samedi 3 novembre 2018 - par C’est Nabum

Le grand bal De Laetita Carton

Le grand bal :

Plus qu’un film, une ode à la vie.

Il est un endroit incroyable, une bulle de joie hors du temps où tout devient possible. Des jeunes, des plus vieux, des grands, des petits, des gens d’ici et d’autres d’ailleurs se donnent la main, s’enlacent, s’embrassent, chantent et dansent durant des journées entières. Ils sont nombreux, très nombreux même à profiter de ce bonheur incroyable de vivre durant quelques jours cette expérience unique d’une véritable fraternité humaine.

C’est la danse traditionnelle qui a permis ce miracle. Non pas celle qui s’enferme dans des costumes folkloriques se limitant à une contrée donnée. Ici, les danses et les musiques viennent de toute la planète, on les découvre, les apprend, les apprivoise lors d’ateliers qui sont autant de voyages sur un parquet. Un animateur mène la danse, évoque son pays, se raconte et vous entraîne dans sa culture. Vous l’accompagnez en prenant dans vos bras un ou une partenaire qui se propose de partager ce plaisir simple.

Des inconnus se croisent, s’invitent, se touchent et s’enlacent le temps d’une valse langoureuse, d’une polka endiablée, d’une mazurka savante, d’une scottich magnifique . Des groupes se constituent pour une bourrée carrée, un branle bourbonnais. Des rondes se lient pour des rondeaux, des danses bretonnes ou le si réjouissant cercle circassien. La danse s’accorde à tous les temps, tous les modes et tous les genres !

Les sourires sont éclatants, la joie s’est conviée à la fête et la caméra de Laetitia Carton réussit le prodige de se faire oublier pour saisir ces instants d’éternité. C’est émouvant, jubilatoire, tendre et profond. Vous vous mettez à croire, le temps de la projection que changer le monde est possible, qu’il suffit de mettre de la musique pour que tombent les masques, se brisent les murailles qui nous séparent. C’est ainsi que les humains se retrouvent enfin loin de toutes querelles et mesquineries

C’est à Gennetines tout près de Moulins dans l’Allier que se déroule durant quinze jours ce miracle étonnant. Une société en transe tout autant qu’en danse se regroupe dans un vaste espace avec huit parquets et toute l’infrastructure pour réunir plusieurs milliers de danseurs. Attention, le choc est redoutable pour qui ne connaît pas ce monde magnifique. La courtoisie est de mise, personne ne double dans des files d’attente dans lesquelles il est plus facile d’entendre des chants que des récriminations. Pas un papier, pas un mégot sur le sol, tous les participants sont responsables et respectueux. C’est donc possible, il suffit de quelques notes de musique.

Quelques notes... ? Là, j’avoue être en-dessous de la vérité. Partout sur le site vous allez trouver des orchestres impromptus avec des accordéonistes, des vielleux, des violonistes, des flûtistes et bien d’autres encore, se lancer dans des mélodies qui se font symphonies du bonheur. Un attroupement se forme, des pieds se mettent à guincher. Ailleurs, sur tous les parquets, il y a toujours un groupe qui accompagne les danseurs dans leur frénésie de mouvement. Parfois les musiciens s’arrêtent de jouer, la danse continue pourtant. Un murmure monte de la salle, les pieds continuent de donner le tempo, l’harmonie est totale.

Le film ne vous donnera pas le tournis. Il alterne les images de danse, les gros plans de ces couples en fusion, de ces groupes en communion et les moments drôles, émouvants, merveilleux d’un monde sans colère, d’un peuple qui vit, mange, dort, se confie, se raconte avec une étonnante simplicité. Des échanges nous permettent de saisir combien la danse est à Gennetines une philosophie, une parenthèse enchantée dans la rudesse d’une époque qui aime à segmenter les gens et leurs loisirs.

Il y a surtout les merveilleuses confessions de Laetitia qui de sa voix douce, raconte sa découverte de la danse trad, ses émotions quand elle va danser. C’est poétique, troublant, d’un intime qui a vertu d’universel. Chacun peut comprendre alors que tous les danseurs que la caméra saisit, sont eux aussi dans cet état d’esprit. L’envie prend alors les spectateurs, à leur tour d’entrer dans la ronde, de partager jusqu’au bout de la nuit.

Le Grand Bal est non seulement un film jubilatoire, endiablé, enthousiasmant, rayonnant, c’est surtout un message d’espoir. Il est possible de vivre autrement, de sortir de cette société délirante pour retrouver comme à Gennetines ce parfum de paradis perdu. Et s’il suffisait de tous venir au Grand Bal pour changer le monde ?

Un formidable rêve sans doute… que transmet avec brio Laetitia Carton dans ce magnifique objet cinématographique totalement inclassable. Prétendre que ce n’est qu’un long documentaire serait réducteur. C’est un voyage, c’est une aventure humaine, c’est un programme utopique. Ce n’est pas non plus un film car se joue devant vous une réalité sans masque avec des participants dans une vérité absolue. C’est à n’en point douter un moment incontournable que vous ne devez pas manquer. Je vous invite à solliciter votre cinéma indépendant pour qu’il projette à son tour ce chef d’œuvre de générosité.

Enthousiastement sien.



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