, en gros je sentais le « bon p'tit film d'été bien foutu » animé d'une pulsion scopique, se jouant d’un suspense tirant habilement sur l’élastique de la tension, propre au cinéma de genre, et je me régalais à l'avance, à dire vrai. Mais, en fait, dans la BA, sans pour autant être béat devant, tout y est déjà. Et en mieux. C’est plus elliptique, bien plus allusif donc prenant.

Dommage. Bref, selon moi, et toutes proportions gardées, un Faites entrer l'accusé de bonne tenue, qui a pour lui la force de l'empreinte du réel, est bien plus percutant, et passionnant à suivre (scruter les arcanes de la puissance et de l'intelligence du mal en plongeant de plain-pied dans un fait divers sordide), que ce Trap, globalement au rabais, pouvant, in fine, largement, même si Les Cahiers du cinéma l’encensent (4 pages, rien que ça !, dans leur dernier numéro de septembre), passer à la trappe : les annales du cinéma ne s’en plaindront guère !




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