mercredi 25 février 2009 - par Theothea.com

« L’ Ordinaire » de Michel Vinaver entre au répertoire de la Comédie Française

Telle une aile d’avion qui se serait enfichée, depuis l’arrière-scène, jusqu’au-dessus des premiers rangs des fauteuils d’orchestre, à quelques instants du crash qui va laisser huit survivants, livrés à eux-mêmes, en pleine Cordillère des Andes, la scénographie de Michel Vinaver & Gilone Brun accueille onze passagers d’un jet privé face à la destinée.

Affrétée par une multinationale en pleine conquête de marché commercial en Amérique du Sud, la prochaine étape du vol devait amener ce staff de managers, en escale au Chili.

Mais, les voici désormais au sommet glacial des neiges éternelles, ceux-ci que le sort a décidé de laisser isolés du monde, pour l’instant encore vivants, en confrontation simultanée avec la perte de tous leurs repères habituels.

Inspirée du fait divers survenu en 1972 aux 45 membres d’une équipe sportive dont seize d’entre eux ne durent leur survie, après 72 jours isolés du monde, qu’à une anthropophagie délibérément assumée, la pièce de Michel Vinaver, créée en 1983, reprend le fil de ce récit surréaliste pour en dépeindre la renaissance d’une démocratie en temps réel.

Au jeu des chaises musicales où les lois de la résistance aux violences de la Nature vont se révéler proportionnelles à l’adaptabilité des sujets, dans leur capacité à remettre, ou non, en question les règles éthiques jusque-là admises, c’est la dénégation qui va s’imposer, prioritairement, en tant qu’ennemie rédhibitoire.

En effet, faire comme si la vie quotidienne de l’entreprise, c’est-à-dire la vie normative, pouvait se perpétuer à une altitude hostile, le temps du sauvetage forcément programmé par les assurances tous risques, n’aurait que des vertus passagères sur l’équilibre psychique soumis en pratique à l’épreuve d’un réel indifférencié inscrit désormais dans une durée illimitée.

C’est donc, dans la détermination à affronter la muraille insurmontable de la montagne plutôt que de s’accrocher aux ombres fantoches d’un management devenu inutile et inefficace, que la sortie du labyrinthe deviendrait envisageable, à condition d’assumer qu’il faille se sustenter pour survivre.

C’est pourquoi, s’il ne devait en rester que deux, le corps expéditionnaire constitué par Sue (Léonie Simaga) & Ed (Gilles David) pourrait devenir emblématique de cette volonté à surmonter l’impensable.

La création de « L’Ordinaire » à la Salle Richelieu permet à la direction de Muriel Mayette d’honorer Michel Vinaver, en faisant entrer l’auteur, de son vivant, à l’âge de quatre-vingt trois ans, au répertoire de La Comédie Française. 
 
Dessin © Cat.S
 
L’ ORDINAIRE - *** Theothea.com - de Michel Vinaver - mise en scène : Michel Vinaver - avec Sylvia Bergé, Jean-Baptiste Malartre, Elsa Lepoivre, Christian Gonon, Nicolas Lormeau, Léonie Simaga, Grégory Gadebois, Pierre Louis-Calixte, Gilles David, Priscilla Bescon & Gilles Janeyrand - Comédie Française -
 




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