lundi 10 janvier 2022 - par Theothea.com

« L’Île d’Or » d’Hélène Cixous & Ariane Mnouchkine galvanise Le Théâtre du Soleil

Avec Jean-Jacques Lemêtre comme troisième créateur du trio emblématique, Musique, Texte & Expression théâtrale trouvent leur aboutissement sur cette île autant convoitée que virtuelle alors que sa réplique originelle baigne dans la mer du Japon. 

 

JPEG - 88.6 ko
L’ILE D’OR
© Michèle Laurent

  

Débarquer à la Cartoucherie de Vincennes après ces mois d’abstinence pandémique agit sur les états d’âme comme un retour aux sources, comme une panacée à toutes les frustrations accumulées, comme un appel à dépasser le prosaïque, en retrouvant les voies oniriques de l’harmonie cachée derrière les luttes globales prévalant à tous les niveaux existentiels.

Après tant d’incertitude sanitaire déposée au stand- by de la mise en veille, quoi de mieux que cette culture asiatique millénaire pour rendre la dignité à l’humanité en quête de sens ?

Pressentant le besoin vital des spectateurs pour un ailleurs imaginaire, les deux créatrices se sont emparées d’un modus vivendi écartant d’un geste artistique toute focalisation sur une quelconque rhétorique pathologique ou politique. 

 

JPEG - 104 ko
L’ILE D’OR
© Michèle Laurent

  

Donc point de discours verbeux mais du visuel, du sensible, du tangible qui pourraient, par le truchement du ridicule ne tuant point, rendre ses lettres de noblesse à l’ironie, à l’humour, au rire bien meilleures armes que la simple dénonciation fomentée par la bonne conscience.

En route donc vers Kanemu-Jima, cette île de tous les affranchissements potentiels que les théâtres No, kabuki et kyogen devraient formaliser avec style.

A travers les yeux de Cornélia alitée et en plein délire fébrile, c’est la réalisation d’un Festival de Théâtre mondial qui est en point de mire.

 

JPEG - 74.7 ko
L’ILE D’OR
© Michèle Laurent

  

Son organisation est soumise à plein d’aléas au prorata de tous les foyers d’instabilité géopolitique survenant dans le monde.

La métaphore du spectacle vivant agit comme un miroir réfléchissant les conflits mondiaux avec en corollaire leurs rapports de force sous-jacents.

Et c’est précisément par la caricature que le théâtre du Soleil compte stigmatiser cette interdépendance en la montrant futile, mesquine et même caduque aux yeux de l’opinion universelle qui, par la même occasion, est encline à valoriser les valeurs démocratiques et culturelles.

  

JPEG - 49.6 ko
L’ILE D’OR
© Michèle Laurent

 

C’est en ouvrant et en élevant les esprits que les peuples risquent de se réapproprier leurs destinées.

Place donc aux révoltes de Hong Kong, à la dualité Israélo-palestinienne, au retour des Talibans, aux migrants de toutes origines, aux lanceurs d’alerte tout en s’interrogeant sur le capitalisme sans vergogne, les inégalités masculines féminines, les patrons en cavale etc.… bref à toute l’actualité médiatique pour en faire un canevas de la médiocrité humaine en train de se brocarder en direct live.

Mais c'est vrai qu'en feignant de les ranger tous au même niveau, cette accumulation disparate de dysfonctionnements polymorphes, pourrait laisser penser que l'organisation de la planète obéisse exclusivement à de confuses aberrations aléatoires de l'espèce humaine inhérentes à son caractère loufoque.

 

JPEG - 53.7 ko
L’ILE D’OR
© Michèle Laurent

  

Toutefois, restons attentifs à ce que l'impression de fourre-tout provient directement de l’état second dans lequel se trouve Cornélia (Hélène Cinque) qui, sur son lit de souffrances virales, visionne à la fois l'Île d'or, le Festival mondial de théâtre, ses constructeurs ainsi que ses détracteurs et c'est donc dans son esprit en surchauffe que s'esquissent les desseins de l'utopie au sein même d’un chaos général, éthique, sociopolitique & environnemental d'où surgissent sans cesse et à profusion le meilleur et le pire.

Faire un distinguo et a fortiori un classement entre les dérégulations du monde, serait pour son delirium une tentative de rationalisation intellectuelle dont elle ne peut s'encombrer dans son cauchemar à moitié éveillé et en proie à ses projets de réjouissances théâtrales.

  

JPEG - 60.9 ko
L’ILE D’OR
© Michèle Laurent

  

Spectateurs et acteurs des gradins jusqu'à la scène, sont alors embarqués dans un même tourbillon dont l'agencement fantasmé à l'aide de multiples chariots de bois à roulettes s'élabore en installation accélérée par des forces centrifuges occultes qui, l'instant d'après en implosent la scénographie avec un empressement encore plus manifeste.

Ce flux et ce reflux sont constitutifs d'une éruption tout autant tellurique que volcanique agissant en bouleversement dévastateur mais sans doute également en cure de jouvence devant se clore par une magnifique chorégraphie réunissant toute la troupe arborant autant d'éventails que de danseurs. Point d'orgue !…

 

JPEG - 95.5 ko
L’ILE D’OR
© Theothea.com

   

De sa découverte du Japon en 1964 à son come back annulé en 2019, la fantasmagorie asiatique d'Ariane Mnouchkine aura fait "Œuvre de Spectacle vivant", la voilà de nouveau face à l’appréciation du public sans garde-fou et en plein accouchement transcendant… alors que notre sortie du « Soleil » accompagnée d’une parade de tambours flamboyants sera, elle, déjà orientée au levant… de notre nostalgie.

  
photos 1 à 6 © Michèle Laurent
photos 7 & 8 © Theothea.com
  
L'ILE D'OR - ***. Theothea.com - de Hélène Cixous - mise en scène Ariane Mnouchkine - Musique
Jean-Jacques Lemêtre - avec Le Collectif Théâtre du Soleil - Théâtre du Soleil / Cartoucherie
   

  

JPEG - 115.8 ko
L’ILE D’OR
© Theothea.com



Réagir