mercredi 16 novembre 2011 - par Emile Mourey

La Joconde : histoire d’une grande famille florentine

Dans "Le Jocond" récemment paru, les éditions Michel Lafon proposent la thèse absurde que la Joconde ne serait pas Monna Lisa, une noble florentine, et cela bien que les textes l'attestent. Triste exemple de la décadence intellectuelle de notre nation, les médias s'empressent de signaler cet ouvrage alors que le très sérieux livre de l'expert Giuseppe Pallantidu est tombé dans l'oubli.

Pour rédiger ces quelques lignes, je me suis inspiré de ce qu'a découvert et écrit ce chercheur sur la famille de la Joconde. Comme dans mon précédent article, je présente l'affaire sous forme d'une audition devant un tribunal.

... Audition de Francesco del Giocondo.

Je suis né à Florence le 19 mars 1465. J’y suis décédé en 1538 à l’âge de 73 ans. 

Je m’appelle Francesco del Giocondo, fils de Bartolomeo, fils de Zanobi, fils de Iacopo, fils de Bartolo.

Mon arrière grand-père Iacopo fabriquait des tonneaux à Florence, pour le vin. Toute sa vie, il a travaillé comme artisan. Il tenait boutique dans un quartier populaire de la ville. Lorsqu’en 1427, à l’occasion de ses soixante-dix ans, on fêta son anniversaire dans sa maison - trente-huit ans avant ma naissance - il était entouré de sa femme, de ses deux fils et de sept petits-enfants. Grâce à son industrie, il avait acquis une autre maison et des propriétés à l’extérieur de la ville.

Mon grand-père Zanobi, avec son frère, se lança dans le commerce des tissus précieux, la soie, le taffetas, le satin. Avec ses quatre fils et ce frère qui n’eut pas de descendance, il réussit à développer une entreprise très prospère. Puis, mon père Bartolomeo se mit à son compte et, avec ses deux premiers fils, puis moi-même, nous réussîmes à nous hisser aux toutes premières places. Le volume de nos affaires s’accrut lorsque Cosme de Médicis prit le pouvoir. Nous avions des comptoirs à l’étranger et nous vendions des tissus précieux à Lyon comme à Rome. La solidité de notre clan et la prospérité de notre compagnie nous ont permis d’acheter à la campagne de magnifiques propriétés et de nous installer dans des belles demeures du quartier noble. L’héritage que je reçus de mon père a fait de moi un des plus beaux partis de la ville.

J’ai épousé ma première femme, Camilla, alors qu’elle avait seize ans. Dans notre société, le fait est tout à fait dans la normalité. Sa mort fut pour moi une grande douleur. Elle a eu un enfant trop jeune, et après… (Le regard du témoin s’embue de larmes).

Pourquoi ai-je épousé Monna Lisa ? Quand je l’ai vue pour la première fois, j’ai cru revoir Camilla. Que nos familles aient facilité, voire arrangé notre rencontre en prenant en compte nos origines et nos biens, c’est possible. Monna Lisa était issue d’une ancienne noblesse seigneuriale qui vivait des revenus de ses terres, mais ma première épouse, elle, appartenait à une des plus grandes familles de Florence, une famille qui vivait dans un palais.

J’ai reçu une éducation digne des plus grandes maisons de Florence. Dans ma famille, on s’intéressait aux arts, notamment à la peinture et à la musique. Ayant une très belle voix, je me suis fait remarquer très tôt en chantant des cantiques à l’église. J’ai connu Léonard de Vinci et Botticelli qui a fait mon portrait. Celui-ci se trouve au musée des Offices… 

Description du tableau peint par Botticelli

Il est désigné comme étant un tableau peint par Botticelli (1446-1510).

Portrait d’un inconnu tenant la médaille de Cosme l’Ancien. 

Détrempe sur bois ; 0,57 x 0,44 ; année vers 1488.

Il s’agit d’un beau jeune homme à l’abondante chevelure. Son regard est intelligent et doux. La médaille de Cosme l’Ancien qu’il présente entre ses deux mains montre son attachement au fondateur de la dynastie des Médicis ce qui s’accorde avec la déclaration du témoin. Les vêtements de l’homme, sa tunique, sa coiffure ne sont pas ceux d’un prince, mais ceux des grands marchands qui ont fait la prospérité commerciale de Florence…

Poursuite de l’audition de Francesco del Giocondo.

Comme je vous l’ai dit dans ma précédente déposition, je me suis marié une première fois, en 1491. J’avais vingt-six ans. Je me trouvais alors au meilleur de ma réussite professionnelle. Me préférant à mes frères aînés, mon père m’avait pressenti pour lui succéder à la tête de l’entreprise familiale. Comme les affaires marchaient bien, nous l’avions développée. A cette époque, en Europe jusqu’à la Turquie, il existait une forte demande en vêtements précieux, à la fois dans le clergé et à la fois dans les cours princières. A Rome où nous étions bien implantés, nous avions la Curie comme client.

De l’Europe entière, on venait à Florence acheter ou passer commande. Je dirigeais une des plus grandes boutiques de la ville, non loin des palais. C’est ainsi que j’ai eu l’occasion de rencontrer ma première épouse. Camilla était fille de Mariotto Rucellai, du puissant clan des Rucellai, dont la noblesse et la fortune sont connues de tous.

N’étant pas noble moi-même, cette union me permettait de m’ancrer davantage dans la vie publique de la cité. Quant à mon épouse, c’était un avenir prometteur pour elle et pour nos enfants à venir. Nous avons eu un fils. Camilla, hélas, mourut en 1494. Elle avait dix-huit ans. Les plus grandes familles de Florence assistèrent à ses funérailles. Elle était belle. Sa perte fut pour moi une véritable tragédie.

L’année suivante, en 1495, j’épousais Monna Lisa. En 1499, quatre ans après, lorsqu’elle me donna une fille, elle accepta que je lui donne le nom de ma première femme. J’ajoute qu’elle s’occupa du fils de mon premier mariage aussi maternellement que des enfants que nous avons eus ensemble. 

Monna Lisa était d’origine noble certes, mais elle était loin de m’apporter ce que ma première épouse me laissait espérer. Ses parents vivaient des revenus de quelques propriétés terriennes, ce qui leur permettait tout juste de vivre à Florence dans une maison qu’ils louaient. J’ai dû gérer leur patrimoine qui se réduisit peu à peu à tel point que Monna Lisa intercéda auprès de moi pour que je recueille sa famille. Monna Lisa a bon cœur. Elle est belle, élégante, distinguée, amoureuse, bonne mère et intelligente. Cela compte bien plus que la ferme qu’elle m’a apportée en dot.
 
Fin de l'audition de Francesco del Giocondo.
 
A Florence, quand il s’agit d’un mariage, les parents des deux parties se rencontrent au préalable pour s’entendre sur la dot de la future épouse et sur les biens qu’apporte le futur mari. A cette occasion, on peut également échanger des cadeaux. En ce qui nous concerne, nos parents – ceux de Camilla et les miens – ont pensé que cet événement devait être marqué par la réalisation de nos deux portraits (celui d'en haut et celui-ci). Ces deux portraits, pensaient-ils, auraient été pour nous et nos futurs enfants, un souvenir des temps heureux. Ils se mirent d’accord sur le type de peinture, une détrempe sur bois, et sur les dimensions des tableaux à réaliser, environ 0, 50 sur 0, 46 centimètres. Les parents de Camilla s’adressèrent à Araldi, les miens à Botticelli, ce qui explique que les peintures soient différentes bien qu’elles fassent pendant. 
 
Lorsque j’ai demandé la main de ma deuxième épouse, j’ai souhaité que soient faits, de même, nos deux portraits. Comme ma situation financière me le permettait, je me suis  adressé à Léonard de Vinci. J’ai voulu qu’il représente Monna Lisa dans la même pose que Camilla quand elle fut peinte lors de mon premier mariage. Cela explique la ressemblance qui existe entre les portraits de mes deux épouses, celui de Camilla peint par Araldi et celui de Monna Lisa, La dame à la résille de perles, peint par Léonard. Puis, Léonard de Vinci m’a peint en pendant. Il s’agit du tableau que vous désignez ainsi : portrait d’un musicien, Milan, Pinacoteca Ambrosiana. Vous pensez qu’il a été peint en 1490. Vous avez raison à cinq ans près. C’est 1495 qu’il faut lire. Dans ce portrait, j’ai 30 ans. Monna Lisa n’est âgée que de seize ans sur le sien. C’est une beauté qui vient de sortir de l’adolescence, une fleur qui vient d’éclore. 
Ce musicien, ce chanteur, cet inconnu, c’est donc moi. Je porte la même coiffure que sur mon portrait fait par Botticelli. J’ai la même abondante chevelure. Mon visage a mûri, mais j’ai le même air doux. Dans ce pendant, je regarde Monna Lisa, mon épouse. Mon regard, mystique, se perd dans l’infini des pensées intérieures et des souvenirs enfouis. Je tiens à la main les premiers mots du cantique ‘’Cantor Angelus…’’ Par la suite, Monna Lisa m’a demandé de faire recouvrir cette inscription par un repeint. 
 
Tout le reste de ma vie, je chanterai le souvenir d’un ange… Camilla.
 
(Émotion dans la salle. Le président lève la séance)
 
Audition de Julien de Médicis.
 
Je m’appelle Julien de Médicis, troisième fils de Laurent le Magnifique, commandant général des milices pontificales auprès de mon frère Jean, pape sous le nom de Léon X. Je suis né à Florence en 1479, mort à Rome en 1516, de tuberculose, à l’âge de trente-sept ans.
On me dit débauché, peut-être ? On m’attribue une maîtresse, pourquoi pas ? Vasari a écrit que je m’intéresse aux sciences naturelles et à la chimie ; il faut bien essayer de penser à autre chose que le mal qui vous ronge. On m’attribue un sonnet en faveur du suicide, vous devinez pourquoi.
 
Monna Lisa, qui ne la connaît pas dans la haute société de Florence ? C’est la plus belle femme qui soit, la plus séduisante et l’une des plus chargées de bijoux. Comment pourrais-je l’ignorer alors que la maison de son mari se trouve face au palais des Médicis ?
 
Léonard de Vinci - qui est mon ami - connaît bien les del Giocondo. Nous nous connaissons tous et ce n’est pas un secret de dire que pour un peintre comme Léonard, elle représente le modèle idéal. La belle Simonetta Cattaneo Vespucci, ne l’a-elle pas été pour Botticelli qui l’a peinte et pour mon oncle Julien qui, en hommage à la beauté, a offert à la ville, tournoi, bals et banquets ? 
Que j’aie demandé à Léonard de Vinci de peindre Monna Lisa, quelques années avant de mourir, que j’aie offert, promis ou vendu le tableau à François Ier lorsqu’il est venu à Rome en 1515, où est le mal ? 
Monna Lisa, ma maîtresse ? Allons donc ! Une femme qui, dans sa maison, doit s’occuper de ses six enfants plus ceux de son frère décédé, qui doit aussi veiller sur ses frères qui mènent une vie facile dans la maison de son mari. Tromper un homme de la qualité de Francesco alors que son père a aidé ma famille au décès de Laurent le Magnifique, par une avance de 4000 florins, c’est absurde !
Peut-être ai-je commandé ce tableau vers 1510/1511 lorsque Léonard était à Florence. Peut-être que, plus tard, voyant la mort venir, j’ai choisi de le donner ou de le vendre, en 1515, à François Ier, lors de sa venue à Rome. N’est-ce pas à cette date-là qu’il m’a fait duc de Nemours ? Je lui devais bien ça. En 1510, Monna Lisa avait 29 ans.
 
La seule référence sérieuse  :
"La véritable identité de la Joconde : Un mystère dévoilé"
Pallanti, Giuseppe ; Broché ; EUR 14,25
En stock. Vendu par : Amazon EU S.a.r.L.
 
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1 réactions


  • Emile Mourey Emile Mourey 16 novembre 2011 10:40

    En fin d’article, seul le quatrième lien fonctionne, mais vous pouvez ouvrir les autres à partir de ce quatrième lien.


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