jeudi 14 mai 2009 - par Philippe Axel

La révolution liberale

Il est bon de rappeler en ces temps de trouble entre les artistes et le PS et en éclairage du récent licenciement d’un cadre de TF1, que les deux sociétés qui soutiennent avec le plus de ferveur la loi Hadopi au nom de la lutte contre le piratage ont de fait, pris à l’abordage il y a quelques années, deux sociétés publiques, que nos aïeux avaient entretenus par leurs impôts, pour en faire deux sociétés privées au service d’idéaux politiques. Retour résumé sur l’histoire de la création de TF1 et celle de Vivendi, dont la consanguinité dans le combat pour la Hadopi rappelle que leur création obéissait au même objectif politique : le soutien direct aux thèses de la « révolution libérale » et aux hommes politiques qui les portaient alors.

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Un peu d’histoire.

Tf1 était une société publique, vendue pour une bouchée de pain par un ministre de la culture qui affichait alors ses convictions Reagano-thatchériennes (et ses ambitions présidentielles) : François Leotard. C’était pendant la première cohabitation de 1986. François Leotard a été le président du Parti Républicain, qui se réclamait bien de cette politique de dérégulation et de privatisations, dite « révolution conservatrice ou libérale », incarnée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Le but politique de cette privatisation de TF1 était alors de contrer la stratégie de François Mitterrand, président de la république, qui de son côté, avait crée en 1984, soit trois ans à peine après son élection, une « chaîne de gauche » dirigée par son ancien chef de cabinet André Rousselet : Canal Plus. On perçoit alors ici l’importance des stratégies médiatiques des partis politiques en cette fin du 20ème siècle. Souvenez-vous par exemple que Silvio Berlusconi en Italie, (qui proclamait encore il y a peu cette même révolution libérale) a pris le pouvoir par le contrôle des télévisions.

On retrouve l’un des représentants de ce même courant politique ultralibéral, Edouard Balladur, lors de la deuxième cohabitation, juste avant les élections présidentielle de 1995. Il est alors premier ministre et souhaite se présenter contre le candidat naturel du RPR, Jacques Chirac, qui représente plutôt l’aile gaulliste de la droite (en opposition aux ultralibéraux). Nicolas Sarkozy s’engage du côté des libéraux et soutient Edouard Balladur, ce que Jacques Chirac considère alors comme une trahison. Nicolas Sarkozy n’a jamais caché que son maître à penser en politique a toujours été Edouard Balladur, on retrouve cette référence dans toutes les biographies qui lui sont consacrées . Notre président de la république a donc bien toujours représenté l’aile ultralibérale de la droite française, même s’il s’en cache aujourd’hui devant la crise provoquée par un système financier dérégulé par ses maîtres en politique.

Juste avant les élections de 95, Edouard Balladur demande à l’un de ses chef de cabinet spécialiste des privatisations : Jean Marie Messier, de prendre à l’abordage Canal Plus. Une société publique, la CGE (Compagnie Générale des Eaux), est privatisée servant de rampe de lancement à la création de Vivendi, qui rachètera plus tard les studios Universal, quelques maisons de disques et… Canal Plus. Le tout sous la présidence du même Jean Marie Messier.

Après que la presse fut verrouillée elle aussi par deux grands groupes dirigés par des libéraux (Dassault et Lagardère), arrivé au pouvoir, une des toutes premières réformes de Nicolas Sarkozy sera celle de l’audiovisuel public, dernier bastion médiatique qui résiste au contrôle de chefs d’entreprises ultralibéraux. Dernier ? Pas tout à fait, car il reste Internet …



3 réactions


  • patroc 14 mai 2009 12:12

     Bien vu. D’où hadopi, première fenêtre ouverte au contrôle d’internet par le pouvoir.. Pour les radios FM à l’époque, même cas, monétiser le lieu (donc interdire la gratuité) pour monopoliser puis accaparer l’accès... Le contrôle du peuple par la dictature de l’argent..


    • Marc Bruxman 14 mai 2009 19:41

      Bien sur qu’ils rêvent de controler le net, mais il n’y arriveront pas car c’est un combat technique perdu d’avance.

      Tous ces vieux cons rêvent encore de société étatiste. Qu’ils soient de gauche comme de droite leur modèle c’est De Gaulle. Une vision de la France, de la communauté nationale, tout ca. Avec une histoire et une narration commune à toute la popualtion.

      Le modèle d’internet c’est un modèle sans frontière et sans restrictions. Dans ce modèle des communautés coexistent et vous vous appercevez vite être plus proche d’un Allemand, d’un Espagnol ou d’un Américain partageant vos centres d’intérêts que d’un Français qui ne les partage pas. A ce moment la, ce qui maintient les nations sur pied disparait.

      Or, ce qui maintient les nations sur pied, c’est la culture. Une culture qui disparait inexorablement, car le « filtre » que constituait les médias controlés d’état a totalement disparu. Alors la culture se sépare en communauté. Il n’y a plus d’artiste qui plait à tout le monde genre Johnny et les Beattles. Il y a ceux qui aiment la Techno, d’autre le Rap, d’autres la chanson Française. Et ce morcellement fait que vous n’avez plus rien en commun avec votre voisin. Et donc plus d’intérêt évident à payer des impôts pour son bien être.

      Les idées les plus libérales sont bizarrement ancré dans ce réseau, or comme l’a démontré Marshall McLuhan, le média et le message. En envoyant au monde l’image d’un réseau sans controle et sans limite, internet envoie au monde le désir d’une société libérale. Même si c’est inconscient et même si l’on aimerait bien avoir d’un coté la liberté d’une société libérale et la sécurité d’une société étatiste.

      Mais les deux sont incompatibles et on assite en ce moment à un combat perdu d’avance ou l’ancienne société se raidit pour ralentir sa démise. Et ou plus rien ne semble compréhensible. Mais tout est compréhensible, ces une affaire de changement historique de la structure du pouvoir comme on en a pas eu depuis 1789. Et c’est une affaire de lutte pour savoir qui dirige quoi. Ce combat va durer, et va s’intensifier. La démographie ne nous aides pas. Les vieux ont trop à y perdre.


  • Marc Bruxman 14 mai 2009 19:30

    Vous confondez libéralisme et système étatique soutenant les potes du pouvoir. Dassault n’est rien sans les commandes d’état. Toutes ces sociétés sont d’anciennes société d’état qui ont gardés des rapports fort avec le pouvoir.

    Le monde de la (sous) culture est subventionné à mort pour donner l’illusion d’un rayonnement francophone à l’international et permettre aux gens du ministére de la culture de se toucher les tétons.

    La culture, la vrai n’a pas besoin d’état. Mais l’état a besoin de controler la culture pour offrir à son peuple une narration qui justifie l’existence du pays, des impôts et fournit un mode de vie pour vivre ensemble. Tout ce qui part en couille depuis les années 80. Parce que la vrai révolution libérale c’est que les gens vivent sans avoir besoin d’état. C’est qu’il n’y a plus de narration commune.

    Comme l’a si bien dit Mme Tatcher, il n’y a pas de société, il n’y a que des individus. Elle n’avait pas tout à fait raison. Je préfére, il n’y a pas de société il n’y a que des communautés. Mais le résultat est le même. La société se délite. Internet fait partie de ce délitement, en est même l’outil et en cela les états le combattent pour assurer leur propre survie.

    Car lorsque internet aura fini de rendre la communauté de centre d’intérêts plus proche que la communauté nationale, il ne pourra plus y avoir d’états nations en tant que tels. C’est pour cela qu’ils en ont peur.

    Quand au capitaliste, la masse d’argent en circulation reste la même. Que cela finance de la pub sur des sites douteux (ou pas) ou que cela finance du droit d’auteur, au niveau macro on s’en cogne. Le business change il s’y adapte. Et quelle que soit votre communauté il trouvera toujours quelque chose à vous vendre.


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