vendredi 2 août 2013 - par Jules Elysard

La maman, mon oncle et la putain

Fin juillet, ont disparu au même âge Bernadette Lafont et J.J. Cale. Arte a choisi pour rendre hommage à la première de diffuser lundi 29 La Maman et la Putain de Jean Eustache.

Nous n’avions pas vu ce film que l’on dit si fameux. Nous nous sommes dit : pourquoi pas ?

Moi, j’aimais bien Jean Pierre Léaud dans son costume d’Antoine Doinel. Ici, il était Alexandre. Ni le grand, ni le bienheureux. Mais il est toujours vivant. Quant à faire un hommage à Jean Eustache, mort en 1981, il n’y avait aucune urgence.

Bernadette Lafont avait déjà joué avec Jean Pierre Léaud dans La Tour prends garde ! en 1958, l’année du retour de Mongénéral et du premier numéro de la revue Internationale Situationniste.

Le choix d’ARTE pour rendre hommage à Bernadette Lafont peut surprendre. Le cinéaste avec qui elle a joué le plus est Jean Pierre Mocky (5 films). Mais ce n’est pas la tasse de thé d’ARTE, d’accord. Pourtant en 1969, elle avait joué La fiancée du pirate.

Le cinéaste Jean-Henri Roger aurait trouvé que La Maman et la Putain est l'un des plus beaux films sur Mai 68. Néanmoins Jean Louis Bory n’avait pas apprécié le film.

Nous non plus. Nous avons supporté près d’une heure le bavardage incessant de Jean Pierre Léaud, avant de nous aviser que le film durait 3h40. C’était au-dessus de nos forces.

La veille, nous avions revu Mon Oncle ; et le lendemain, Play Time. Quelle modernité, même si elle est empreinte de nostalgie. Mon Oncle date de 1958 : l’année du retour de Mongénéral et du premier numéro de la revue Internationale Situationniste. Play Time est sorti en 1967 : l’année de la publication de la brochure De la misère en milieu étudiant. Ce sont pratiquement des films situationnistes, ils ne sont pas bavards (le second encore moins que le premier) et ils annoncent mai 1968.

Je n’en dirai pas autant de La Maman et la Putain. On dira peut-être que j’érige l’ennui qui m’a envahi en argument de critique. Mais pendant presqu’une heure (moins d’un tiers de l’œuvre, je l’admets) j’ai eu l’impression de voir un film qui prétendait surfer sur l’esprit du temps. Et avant de vérifier sur l’internet, je croyais naïvement qu’il datait d’avant 1968. Je n’ai rien vu d’autre qu’une nostalgie bavarde qui emprunte l’apparence de la modernité. Un film pour ce public d’anciens étudiants devenus cadres que Debord taxait de « pro-situs ».

Ah ! Si seulement Jean Pierre Léaud avait proféré « Putaing con » à la terrasse des Deux Magot !



11 réactions


  • Radix Radix 2 août 2013 10:45

    Bonjour

    J’avais vu « la maman et la putain » lors de sa sortie au cinéma et je dois dire que j’avais quitté la salle à l’entracte... comme la majorité des spectateurs !

    Radix


  • LADY75 LADY75 2 août 2013 13:11

    Lady Panam’ approuve..

    ..la colère et le coup de gueule de Mocky, furieux qu’il n’y ait « quasiment personne » pour accompagner Bernadette Lafont à « sa dernière demeure ».

    Peut-être l’indépendance de BL, peut-être un moment mal choisi (juillet) pour mourir..


    • Fergus Fergus 2 août 2013 14:12

      Bonjour, Lady75.

      Dans ce milieu de faux-culs qu’est le monde du cinéma, c’est comme à Avignon : il y a le « in » et le « off ». Dans le premier, les membres autoproclamés de l’élite cinématographique participent aux mêmes pince-fesses et viennent pleurer devant les caméras lorsque l’un disparait. Dans le second, les anonymes ou ceux qui ont été marginalisés peuvent crever sans que cela n’émeuve les « stars ».

      Mocky a eu raison de pousser ce coup de gueule.


  • Fergus Fergus 2 août 2013 14:08

    Bonjour, Jules.

    « La maman et la putain », quel pensum ! Comme vous je n’ai pas apprécié ce film bavard et ô combien ennuyeux !

    Comme vous également, j’ai apprécié la Tati de « Mon oncle » et « Playtime », un Tati dont les œuvres sont en outre toutes empreintes d’une grande poésie.


  • Taverne Taverne 2 août 2013 15:26

    J’aime beaucoup Tati. Mais j’ai regardé jusqu’au bout « La maman et la putain ». Je n’ai pas regretté. Je trouve que JP Léaud est plus expressif et émouvant que jamais. Le long monologue final de la putain aspirant à devenir maman et à se ranger est très réaliste et poignant. C’est la société elle-même qui est en questionnement dans ce film où les protagonistes d’abord contre tout, et s’affichant tels, tombent à la fin dans le conventionnel : elle rêve d’être maman, il lui demande de lui dire « je t’aime ».

    Cela dit, je n’aurai pas la patience de revisionner le film d’ici un bon moment...


  • docdory docdory 2 août 2013 17:11

    @Jules Elysard

    J’ai zappé par hasard vers 22h30 le 29 juillet sur ce film « la maman et la putain », que j’ai cessé de regarder avant la fin ( trop insupportable d’ennui ! ). Un des seuls avantages du film, c’est qu’il est tellement lent que l’on comprend bien vite l’essentiel du synopsis, même si on le commence au milieu !
    L’autre avantage de ce film est de pouvoir contempler les filles de 1972 : pourquoi les filles de cette époque ( de 1969 à 1972 ) ont-elles été les plus attirantes de l’histoire récente ? 
    Un dernier avantage est de percevoir, dès cette époque, l’échec inéluctable des « idéaux de mai 68 ». La prétendue « révolution sexuelle » post soixante-huitarde, telle qu’elle y est plus ou moins décrite, parait pour ce qu’elle a été en fin de compte : l’avènement des futurs Strauss-Kahn, et aussi le triomphe de l’irresponsabilité ! 
    Pour le reste, ce film qui dégage un ennui mortel semble, pour la partie que j’en ai vu ) être un des plus grand navets de l’histoire du cinéma et n’est guère dépassé comme navet que par le consternant « Japon » de Carlos Reygadas. On peut toutefois le mettre à égalité avec d’autres navets absolus tels que « 37°2 le matin » ou « breaking the waves » de Lars von Trier, ce qui n’est déjà pas une mince performance ! 
    Ce qui est proprement sidérant, c’est que « la maman et la putain » a eu un prix à Cannes ( pas la palme d’or mais le grand prix quand même ) et qu’il a été classé deuxième meilleur film français de l’histoire du cinéma par un panel de « professionnels du cinéma » (La distinction de meilleur film ayant été attribuée à « la règle du jeu » de Jean Renoir ).
    Pourquoi ce pensum insupportablement bavard, mal joué ( Jean Pierre Léaud est tout simplement catastrophique ! ), mal filmé (une succession d’interminables plan fixes, ou une alternance insupportable de plan fixes successifs lors des dialogues ! ) a t-il été classé deuxième meilleur film français, ça reste un mystère insondable.
    Ça traduit néanmoins une constante de la société française qui va en s’accentuant : le divorce total entre ce que pensent les « élites » et ce que pense le peuple ...
    A l’époque, seuls 60 000 spectateurs ont eu l’idée saugrenue d’aller voir ça. Des masochistes ou des nouveaux conformistes, probablement ! 


    • Fergus Fergus 2 août 2013 17:32

      Bonjour, Docdory.

      Il se trouve que j’ai voulu revoir « La règle du jeu » il y a quelques semaines. Et je suis ressorti de ce visionnage abasourdi par le fait que ce film ait pu, à une certaine époque, être en effet considéré comme le meilleur du Cinéma français. Presque tout y sonne faux, et Renoir, comme acteur, y est particulièrement mauvais.


    • docdory docdory 2 août 2013 22:59

      @ Fergus

      Je n’ai jamais vu ce film, il ne semble pas facilement disponible en DVD et passe rarement ou jamais à la télé.
      Je ne sais pas si tu as lu en détail le classement des cent meilleurs films. C’est assez curieux : des chefs d’oeuvres absolus ( « le corbeau », « les enfants du paradis », qui aurait du être premier,« le cercle rouge » ) sont mis dans le même palmarès que des films excessivement mauvais, comme « les valseuses ». Il manque des films-culte tels que « la poison » ( avec Michel Simon et Pauline Carton ), la trilogie « Marius Fanny César » avec Raimu, ou des films monstrueusement drôles comme « le dîner de cons », ainsi que des thrillers comme l’excellentissime « compartiments tueurs » ( dont on s’étonne qu’il ne passe plus à la télé et qu’il n’existe pas en DVD ), ainsi que « la femme dans l’auto avec des lunettes et un fusil ».

    • Nuccia Nuccia 3 août 2013 19:01

       D’accord sur l’absurdité des classements évoqués . Quant au film d’Eustache , j’avoue ma sidération à constater que la médiocrité des concepts , le machisme travesti , la prétention pouvaient tenir lieu de « substance à chef d’oeuvre » ! Conformémént aux règles de l’anthroplogie britannique l’auteur pense que l’indigène a toujours raison . Mais en l’occurence , l’enquêteur ne nous conduit pas sur d’improbables rives mais sur les contours d’un nombril proéminent . La sinistre logorrhée fait de Léaud un ventriloque de poncifs . L’authenticité de ce film est hélas de constituer une sorte de monument funéraire à la dynamique de Mai 68 ?


  • TSS 4 août 2013 01:29

    Moi,je me suis remis « Cocaïne ».... !!


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