lundi 19 décembre 2011 - par Theothea.com

« La loi du marcheur » de Nicolas Bouchaud au Rond-Point

De « La loi du marché » à « La loi du marcheur » s’interfère ce jeu de mots, emprunté à Jean Douchet à propos de Serge Daney, illustrant toutes les différences entre ciné-consommateur et citoyen du 7ème art, engrangeant sa découverte des films sur une carte de géographie virtuelle où chaque élément ferait partie d’un grand tout de la connaissance intuitive.

Ainsi, l’une des vertus de la marche serait de créer un espace temps spécifique permettant d’appréhender sa relation au monde dans une immédiateté existentielle à nul autre substitut préfabriqué.

Le cinéma, à l’encontre d’une télévision toujours réductrice dans sa perception factice, serait porteur de cette opportunité à entrer en résonnance subjective avec l’écran, ici et maintenant, au sein d’une démarche partagée collectivement.

Cette création du temps à soi reconquis sur celui de la réalité indifférenciée constituera la motivation essentielle du passeur de références cinétiques s’inscrivant dans une chaîne analytique du savoir être.

Reprenant à son compte ce legs original, Nicolas Bouchaud crée un spectacle dont il serait tout à la fois, le messager et l’interprète, occupant l’attention des spectateurs au point que ceux-ci pourraient croire que le comédien leur parle, en son nom propre.

Projection théâtrale littéralement détonante car loin de toute imitation ou autre incarnation du célèbre critique de cinéma décédé à 48 ans du SIDA, l’acteur joue l’instantanéité d’une conférence qui, avec pertinence, pourrait être mise au programme de « La Leçon de cinéma » du Festival de Cannes.

A la fois spectateur lambda, émissaire, pédagogue, socio philosophe, l’acteur pense en temps réel et à haute voix ce que le critique a voulu transmettre d’un patrimoine cinématographique où le spectateur serait partie prenante.

Qu’importe d’ailleurs le genre, du western à la comédie musicale en passant par celui de l’intériorité cérébrale, du court au long métrage, tout format de pellicule pourrait faire le miel du cinéphile, pourvu que celui-ci en fasse une implication active et mémorielle.

C’est pourquoi, en marathonien de la dialectique tout autant qu’en « performer » jouant avec l’image de Rio Bravo projetée en toile de fond, Nicolas Bouchaud a rendez-vous avec son public pour la dernière séance de Serge Daney…. celle du passage de témoin.

photo © Giovanni Cittadini

LA LOI DU MARCHEUR - ***. Theothea.com - de Nicolas Bouchaud - mise en scène : Eric Didry - avec Nicolas Bouchaud - Théâtre du Rond-Point




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