jeudi 9 décembre 2010 - par Michaux Jérémi

L’exposition Trans Forme ou Jean Giraud vs Moebius

La Fondation Cartier expose les réalisations du dessinateur Moebius depuis le 12 octobre et jusqu’au 13 mars 2011. Après le succès international de la bande dessiné Blueberry, Jean Giraud se métamorphose en Moebius, dessinateur au style neuf. Il  révolutionne complètement sa manière d’aborder son œuvre et renouvelle le genre même de la BD. Celle-ci devient surréaliste, presque métaphysique lorsque les images se suffisent à elles-mêmes et que les textes disparaissent. Cette rétrospective se nomme très justement Trans Forme.

  Entre Giraud et son double Moebius, on s’y perd. Lequel est le vrai, lequel est la copie ? Qui des deux aura sa place au Panthéon des dessinateurs géniaux de la BD et le dernier mot de l’histoire ? Il suffit d’observer le travail de ces deux facettes du même artiste pour éluder ces questions. Les dessins réalisés à l’« encre de chine » sont magnifique de précision dans le tracé.
 
Que de souvenir sur cette planche cartonnée en noir et blanc ! 
Blueberry le célèbre lieutenant de la guerre de sécession est un héros pour toute une génération d’adolescents depuis le premier album parût en 1963.En vrai cow-boy il se bat contre tous les méchants qui écument le Far-West américain. Il est mal rasé, joue au Poker, fréquente des femmes.Le dessin de Blueberry est très travaillé parfois surchargé de détails, les décors sont toujours sombres, la tension souvent palpable.

C’est encore plus flagrant en regardant les planches originales format A3 sur lesquelles l’artiste parvient à insuffler beaucoup de caractère à ses personnages. Les expressions de leurs visages transmettent toutes une palette d’émotion.Les dialogues permettent d’accentuer l’anxiété du lecteur lors d’affrontements entre le héros et des méchants qui font froid dans le dos.

L’exposition comporte aussi des autoportraits de l’artiste dans lesquels il se représente en train de dessiner ou bien « tenu en joue » par Blueberry qui tient un révolver. L’auteur se sentirait-il pris en otage par son propre succès ?  Dans une interview filmée Moebius nous assure qu’il n’en est rien. Giraud lui répond par l’affirmative dans un improbable face à face où l’auteur expose à la caméra sa schizophrénie créatrice.

Ce qui est sûr c’est que les formes bizarroïdes que dessines Moebius semble  sorties de ses rêves ou de ses cauchemars. Il s’autorise tout. Parfois ce sont des amas de chair dégoulinante et vivante qui s’agitent sous nos yeux. Parfois c’est un arc-en-ciel de traits de couleurs qui esquisse un oiseau gigantesque.

Si les maîtres mots de Giraud sont classicisme et émotions ceux de Moebius sont imagination et onirisme.  Le dessin de celui qui signe toujours Gir pour les albums Blueberry se simplifie dès qu’il prend le pseudonyme de Moebius. Il prend le parti d’alléger considérablement les croquis, de rendre l’image fluide. L’histoire ne se déroule plus sur Terre mais sur une tout autre planète. Les bulles de dialogue se font rares ou disparaissent pour laisser place à l’imaginaire du lecteur.

Entre Moebius et Gir, mon cœur balance comme dans cette dualité totalement assumée par l’auteur. Le spectateur en sort gagnant qui peut admirer deux œuvres d’un seul regard. 



6 réactions


  • sisyphe sisyphe 9 décembre 2010 16:10

    Merci pour votre article, rendant hommage à un des plus grands dessinateurs contemporains. 


    Je me permets juste de reprendre ceci : 

    La Fondation Cartier expose les réalisations du dessinateur Moebius depuis le 12 octobre et jusqu’au 13 mars 2011. Après le succès international de la bande dessiné Blueberry, Jean Giraud se métamorphose en Moebius, dessinateur au style neuf. 

    pour vous signaler que Giraud signe, sous le pseudonyme Moebius, des dessins et des histoires depuis ...... 1963, soit la même année où il dessina le premier Blueberry, sous le nom de Gir. 

    Il s’est toujours servi du pseudo de Moebius pour toutes ses séries de « science-fiction » ; notamment Arzach, et surtout toute la série de « L’Incal » avec Jodorowsky. 

    Donc, rien de nouveau ; il a usé parallèlement de l’un ou de l’autre pseudo, et des deux « styles » de dessins tout au long de sa carrière. 

    Ceci dit, Giraud est un maître, et cette exposition est à voir ; merci de l’avoir signalée. 

  • vergobret 9 décembre 2010 16:39

    Jamais rien ne m’a ému plus que le trait de Giraud, ses noirs, les encrages (contours ou ombrages), notamment à partir de Ballade pour un Cercueil sont bouleversant, oui, oui. Le maître geste...
    Il y introduit de nouvelles techniques de colorisation. Ses couleurs du soir, ses violets, sont époustouflants de maturation et de virtuosité.

    Blueberry est aussi le héros le plus chouette qu’il m’ait été donné de trouver en bd.
    Mais l’unité de l’œuvre giresque d’alors, c’était le génie du scénariste, Charlier, disparue avec lui.
    Après blueberry Gir redevient formellement un peintre, chaque vignette etant en soi une œuvre d’art.
    Cela dépasse le cadre d’une simple bd, un résultat étrange, qui fait, comme vous le dites bien, la part du rêve.
    Journaliste Étudiant, les mots vous sortent naturellement de la main, il me semble que vous avez la fibre narrative bien placée.
    L’hommage que vous faites à ce peintre m’a fait aussi plaisir.


  • COVADONGA722 COVADONGA722 9 décembre 2010 16:44

    yep decouvert moebius dans « metal hurlant » , quand a blueberry il me semble que la premiere nouvelle en noir et blanc je l’ai lu dans pilote non ? un petit coté « autant en emporte le vent »
    merci à l auteur


  • yvesduc 10 décembre 2010 00:07
    Oui, Giraud est un dessinateur exceptionnel et un émerveillement permanent. Moebius aussi, d’ailleurs. smiley

    Mais je déconseille les Blueberry après Charlier (24 et suivants), car la série ne s’est jamais remise de la disparition de son scénariste. Comme pour Astérix, Blake et Mortimer et d’autres, l’éditeur fait son beurre mais on n’est pas obligé de se laisser prendre.

    • sisyphe sisyphe 10 décembre 2010 08:50

      C’est vrai que JM Charlier était un super scénariste, et a apporté beaucoup à Blueberry. 

      Cependant, je conseille quand même la lecture des 5 tomes sur l’affaire d’OK Corral, avec les frères Earp, qui traine un peu en longueur, mais est une bonne série, parfaitement mise en scène par Gir. 

      Pour Asterix d’accord ; la disparition de Goscinny lui a été fatale. 
      Pour Blake et Mortimer, les ouvrages post-EP Jacobs n’ont pas la qualité des précédents, mais un ou deux (ceux dessinés par Benoit sur des scénarios de Van Hamme) s’inscrivent quand même dans la lignée avec une certaine qualité. 
      En revanche, les derniers (notament ceux scénarisés par Sente) sont grotesques, et ont dû faire retourner Jacobs dans son caveau... 

      Même chose pour Lucky Luke, à qui la disparition de Goscinny, puis de Morris, a signé la fin.. .. 

  • lisa 18 mars 2011 16:05

    En surfant j’ai trouver ceci :
    http://www.fascineshion.com/fr/arty/moebius/302/
    Découvrir l’homme derrière l"artiste.... 


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