lundi 13 mai 2013 - par Prometheus

Le manga révolutionnaire

Des meurtres, des attentats, des prises d'otages, du piratage informatique, ... Bienvenue dans le manga du 21ème siècle. Petite présentation de quelques mangas sentant le soufre qui n'hésitent pas à représenter des héros prêts à tout pour faire changer les choses.

L'action se déroule dans un hôtel de Tokyo. Plusieurs représentants du gouvernement japonais sont réunis dans un salon privé en compagnie de jeunes prostituées mineures. L'alcool, le sexe, l'argent, le pouvoir en un même lieu. Vieux, corrompus, dégueulasses, ils sont les parasites du Japon vivant sur leurs rentes et leurs retraites de haut fonctionnaire.

Vieillards libidineux qui ne respectent rien si ce n'est l'argent. Ils se croient au-dessus du peuple, de ses lois et de sa morale. Ils réduisent le peuple qu'ils étaient censés servir à l'état d'animal, de sous-homme, de sous-classe. Une jeune prostituée a le malheur de regarder une de ces épaves de travers. Et il lui arrache sa chemise, la jette à terre, lui tend son pied et lui ordonne de le lécher.
 
La jeune fille terrorisée, humiliée, rabaissée, est accusée de n'être qu'une marchandise vendue par des parents endettés. Sans fierté, sans âme, elle se met à quatre pattes, s'approche et se met à lécher les orteils mycosés de cette pourriture. Heureux, conforter dans sa toute-puissance il se met à rire et à rire. Relevant la jeune fille et commençant à la tripoter.
 
 
Jusqu'à ce qu'un mystérieux jeune homme assis dans un fauteuil les interpelle. Il les salue d'un lèvement de verre mais ils ne lui prêtent aucune attention et retournent très rapidement à leurs occupations. Quand d'un coup le jeune homme se lève, sort une arme, fait feu dans la jambe d'un des pervers. Il a enfin leur attention. Il se dirige vers le plus vieux, le plus moche, celui qui s'est amusé à se faire lécher les pieds. Il sort une hache de derrière son dos et l'abat sur la table face au vieillard. Lâchement le vieillard se cache derrière sa jeune prostituée. A présent terrorisé et surpris, il ne peut s'empêcher de demander à son agresseur : Qui es-tu ?
 

Comment décrire le manga Akumetsu ? Il est tellement politiquement incorrect. Ces deux auteurs Yoshiaki Tabata, Yûki Yogo en ont fait une petite bombe. Parue en 2003, Akumetsu parle d'un Japon rongé par la dette, les déficits et dont les politiciens corrompus préfèrent se remplir les poches plutôt que de réformer leur pays. Pas de grands méchants dans ce manga mais plutôt un système à combattre. Et le héros va s'y employer avec des moyens très expéditifs. A coups de hache il défonce des cranes d'ancien ministre des Finances, il embroche des sénateurs véreux, immole par le feu d'ancien président de banque, explose la tête de préfet de police incompétent. Ne vous attendez pas à avoir un manga gentil et moral. Le principe est simple. Le meilleur moyen de changer le système est d'utiliser la violence. C'est ainsi qu'au fil du manga Akumetsu va faire chanter le Premier ministre du Japon en lui laissant deux choix : la mort ou les réformes. Comme on dit pour en finir avec les déficits il faut couper dans le vif et Akumetsu le fait au sens littéral du terme.

Vous pensez que ce manga est une erreur de publication, une exception qui a réussi à passer à travers la censure étatique. Et bien c'est l'arbre qui cache la forêt.

Destroy and Revolution est un manga de Kouji Mori paru en 2010, l'action se passe au Japon. Les deux héros Tanaka Makoto, et Yuuki ont deux personnalités différentes. Tanaka est réservé, marginale, dépressif. Yuuki est beau, intelligent, populaire. Rien ne les poussait à se rencontrer si ce n'est une chose : leur dégout pour la société actuelle. Yuuki est ce qu'on pourrait appeler communément un révolutionnaire :

Charmant garçon... Alors que Tanaka lui ne brille pas vraiment par ses idées mais possède un pouvoir très étrange. Il est en effet capable de prélever avec sa main droite le métal n'importe où il se trouve. Ainsi il peut ronger une poutre en acier juste en prélevant petit à petit des morceaux avec sa main tout en se trouvant à plusieurs centaines de mètres de celle-ci. Ce pouvoir sera très utile aux idées révolutionnaires de Yuuki.

Leurs cibles seront très vite trouvées. Les bâtiments gouvernementaux, les entreprises bénéficiant de faveurs et graissant la patte des fonctionnaires, les ponts et les routes construites juste pour remplir les caisses noires des partis. Leur association les poussera vers leur objectif final : en finir avec la corruption.

On ne peut pas finir sur le manga révolutionnaire sans parler de Death Note ou le cahier de la Mort de Tugumi Ohba et Takeshi Obata. Ce manga, paru en 2003 et vendu à 30 millions d'exemplaires à travers le monde, met en scène Light Yagami un jeune lycéen, fils d'un préfet de police qui va un jour découvrir un étrange cahier. En effet lorsqu'il écrit un nom dans ce cahier, la personne mentionnée décède quelques instants après. Light va apprendre par la suite que ce cahier est la possession d'un Dieu de la mort qui a décidé de lui prêter histoire de voir ce qu'il allait en faire. Yagami, très intelligemment, va utiliser le Death Note pour débarrasser le monde des criminels et de la corruption. Au fil du manga on le voit réaliser son utopie et ses plans machiavéliques avec l'anticipation d'un joueur d'échecs. Grisé par le pouvoir quasi-divin de vie et de mort qu'il possède, il finira fou.

Depuis le début du siècle, un courant de manga que j'appellerai "révolutionnaire" est apparu. Bien loin des contes pour enfants, ces mangas se déroulent à notre époque et ont un vrai message politique et polémique. Ils surfent sur le désabusement d'une jeune génération qui a grandi dans la crise, agacée de voir des élites incompétentes ne prendre qu'une seule mesure, celle de protéger leurs intérêts. Entre fiction et réalité, il n'y a toujours qu'un pas !

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5 réactions


  • Berkano Othala 13 mai 2013 19:44

    Bonjour Jéremy .

    Je pense aussi à l’excellent Manga IKAGAMI, ou la rebellion et non la révolution,la remise en cause se fait à l’intérieur du système . Tout doucement mais sûrement le doute s’installe par le fonctionnaire chargé de remettre l’avis de mort dans un pays du proche futur à un jeune sur dix mille pour apprécier la vie, la mort se fait de manière ingénieuse , au cours d’un vaccin OBLIGATOIRE dès la maternelle,une injection léthale est administrée au hasard ,elle est programmée pour s’activer lorsque le citoyen a entre 18 et 25 ans , mais le problème c’est qu’il est prévenu que 24 heures avant son décès par un envoyé de l ’Etat, sa famille sera indemnisée, les frais d’obsèques couverts, et si le jeune se rebelle ou se venge ses proches sont ostrascisés, tout ceci dans un système très politiquement correct qui se dit libre ...

    Enfin un manga que je n’ai pas pu lire encore Paperboy...


    • monsieur hamstérinou 14 mai 2013 11:08

      Le problème d’Ikigami, c’est que l’auteur ne sait même pas lui même d’où il veut en venir, transformant l’ikigami en simple moyen de fabriquer des soldats (sous le pretexte débile que les gens ne savent rien du taux de mortalité sur le champ de bataille et s’imaginent qu’il est inférieur au 1/1000 des vaccins...), ce qui paradoxalement en détruit le côté le plus effrayant (il l’était bien plus quand il n’était qu’un pilier de la société sans justification autre que "la valeur de la vie« ), que la »rébellion" de Fujimoto passe par le rejet de ses compatriotes (« vous avez accepté ça parce que vous étiez déjà mort » - et donc par effet miroir « moi je suis vivant ») puis par la fuite (démontrant une absence de compassion là où les éléments « dégénérés » avaient des motivations plus complexes, et surtout une limite de temps de 24 heures - Fujimoto aussi vous me direz, mais elle n’était pas de même nature), et surtout, ce désamorçage de sa critique sociale en révélant, dans les derniers chapitres, que l’action ne se passe pas dans un Japon dystopique, mais dans un pays imaginaire (alors que les mentions de la démilitarisation, de l’emprise de leur « allié » sur ce pays, etc renvoyaient bien à l’histoire récente du Japon)

      Quant à Death Note, sans même parler de faits divers belges (ça serait trop facile...), Light n’est y pas représenté comme un brave révolutionnaire, et, plus que son intelligence, c’est sa puérilité qui est mise en avant, le Death Note révélant ses pulsions de toute puissance infantile Sa volonté de purifier le monde est d’ailleurs plus un idéal totalitaire que d’émancipation.

      Je n’ai pas lu Akumetsu, mais la description que vous en faites me fait plus penser à un comics américain (autojustice, corruption des élites, etc) qu’à un manifeste révolutionnaire.

      Bref, plus qu’une avant-garde révolutionnaire, ces manga sont avant tout des oeuvres commerciales (comme très souvent dans ce milieu) qui capitalisent sur le mal être des otaku, et leur offre un fantasme de destruction de la société à peu de frais.


  • Aristoto Aristoto 13 mai 2013 21:16

    Tient moi je connais un mangas authentiquement révolutionnaire !!! (sur des idées d’il y a deux siècle certe mais on avance à notre rythme de limace bipède )

    Sinon j’ai vu dernierement Hara-Kiri : Mort d’un samurai !!! Quel coup de balaie au traditionalisme japonaise !! Un film là aussi réellement révolutionnaire mais tel sa scène final j’ai bien peur que le peuple nippon soit toujours aussi abruti et soumis !


  • SuperGigaTony Upoz 14 mai 2013 14:07

    Bonjour,
    C’est ça qu’il y a de bien avec les mangas, les bd et même les livres, c’est que l’imagination permet tout, chacun y pioche ce qu’il veut suivant ses sensibilités .
    Death Note, je l’ai lu , 12 volumes exactement, une sorte de thriller très intelligemment construit, je l’ai même prêté à des non-amateur de mangas, ils ont trouvé ça génial...
    En lisant les 12 volumes, tellement le texte prime sur les illustrations, qu’au final on a bien lu un bouquin de 300 pages, ce qui est plutôt réjouissant pour ceux qui n’ont pas l’habitude de lire, par exemple nos jeunes..
    D’ailleurs des mangas, j’en offre à mon neveu, ça change de la console .
    Quand à la morale des mangas, elle est souvent très juste, mettant en avant de vrais valeurs, l’amitié, la résistance, l’effort..etc, l’avidité ne triomphe jamais, les méchants.. c’est pas des gentils, ils sont vilains ;) .

    J’ai pas trop saisis, cet article est pour ou contre les mangas ? Si il est contre, ne me répondez pas certains mangas .... parce qu’à ce moment là, faudrait s’attaquer, aux livres, aux films, aux jeux vidéos, aux publicités, à la télévision, en gros à tout quoi ... Si il est pour, c’est très bien de mettre en lumière cette art souvent dénigré et sous-estimé, par les plus vielles générations .


  • canalm 9 octobre 2013 17:16

    Death note est un manga vraiment exceptionnel qui s’adresse aussi bien aux adultes qu’aux enfants. J’ai été surpris par le scénar en tout cas ! pour ceux qui connaissent pas vraiment : http://www.canal-manga.com/manga/manga/death-note-episode1-2058.html


    Si vous avez un manga de ce genre, je suis preneur... 

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